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Boua Ni Sogoma : Bonjour Kôrô Président et que la Paix de Dieu soit sur vous et sur notre peuple !

L’année 2018 vient de s’achever en emportant sous ses ailes toutes les rumeurs les plus folles qu’on avait véhiculées sur votre état de santé, pendant votre temps d’absence et qui a paru trop long aux yeux de certains, peut-être trop pressés de vous remplacer à la tête d’un pays que vous aimez tant.

D’aucuns ont soutenu que vous êtes “aphone” incapable de parler. D’autres ont juré sur tout que vous êtes atteint d’une maladie qui, inexorablement, vous éloignera et pour toujours du pouvoir que le Tout-Puissant et Miséricordieux  vous a confié.

Ce que l’on oublie, bien que chacun de nous se réclame musulman ou chrétien, c’est que nul ne peut échapper à la mort. Elle frappera chacun de nous lorsque Celui qui a donné la Vie aura décidé de la reprendre. Que toutes ces rumeurs, comme on le dit chez nous, rajoutent à votre vie !

Cependant, moi j’ai eu peur de cet Homme qui n’a point peur de mentir sur son prochain, de le donner pour mort ou de lui coller une maladie incurable. Et l’on ne se gêne pas de jurer sur Dieu ou son prophète pour des mensonges, sur des mensonges qui sont vite démentis par la réalité des choses. Et je me demande comment l’on peut se “déshumaniser” à ce point ?

Kôrô Président pendant que chacun allait de son commentaire, l’on vous a vu descendre de votre avion, tellement en forme que vous n’avez même pas eu besoin de prendre le rampe de l’escalier. Vous êtes donc bien vivant et en pleine forme, coupant ainsi court à toutes ces rumeurs savamment orchestrées contre vous et par ceux-là qui sont pressés de vous voir partir tout de suite de Koulouba.

Vous êtes donc arrivé à quelques encablures du nouvel an qui sera je l’espère, celui du départ de votre deuxième mandat, le mandat après lequel vous ne pourrez plus briguer un troisième.

Vous avez donc, Kôrô Président, l’obligation de prouver ce que vous nourrissez pour votre pays, pour votre peuple. Vous n’avez plus droit à l’erreur et vos adversaires ne vous feront pas de cadeaux. La moindre erreur de votre part sera exploitée par eux et contre vous.

Ils fouineront partout, dans votre gestion, dans celle de votre gouvernement, dans vos nominations, dans vos discours, dans vos rapports avec vos partenaires, dans les coins et recoins de tout ce que vous ferez et saisiront la moindre occasion pour vous dénigrer, vous abattre pour vous déstabiliser et vous opposer à votre peuple.

Ils vous laisseront difficilement achever votre mandat. Ce que la voie des urnes ne leur a pas permis d’obtenir, ils passeront par d’autres subterfuges pour l’avoir.

Vous devrez donc être fort et très fort pour aller à l’assaut de vos détracteurs et face à votre peuple pour lui donner votre version des faits. Ce qui n’est pas du rôle d’un Premier ministre ou du porte-parole du gouvernement.

C’est vrai que ces deux constituent des fusibles pour vous, mais il faudrait que de plus en plus vous montiez vous-même au créneau pour parler à ceux qui vous ont élu et même aux autres qui, après tout, sont des Maliens comme tout le monde.

Nous Maliens sommes très forts dans la délation et pour une population dont la majorité n’a pas été à l’école, il est très facile de lui faire croire, facilement à un mensonge savamment monté et avec l’avènement des réseaux sociaux, l’on peut diffuser encore plus facilement tout ce que l’on veut faire croire aux abonnés de ces applications.

Et ils diront toujours qu’ils ont vu eux-mêmes sur Facebook ou sur WhatsApp.

Kôrô Président, les hostilités ont déjà commencé avec le projet d’éducation sexuelle à l’école et pour lequel on vous accuse d’avoir pris beaucoup d’argent avec les partenaires qui en sont les commanditaires. Il était clair que vos adversaires n’allaient pas vous rater sur ce plan.

