C’est ainsi donc qu’il se recrée, sous une autre dimension, en demeurant toutefois le même sans jamais épuiser ses ressources. Et ses concitoyens ont prié hors du temps, hors du jour, hors de la nuit, eux et tous les autres ont supporté la mémoire, l’espérance, le chagrin ; ils figurent ainsi le rachat d’une pensée, le reflet du monde céleste sur la terre, l’ultime appel des béatitudes, pures victimes consentantes du code des signes quotidiens et immémoriaux.
Les pensées peuvent s’insinuer de la sorte dans les silences et dans le fond de propos qui roulent.
Quant au Président IBK, il garde toujours en lui, au delà de son humanisme serein, les ressources d’une vie plus explosive, d’une plus grande exaltation, pour laisser libre cours à d’autres impulsions pour le plus grand bonheur de notre pays.
Au total, et bien que la lente maturation de son programme contraste avec les caprices de notre temps, c’est peut-être sa conception de la politique comme perpétuelle recherche sur ses moyens et son contenu propres qui a donné au Président IBK une place majeure dans la sensibilité de ce millénaire naissant.
Celui qui s’était acquis une réputation de « Rouge » par son radicalisme avancé au sein du mouvement syndical estudiantin en France et dans le syndicalisme en général, par des revendications jugées incendiaires (Défense des libertés démocratiques au Mali, libération immédiate et sans condition de tous les détenus politiques, liberté syndicale….) et peut-être plus encore ses liens avec un grand parti politique de gauche, avait scandalisé la haute société au pays.
Mélange d’orgueil et de perspicacité, il s’impose comme un debater de premier ordre, à l’éloquence concise mais vigoureuse. Il introduit un nouveau style de discours contre la langue de bois, qui allie aisance, élégance et puissance, loin des envolées pompeuses de maints ténors de l’AESMF et de la FEANF.
Très actif dans la création et la réorganisation de l’ADEMA, il en devient l’un des leaders, puis le leader, avant d’en démissionner avec éclat en entraînant avec lui une fraction importante de dirigeants et de militants. Il a désormais les mains libres pour mener une politique d’extension, d’encadrement et de consolidation d’un nouveau parti politique (le RPM), et, par son prestige et sa personnalité, qui lui avaient fait occuper une position privilégiée dans les gouvernements précédents, dont celle de Premier ministre (record dans la durée), il a su garder la même vigueur, le même dynamisme, le même mordant lors des élections suivantes.
La vie d’IBK ne peut être séparée de son action politique. La politique est son histoire, l’histoire d’un homme qui entend faire de sa vie une politique exemplaire, au rythme même de cette politique qui la découvre.
IBK reprend à son compte le cri de Rimbaud : il faut changer la vie. Il ne suffit plus, pour l’ancien Président de l’Assemblée Nationale de constater la réalité et de la dire : il faut également la produire. Pour le Président de la République, la politique est une connaissance productive du réel. Il convient qu’elle soit inséparable du prévisible, qu’elle doit du reste formuler. Elle témoigne de l’évidence du présent animé par la prescience de ce qui est à venir, mais encore invisible, par la cause de la rigueur des règles qui s’obstinent à nous apprendre à mépriser le génie que nous avons en nous, qui nous empêche de vivre , c’est-à-dire de nous lancer à la reconquête des pouvoirs extraordinaires dont nous nous sentons profusément traversés mais que nous n’exprimons qu’incomplètement, faute de loyauté envers nos ancêtres et notre culture, et de persévérance.
Réhabiliter le Malien dans sa nature vraie. L’homme, en effet, est à « requalifier ». Pour ce faire, l’homme-à l’exemple d’Héraclite-, doit refuser de morceler la « prodigieuse question » et prendre conscience de ce que le devenir progresse conjointement à l’intérieur et tout autour de nous. Il doit mettre l’accent sur l’alliance exaltante des contraires qui le composent, qui l’obligent sans cesse à la vigilance, surpris par le contraire qui nie tout aussitôt ce qu’il croyait avoir établi une fois pour toutes. Pris dans le fil du devenir, n’étant jamais définitivement modelé, le citoyen se trouve disloqué, produit d’une juxtaposition de moments divers qu’il s’efforce tant bien que mal de lier par une logique arbitraire qui le rassure provisoirement sur une unité illusoire. Dans cette situation, l’homme d’Etat Ibrahim Boubacar KEÏTA, écho des citoyens fragmentés qu’il tente de recomposer en tenant compte des contradictions qui les qualifient, ne peut être que « pulvérisé », se projetant malgré sa convalescence dans un avenir qui rendrait possibles l’entente et la reconnaissance des « inconciliables ».
A la différence de beaucoup de ses contemporains, le Président IBK ne désespère pas de cette situation « absurde » ; il lui suffit seulement de l’assumer sans jamais abandonner l’espoir, le seul langage actif et la seule illusion susceptible d’être transformée en bon mouvement. Notre Président ne cesse d’espérer du désespoir. A chaque effondrement, il répond par une salve d’avenir.
Le Président de la République repousse le « ressassage » du passé, la complaisance à la réalité telle qu’elle est, la satisfaction. La politique devient avec lui action, exploration de ce qui est dans la profondeur et non plus dans son déroulement apparent, connaissance de ce qui est à venir.
S’arrachant à la fascination d’une « imagination toute ronde », toujours allant, toujours à la recherche de la vérité, IBK se situe sur une ligne de crête entre le réel crée et incréé. Il veut vaincre tous ces malaises nés de la crise dont il a héritée, par la dislocation de l’être déchiré entre l’amour de son pays et l’inquiétude d’un monde d’hommes et de femmes livrés à la destruction, à l’injustice et à la misère qu’il faut dépasser pour parvenir à un monde meilleur.
Sa volonté consiste à se tenir « débout » et à ne jamais succomber sous le poids de l’adversité, de quelque manière qu’elle se présente, de triompher de la maladie, avec « l’audace de rester soi-même la forme accomplie de la vocation de sa fonction suprême ».
Moraliste discret, qui n’est dupe d’aucun mot, celui qui a lu dans le texte les élégiaques, Tibulle, Horace etc. a, en outre, le sens de la vie moderne et un sentiment profond de la peine d’autrui.
Avec vos yeux brillants qui témoignent d’une flamme intérieure, votre prestige personnel et vos qualités d’homme d’Etat, Bienvenue Monsieur le Président et bonne convalescence.
Maître Mamadou GAKOU
Source: info-matin