L’agence de coopération médias française (CFI) a enfin choisi de faire profil bas, dans l’affaire qui a conduit un journaliste béninois en prison pour…trois tweets.
Après avoir multiplié des déclarations pour tenter de se justifier, elle s’est résolue à présenter ses excuses.
CFI est accusée par plusieurs organisations de défense de la liberté d’expression d’avoir servi des moyens à la Justice béninoise pour jeter injustement en prison le journaliste Ignace Sossou.
L’agence a adressé le 19 décembre une lettre au ministre de la Justice du Bénin dans laquelle, non seulement elle qualifie le journaliste Ignace Sossou de “peu scrupuleux”, mais aussi lui reproche d’avoir “tronqué” et “sorti de leur contexte” des propos du procureur de la République, Mario Métonou.
La veille, le journaliste relatait sur Twitter et Facebook, des propos dudit procureur, lors d’une conférence organisée par l’agence française dans la capitale du Bénin sur les infox.
Seulement, le procureur nie avoir tenu lesdits propos et fait arrêter, dès le lendemain le journaliste, après que lui et l’agence ont tenté vainement de l’obliger à supprimer les publications.
Quatre jours plus tard, le journaliste a écopé d’une peine de 18 mois de prison assortis d’une amende de 200.000 francs CFA.
La justice béninoise va surtout se baser sur la correspondance de CFI dans laquelle cette dernière couvre le journaliste de discrédit et tresse des éloges au procureur.
“Ces phrases, tronquées et sorties de leur contexte, ne reflètent absolument pas la teneur des échanges que nous avons eus lors du débat. Au contraire Monsieur le Procureur nous a fait l’honneur et l’amitié de participer franchement au jeu des questions/réponses et d’éclairer nombre de participants sur les textes de lois et les problématiques pointues qui en découlent”, lit-on dans le courrier qui a fuité et abondamment circulé sur les réseaux sociaux.
Plus tard, la correspondance se poursuit par “nous sommes désolés qu’un journaliste peu scrupuleux ait profité de ce moment privilégié pour tenter de faire un buzz au dépens de M. le procureur”.
“CFI se distancie évidemment de ces publications et de ce type de pratiques qui manquent à toute déontologie et donnent un mauvais nom à la profession dans son ensemble”, dit-elle.
Depuis, CFI a multiplié les déclarations et changé de versions.
Le 02 janvier, CFI publie sur son site une déclaration dans laquelle, elle continue de reprocher au journaliste d’avoir utilisé des “propos incomplets” du procureur, regrettant à peine les mots ” malheureusement mal choisis” de sa correspondance à l’origine de la polémique.
“Autant les propos incomplets qui ont conduit à la situation juridique actuelle, que la formulation maladroite d’une lettre dont la finalité a été dévoyée et l’usage qui a été fait d’un courrier n’ayant aucune valeur décisionnelle.”
Dans cette déclaration CFI retranscrit des parties de l’intervention dudit procureur et les compare avec ceux relayés par le journaliste.
“La publication des propos exacts tenus par le procureur, révélés par un communiqué de l’agence française le 2 janvier, permet d’établir très clairement que le journaliste a repris mot pour mot – à quelques exceptions près- les expressions utilisées par le magistrat au cours de cet atelier sans aucunement détourner le sens du message exprimé”, fait remarquer Reporter Sans Frontières qui “demande sa remise en liberté immédiate et l’abandon immédiate et rapide des charges qui pèsent contre lui.”
D’autres organisations sont toutes aussi scandalisées, y compris Internet Sans Frontières qui publie que “les circonstances de la condamnation d’Ignace Sossou démontent qu’au nom de la lutte contre la désinformation, c’est la liberté de la presse qi est visée, mais cette fois avec la participation d’une institution représentant un pays démocratique.”
“CFI doit tirer les conséquences de cette affaire grave, pour préserver sa crédibilité dans la promotion des médias libres en Afrique”, a poursuivi Internet Sans Frontières.
Pendant que les jours se succèdent et que le journaliste reste maintenu dans les liens de la détention, la pression des journalistes et des organisations de médias monte.
CFI se voit de nouveau obligée de sortir ce 08 janvier une autre déclaration dans laquelle elle choisit enfin de “présenter des excuses quant au déroulement des événements dont il (Ignace Sossou) a été victime et s’indigne d’avoir été instrumentalisée dans le cadre de cette décision”.
S’agissant des publications du journaliste, l’agence de coopération française parle désormais d'”extraits”- et non plus de “propos incomplets” encore moins de “phrases tronquées sorties de leurs contextes”.
“Le journaliste a publié des posts, sans aucun caractère diffamatoire, relatant des propos du procureur de la République du Bénin qui intervenait dans ce cadre”, déclare enfin CFI ce 08 janvier.
“La publication de ces extraits ne saurait en aucun cas justifier une peine d’emprisonnement. Nous demandons donc la libération dans les plus brefs délais d’Ignace Sossou auquel je présente mes excuses, au nom de CFI. Nous lui exprimons un soutien sans faille et sommes mobilisés à ses côtés”, poursuit Alan Dréanic, directeur général opérationnel de l’agence française.
CFI dit “reconnaitre un dysfonctionnement interne sur ce dossier caractérisé par un courrier en total décalage avec ses principes déontologiques et envoyé aux autorités béninoises” et être “choquée de l’utilisation qui en a été faite à dessein.”
La précédente déclaration datant du 02 janvier a disparu de leur site.
BBC