Vrai ou faux, je vous suggère d’être plus regardant sur la gestion de certains dossiers et qui engagent la responsabilité du gouvernement à commencer par vous-même.

Il y a, dans nos administrations, beaucoup de cadres qui ne vous aiment pas et qui n’hésiteront pas à alerter ceux qui peuvent vous faire du mal pour des questions aussi sensibles que celles relatives aux mœurs, à la religion.

Donc, difficilement vous pourrez vous disculper aux yeux de votre peuple. Parce que même si vous n’en êtes pour rien, vous restez le président de la République, donc vous devez vous assumez. Ne dites jamais que vous n’êtes pas au courant. Vous êtes forcément au courant parce que c’est le président de tous les Maliens, le chef de l’Etat.

C’est pourquoi il reste encore aujourd’hui plus que nécessaire pour vous d’ouvrir vos portes à vos amis et même à ceux qui n’ont pas voté pour vous, pour que chacun vous dise ce qu’il pense de vous, de votre façon de gouverner, de leur vision pour le Mali qui reste après tout le patrimoine commun dont nous nous réclamons tous.

Soyez donc accessible à tous ou directement ou indirectement.

Vous avez les moyens de créer ces réseaux et ces créneaux d’information qui vous diront la vérité et la réalité des choses pour vous permettre d’anticiper, de prévoir et d’agir en toute responsabilité. J’insiste là-dessus Kôrô, parce que c’est le reproche que beaucoup vous font régulièrement. Vous avez tout à gagner en acceptant que le plus débile de vos compatriotes vous dise ce qu’il pense.

Ouvrez aussi vos portes à ce courtisan qui, pour quelques billets de banque amusera la galerie. Ne vous méprenez pas sur la signification de tout ce qu’il pourra vous dire. Il peut y avoir après tout un grain de vérité que vous ajouterez à tout ce que vous aurez appris des autres.

Mandé Mansa vous l’êtes certes, mais vous êtes aussi le Mansa des Sarakolés, des Peuls, des Dogons, des Bamanans, des Sénoufos, des Gana, des Songhays, des Bellah, des Tamasheqs, de tous ces peuples qui composent le Mali.

Souffrez que le troubadour vous dise ce qu’il pense, de ce tout ce qu’il voit, entend et sent autour de lui. C’est en cela que vous serez le mieux renseigné possible et le plus averti.

Kôrô Président pour cette première parution de 2019 de Boua Ni Sogoma je voudrais attirer votre bienveillante attention sur deux choses qui doivent constituer des priorités de votre politique gouvernementale pour les quatre années à venir. Il s’agit de :

  1. La situation de nos populations du Centre qui reste l’une des préoccupations majeures dans notre politique de sécurité.

Au début, il y avait un conflit Dogon-Peul animé et alimenté par un esprit religieux entretenu, disait-on, par le prédicateur Amadou Kouffa qui aurait été éliminé par la force Barkhane et les FAMa, il y a juste un mois.

Notre pays se trouve ainsi amputé de presque des 2/3 du territoire national. Le Centre et le Nord nous échappent et tardent à se pacifier. Il n’y a presque plus de vie dans ces parties de notre pays, naguère berceaux de commerces florissants entre l’Algérie, le Nigeria, la Libye et notre pays et le poisson du centre qui se vendait au Niger, au Ghana.

Les écoles sont fermées. Les foires hebdomadaires ne se tiennent plus, les vivres sont rares parce que la circulation d’une ville à l’autre, d’un village à l’autre et même d’un hameau à l’autre est difficile et comporte des risques : attaques à mains armées, mines artisanales, embuscades de bandits, etc.

