Cette noix peut rapporter gros, si des investissements conséquents sont mis en place pour passer à la transformation industrielle. Surtout que les industriels chocolatiers envisagent l’adjonction du beurre de karité dans la fabrication du chocolat
Au Mali, environ 78% des femmes travaillent dans le secteur rural et apparaissent ainsi comme des actrices de premier plan dans la lutte contre l’insécurité alimentaire. Depuis la nuit des temps et aussi vieux que le karité existe sur la terre, les femmes en milieu rural ont toujours été au cœur de l’extraction du beurre dans les villages, campagnes et hameaux. Parallèlement aux activités agricoles, et en amont de l’extraction du beurre, les femmes sont impliquées dans le ramassage des noix de karité. Cette activité est aussi laborieuse, car nécessitant de nombreux déplacements aux pieds des arbres avec des mouvements répétitifs dorsaux pour ramasser les noix. Après suivra l’étape de la transformation artisanale qui est aussi harassante que fatigante pour produire du beurre de karité. La vente de ce produit fini est une source de revenus pour les femmes qui contribuent aux charges du ménage.
Faut-il rappeler que le Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSCRP) met un accent particulier sur la promotion de la filière karité notamment comme moyen d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). En effet, la filière karité a été identifiée comme une des filières porteuses d’emplois et de revenus.
Mme Doumbia Sounoukou Sacko évolue dans une coopérative de productrices de beurre de karité à Sanankoroba. Elle explique que l’extraction du beurre de karité est une activité très difficile et épuisante. Le processus est très long et fatiguant pour obtenir le beurre de karité de bonne qualité. « Beaucoup de femmes s’adonnent dans les zones rurales à la fabrication du beurre de karité pour aider leurs maris dans les périodes de soudure », confie Mme Doumbia. Elle explique le processus de transformation qui démarre par le ramassage des noix, le dépulpage, le lavage et la cuisson. Ensuite, le conditionnement, le décorticage, le broyage et l’extraction sont les différents procédés auxquels les femmes sont astreintes pour produire du beurre de karité de bonne qualité répondant aux critères de commercialisation.
L’activité de production du beurre de karité ne peut se faire individuellement. Pour cela, les femmes se regroupent en coopératives, groupements et associations afin de rendre le travail plus facile et rapide, car le processus est un travail d’endurance. Elles s’organisent pour améliorer la production et la qualité du produit afin d’être compétitives sur le marché et contribuer au développement économique de la communauté. La vente de ce produit de karité procure ainsi une source de revenus non négligeable aux femmes rurales. Ces revenus contribuent à améliorer leur statut social et leur indépendance économique au quotidien.
Pour Mme Diarra Djélika Diarra, la production du beurre est une activité qu’exercent beaucoup de femmes en milieu rural, en plus des tâches ménagères. Et c’est un travail difficile qui prend tout le temps de ces femmes. Exerçant cette activité depuis sa tendre jeunesse, Mariam Koïté soutient que l’extraction du beurre de karité nourrit bien son homme. En effet, ajoute-t-elle, la plupart des femmes dans les Régions de Sikasso et Ségou sont douées dans cette activité qui leur permet de subvenir aux besoins des ménages. « Sans cette activité d’extraction du beurre de karité, que deviendront les femmes rurales, dont les revenus sont limités, voire insignifiants », s’interroge Mariam avant de dénoncer les contraintes liées à cette activité. Ce sont, entre autres, la transformation et le manque de moyen de conservation au niveau local. La Fédération nationale de karité (FNK) pointe du doigt les principaux problèmes de la filière karité. Il s’agit, entre autres, de la faible organisation des acteurs, la faible maîtrise des techniques améliorées, l’insuffisance d’infrastructures pour la collecte des noix, la conservation, la vente et le transport du beurre de karité vers les marchés.
39,25 MILLIARDS DE FCFA- De son côté, Mme Doumbia Sounoukou Sacko énonce le manque de moyens appropriés pour la transformation du beurre de karité et l’accès au marché international. Elle sollicite le soutien des autorités pour promouvoir la filière. Aussi, indique-t-elle, il faut former les femmes évoluant dans ce domaine sur les bonnes techniques d’extraction du beurre et apporter des aides matérielles nécessaires que ce soit sur le plan alphabétisation que technologique.
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), notre pays a produit en 2008, 190 000 tonnes d’amande de karité. En ce qui concerne les noix de karité, notre pays représente à lui seul 23 % de la production mondiale. Ce qui fait du Mali, le deuxième plus gros producteur mondial de karité après le Nigeria. Selon le document de la 9è session du Conseil supérieur de l’agriculture qui s’est tenu en mai dernier, notre pays dispose d’un potentiel de 250.000 tonnes d’amande, dont seulement 53.000 tonnes sont exportées. Les objectifs de la campagne 2019 sont de 196.276 tonnes d’amande. La transformation de cette quantité d’amande peut donner 58.882 à 78.510 tonnes de beurre de karité. Le rendement pour la production de beurre se situe entre 35 et 40% du produit brut. Pour la campagne 2020-2021, les objectifs de productions sont respectivement de 206.090 tonnes et 216.394 tonnes. Les principaux produits de la filière karité qui font l’objet d’exploitation et de commercialisation sont l’amande et le beurre dont la vente attendue pourra générer environ 39,25 milliards de Fcfa en raison de 200 Fcfa/kg d’amandes.
Cette noix peut rapporter gros, si des investissements conséquents sont mis en place pour passer à la transformation industrielle. Des tentatives d’industrialiser cette production ont été mises en vigueur, mais, elles n’ont duré que le temps d’un feu de paille. Le département en charge du Commerce et de l’Industrie gagnerait à mieux carburer dans le sens de la production industrielle qui placerait notre pays dans la catégorie des gros producteurs et vendeurs de beurre de karité dans le monde. Les industriels chocolatiers avaient envisagé la possible adjonction du beurre de karité dans la fabrication du chocolat. Ceci est une opportunité qui pourrait s’avérer une manne intarissable, et les autorités pourraient s’en saisir et monter une campagne de plaidoyer pour la préservation du karité d’une part et la promotion du beurre auprès des industries chocolatières d’autre part.
Anne-Marie KEÏTA
Source: L’Essor-Mali