En 1991, l’UNTM (Union nationale des travailleurs du Mali) a brillamment participé aux côtés du peuple malien à la lutte pour l’avènement de la démocratie. A l’époque, des hommes valeureux tels que Bakary Karambé et Boissé Traoré étaient là pour porter les revendications des travailleurs et du mouvement démocratique, sans calcul ni intérêts personnels.
En 2020, lors du soulèvement populaire contre le régime d’IBK sous la houlette du M5, qu’a fait l’UNTM dirigée par Yacouba Katilé pendant que les populations maliennes et plusieurs syndicats étaient dans la rue pour exiger le changement ? A la Bourse du travail, l’on opta pour une « trêve » qui, en réalité, n’était qu’une faveur accordée au pouvoir en place et dont l’objectif était de sauver le système en place.
Aujourd’hui, Katilé, nommé Président du Conseil économique, social et culturel, profite bien du combat du M5 et de la victoire des Maliens. Cependant, le SG de l’UNTM ne semble pas diriger la chute du régime défunt. Alors que faire ? Torpiller la marche de la transition. Prétexte trouvé ? Les récentes déclarations du Premier ministre Choguel Maïga devant le CNT au sujet de la situation des travailleurs compressés. Nul n’est dupe ! L’agitation actuelle à la Bourse du travail cache mal un jeu politique trouble qui ne dit pas son nom. Au-delà du PM, tout porte à croire que Katilé et certains de ses camarades syndicalistes sont dans un schéma dont les objectifs et les motivations dépassent largement le siège de la centrale syndicale. Analyse !
Dans une correspondance adressée au gouvernement de transition vendredi 06 mai 2022, la centrale syndicale fustige « le non-respect par le gouvernement de Choguel Kokala Maïga des promesses tenues aux travailleurs ». Dans cette lettre, la centrale syndicale regrette également une non priorisation du règlement des problèmes des compressés et des retraités par anticipation.
Dans sa correspondance, le secrétaire général de l’UNTM déplore ces propos du Premier ministre : « les problèmes des compressés et des retraités par anticipation ne sont pas prioritaires pour le Gouvernement ». C’était lors de son interpellation devant le CNT. Pour Yacouba Katilé, ces propos de Choguel Kokalla Maïga « attristent le monde du travail parce que celui-ci avait ordonné le paiement des droits des compressés et retraités par anticipation juste après sa nomination ».
En plus de ce dossier, Yacouba Katilé revient sur d’autres vieux dossiers qui étaient là depuis l’ère IBK. Ainsi, le SG de l’UNTM accuse le chef du gouvernement d’avoir refusé entre-autres la relecture du décret fixant les conditions d’emploi du personnel de l’administration relevant du code du travail, le rétablissement dans leurs droits des responsables syndicaux. Et Katilé regrette que Choguel n’ait pas aidé les salariés maliens à faire face à la cherté de la vie. Où était donc Katilé pendant que le peuple malien souffrait 7 longues années sous le régime défunt ?
Menace ou chantage ? Le secrétaire générale de l’UNTM met en garde le Premier ministre : « Le syndicalisme peut entrer dans le jeu politique national. Toutes les conventions et résolutions le consacrent. Donc faites attention », prévient l’UNTM. Une vieille recette connue à la Bourse du travail et dont le but n’est nullement la sauvegarde de l’intérêt des travailleurs.
En outre, Katilé accuse le PM de refuser la création des Bureaux de placement privé (BPP) : « Vous refusez une révision des Codes portant création des Bureaux de placement privé (BPP) qui exploitent seuls des milliers de jeunes travailleurs maliens. Vous refusez que Patronat et UNTM ouvrent des discussions pour l’octroi des augmentations de salaires que le privé n’a pu satisfaire ni en 2014, ni en 2019, ni en 2021, en incitant les employeurs à ne pas mêler l’UNTM dans vos discussions. Vous refusez toute intervention pour le respect de l’intégralité des domaines de l’ORTM et de l’IER laissés aux mains des spéculateurs fonciers parce que l’UNTM en fait une revendication essentielle ».