Personne ne fait confiance à personne. Tout le monde se regarde avec méfiance, en chien de faïence. Le spectre de la mort plane partout. Que de familles endeuillées ? Les populations ne savent plus à quel saint se vouer. Que de villages incendiés ! Que de populations déplacées ! Que de foyers détruits !

Les protagonistes (les Peuls et les Dogons) se sont retrouvés pour se parler et pour se pardonner. Ils ont décidé d’enterrer définitivement la hache de guerre. Mais rien n’y fit et ce sont des “Donso” qui tirent sur tout ce qui bouge et avec des armes de guerre.

D’où viennent-ils ces Donso ? Qui sont-ils ? Et que veulent-ils ? Ce sont autant de questions que l’on doit se poser. Ces Donsos nous rappellent curieusement ceux de la Côte d’Ivoire et qui avaient coupé le pays en deux.

Hier, c’était les touarègues qui ont crié au génocide, parce qu’ils sont un peuple minoritaire et tous les crimes qu’ils ont commis sur des populations civiles et militaires du Sud n’ont jamais été condamnés par la même opinion internationale qui s’est fait son écho et son défenseur.

Aujourd’hui ce sont les Peuls qui souffrent le martyre. Ils ont eux-aussi tué beaucoup de peuples d’autres ethnies de notre pays. Ils sont eux-aussi peuple minoritaire. Demain ce sera le tour des Mandéka ou des Sarakolés peut-être ?

Alors à quoi tout cela rime ? Que des enfants d’un même pays se tuent impunément et tous les jours sans que jusqu’ici l’on ne sache ou que l’on en connaisse les vrais mobiles. Que veulent-ils ? Au-delà de la raison religieuse qui me semble être un prétexte. Dans un pays laïc où la Loi fondamentale consacre la liberté de choisir sa religion, quelle autre raison serait-on tenté d’évoquer ? Serait-ce pour des motifs de sécession, d’autonomie, d’indépendance.

Le couple Iyad-Koufa pourrait prétendre vouloir islamiser le Nord et le Centre, ils auraient alors pris par devers eux la responsabilité de quitter la République et de créer alors une République islamique.

Kôrô Président il est temps que vous trouviez la solution à tous ces problèmes de cohabitation désormais difficile entre des populations qui ont des siècles de vie commune. Si le Nord et le Centre explosent, il y a de fortes chances que l’Est, le Sud et l’Ouest ne résistent pas à cette déflagration. Que Dieu nous en garde donc !

Faites en sorte Kôrô Président que les armes se taisent entre les communautés du Centre, car ce sont des Maliens qu’on tue et personne ne peut être fier d’avoir gagné cette guerre.

Faites appel à nos ressorts culturels pour mettre autour d’une même table Peuls-Dogons-Donso et les autres composantes du Centre du Mali pour qu’ils se parlent et qu’ils fassent parler leur cœur et la raison.

Parce que nombreux sont ceux d’entre ces belligérants qui ne savent pas pourquoi ils prennent les armes. Ils y ont été simplement ou inconsciemment embarqués. Car les raisons financières me paraissent, connaissant le Malien, le musulman ou le Malien chrétien, très peu plausibles pour justifier autant de crimes, autant de meurtres, autant de drames.

Il ne s’agira pas de réunir seulement les hommes politiques peuls et dogons, mais aussi les marabouts, les chefs traditionnels, les chefs religieux, les anciens chefs de canton, les chefs de village et toutes les autorités coutumières et administratives de la région pour plancher pendant au moins une semaine sur tous les problèmes qui sont ou peuvent être source de conflit entre les communautés.

Il leur appartiendra à elles-mêmes de proposer les solutions et mettre les garde-fous nécessaires pour éviter à l’avenir que la zone ne sombre dans des violences intercommunautaires.

La solution, je pense, passe par là.

  1. La deuxième préoccupation que je voudrais vous soumettre est ce silence coupable autour de la situation de nos cours d’eau. Les orpailleurs, Kôrô Président, sont en train d’exterminer petit à petit nos populations.

On dit que l’eau est source de vie, mais l’eau de nos fleuves et autres cours d’eau est source de mort et personne ne vous en parlera, parce que ceux chargés de la protection de l’environnement sont complices de ces orpailleurs chinois, sénégalais, burkinabés, guinées et maliens qui ont installé, au vu et au su de tout le monde des dragues sur tous nos cours d’eau qui en creusent le lit pour en extraire de l’or qu’ils lavent ou nettoient au cyanure et aux autres produits toxiques qu’ils y déversent.

Et chaque exploitant de drague a un protecteur à Bamako et ils détiennent seulement des permis d’exploration ou de prospection et non des permis d’exploitation. Mais ils exploitent tous notre or sans aucune autorisation. Le cyanure et le mercure tuent notre faune et notre flore aquatiques. Ils provoquent chez nos populations des maladies graves qui entraînent la mort.

Et le hic Kôrô Président, c’est aussi cette présence incontrôlée de toutes ces nationalités africaines, asiatiques et autres dans notre pays et qui exploitent des tonnes d’or de notre sous-sol et de nos cours d’eaux. Personne ne peut vous dire la quantité exacte d’or que ces exploitants illégaux, irréguliers, clandestins en voient à leur pays.

J’ai vu une équipe asiatique à Kangaba propriétaire d’une grande drague sur le fleuve Niger et qui en exploite le lit pour extraire combien de tonnes du métal précieux, difficile à dire. Et l’on ignore même à quel moment et par quel moyen cette équipe envoie son or dans son pays.

Il n’y a qu’au Mali que cela est possible. Nos compatriotes qui ont migré dans les pays voisins à la recherche du même or en ont été simplement et violemment expulsés. Notre hospitalité légendaire nous pose aujourd’hui problème.

Je ne dis pas qu’il faille fermer les portes du Mali aux autres, mais nous devrons fermer nos portes aux catastrophes écologiques, morales, sociales que cette “grande ouverture aux autres” pourrait créer à notre pays.

Les animaux aquatiques sont systématiquement tués, la flore aquatique a disparu et les hommes se meurent et personne ne lève le petit doigt pour dire Stop, ça suffit. Il y a des milliers de dragues sur nos cours d’eau Kôrô Président et je sais que personne ne vous en a parlé.

Les orpailleurs ont fouillé des millions d’hectares en détruisant souvent toute notre forêt et notre faune. Il n’y a même plus le moindre petit lapin dans nos forêts. Le gros gibier a migré vers les forêts guinéennes. L’exploitation minière a tout détruit et pour reconstituer nos forêts, il faut des siècles et même là nous serons obligés d’importer des animaux d’ailleurs pour reconstituer notre faune sauvage.

L’Europe reboise et protège ses forêts et sa faune. Tuez un simple écureuil aux USA, vous comprendrez que vous avez commis un crime de lèse-majesté.

Nous sommes donc en train de tout perdre y compris notre propre survie et pour quel pourcentage d’or exploité dans notre économie.

En tous les cas, il n’y a plus de forêt, même celles dites classées ont été détruites pour faire du bois de chauffe, du charbon.

Nos cours d’eau sont appelés à disparaître très bientôt. Et il n’y aura plus d’eau potable chez nous, car toutes les eaux de nos cours d’eau sont souillées, donc mortelle. N’attendez donc pas Kôrô Président que cela soit, pendant que vous présidez aux destinées du Mali, ce pays que vous aimez à l’obsession, tel un de vos slogans de campagne “Mali ko yèrè yèrè”.

Oubliez les rapports tronqués qu’on vous envoie, descendez sur le terrain pour voir et comprendre le drame très prochain qui nous guette. Surtout que vous avez un Premier ministre qui a la même passion que vous pour le Mali.

Qu’Allah SWT bénisse notre pays.

Par Mamoutou Kéita

 Producteur de spectacles

Source: Aujourd’hui-Mali

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