Les éclaircissements du Premier ministre devant le CNT
Pourtant avant cette correspondance, le chef du gouvernement lors de son passage devant le CNT, le 23 avril 2022 avait apporté des éclaircissements sur les différents points évoqués dans la correspondance incendiaire de Katile au sujet du dossier des compressés : « Il faut noter que le dossier des compressés se présente en deux groupes : il y a un premier groupe des compressés dont les dossiers sont portés par l’UNTM. Il s’agit des sociétés HUICOMA, COMATEX, SMECMA, ITEMA, Azalaï Hôtel Tombouctou. La commission mise en place pour la gestion de ces dossiers a conclu ses travaux et son rapport est disponible. Le montant total à payer pour l’ensemble de ces dossiers est de 5 milliards 852 196 071 francs. Le second groupe de dossiers est porté par les associations de travailleurs compressés du Mali. Il s’agit de l’Association des travailleurs compressés du Mali (ACTM) et de l’Union des travailleurs compressés du Mali. Ces dossiers concernent 33 sociétés pour un effectif d’environ 52 .000 bénéficiaires. Le comité interministériel mis en place avec la participation de ces associations de compressés a évalué le montant à payer à 18 milliards 395 441 022 francs…C’est des montant que l’Etat traine depuis plus des 30 ans ! Le montant total cumulé de l’ensemble de ces dossiers est évalué aujourd’hui à 24 milliards 204 637 093 francs. Des discussions sont en cours entre les responsables de deux associations des travailleurs compressés et les départements des Finances et de Travail en vue d’aboutir à une gestion définitive de ces dossiers dans le meilleur délai. Vous comprendrez qu’avec la crise financière, la situation réelle du pays, c’est des dossiers dont la gestion est extrêmement complexe », avait déclaré le premier ministre, Choguel K Maïga.
Le jeu trouble de Katilé
Alors comment comprendre la sortie de Katilé et certains de ses affidés ? D’autant plus que sous l’ancien régime, alors que plusieurs syndicats nationaux, notamment, les magistrats, la santé, l’éducation de base, l’enseignement supérieur, les surveillants de prisons …étaient en grève, la centrale syndicale brillait par son silence.
En effet, de 2013 à 2020, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) gardait un silence de carpe face à la détresse des travailleurs maliens. Un silence qui traduisait, pour certains, l’inféodation au régime défunt de responsables syndicaux qui siègent à la Bourse du travail.
Depuis des années et avec l’arrivée de Katilé à la tête de la centrale, chaque syndicat national entendait être maître de son destin et surtout du sort de ses syndiqués face à l’UNTM dont les responsables étaient fortement soupçonnés de faire le jeu du pouvoir en place.
L’Union nationale des travailleurs du Mali restait étrangement muette dans la défense des intérêts des travailleurs. Un silence complice qui tranchait avec la colère affichée par beaucoup d’organisations syndicales qui dénonçaient les nombreux problèmes actuels du monde du travail : doléances non satisfaites, cherté de la vie, mauvaises conditions de travail et de vie, paupérisation, corruption généralisée, détournements, dilapidation des ressources de l’Etat et mauvaise gouvernance.
Face aux revendications des travailleurs et à la détresse des différents syndicats, la vieille centrale syndicale a continué de se murer dans un silence assourdissant, une passivité déconcertante, préférant laisser les syndicats nationaux dans un face à face incertain avec le pouvoir de l’époque suscitant ainsi de multiples interrogations.
En réalité, l’Union nationale des travailleurs du Mali (Untm) ressemblait de plus en plus à un satellite du pouvoir en place et aux ordres des gouvernants successifs sous IBK. Un secrétaire général de l’Untm qui siège au Conseil économique et social, et d’autres responsables qui sont membres de différents conseils d’administration de société et autres entreprises. Eux tous, bénéficient d’émoluments et de gratifications astronomiques. Adieu la défense des syndiqués ! Au-delà, de nombreux travailleurs dénoncent aujourd’hui des pratiques de clientélismes qui minent le syndicalisme malien.
S’y ajoute la corruption qui serait en cours en haut lieu. Autres reproches faits à la centrale Syndicale ? Le manque de démocratie interne, l’opacité dans les prises de décisions. La désignation tronquée des délégués lors des congrès. S’y ajoute le clientélisme, l’absence d’éthique et de déontologie et l’inféodation… Dès lors, il était aisé de comprendre le silence complice de l’Untm (sous l’ancien régime) face aux problèmes des travailleurs. En réalité, à la Bourse du travail certains responsables syndicaux ont décidé de sacrifier l’intérêt des travailleurs au profil de leurs intérêts personnels.
Mémé Sanogo
Source: L’Aube