Le Bazin, un tissu exceptionnel devenu un véritable phénomène de mode et social au Mali et en Afrique de l’Ouest, qui nourrit toute une chaine, est menacé avec l’arrivée des Chinois utilisant les teintures chimiques moins chères et plus rapides dans leur pays.
Rokiatou Traoré est une teinturière à Magnambougou dans le secteur de Dianéguéla en Commune VI du district de Bamako. Agée d’une cinquantaine d’années, elle travaille dans ce secteur depuis une trentaine d’années. La teinturerie est un héritage pour moi, raconte-t-elle d’une mine fine au milieu de multiples récipients.
“Nous sommes dans ce secteur parce que le Bazin est un tissu exceptionnel et se porte pour des occasions exceptionnelles. Depuis environ deux décennies, le Bazin est devenu un véritable phénomène de mode et social au Mali et en Afrique de l’Ouest”, explique-t-elle. C’est au Mali que toute la sous-région vient rechercher la précieuse étoffe, même s’il est 100 % coton fabriquée en Europe. “Le Damas est obtenu en tissant les motifs dans la trame à l’aide de fils fins de coton de qualité supérieure non blanchi. Le tissu est ensuite trempé dans un bain d’alcali pour le blanchir puis plongé dans un autre bain de soude caustique pour redonner aux fibres creuses du coton tout leur gonflant naturel. Il est ensuite lissé à haute température et haute pression dans des cylindres souvent enduits de cire, ce qui lui donnera son éclat de soie et le craquant très apprécié des élégantes africaines…”
“Avec sa raideur majestueuse, ses couleurs explosives, ses broderies originales et son crissement si caractéristique, le Bazin est le tissu des grandes occasions par excellence”, ajoute-t-elle.
Enjeu économique
Comme à Dianéguéla, le Bazin est un enjeu économique dans plusieurs quartiers de Bamako et même au-delà. “Le prix d’un mètre de Bazin riche varie entre 5000 et 5500 F CFA, contre 2000 F CFA maximum pour un Bazin léger. Une tenue en Bazin revient entre 100 000 F CFA et 130 000 F CFA”, selon Vieux Koné, un commerçant au Grand marché de Bamako.
Selon lui, le marché du Bazin a connu un miracle économique. Mais cet élan est ruiné aujourd’hui par l’intervention des Chinois jusque dans la teinturerie, rapporte-t-il. “Depuis trois ans, les modèles des Bazin teinté sont piratés par les Chinois. C’est une concurrence déloyale chinoise dans le secteur. Plusieurs acteurs de ce domaine sont au chômage et des entreprises entières risquent de mettre la clé sous la porte…” Pour que leurs commerçants en profitent mieux, les autorités chinoises ont refusé le visa au Maliens.
La menace des Chinois
Pour Salimata Diarra, teinturière à Kalabancoura, les modèles maliens de Bazin teintés et piratés par des sociétés chinoises comme King Team, Blue Sky, Super Youma, Joutex sont Touloumani, Bogolan, VIP, Facebook, Poliman, Tigafarani, Bogolan.
“Ils acheminent leur production (piratée) au Mali pour les vendre à un prix défiant toute concurrence. Ce phénomène est coup de frein au développement du secteur animé par les vendeurs de Bazin, les teinturiers, les tapeurs, les vendeurs des produits de teinture. Avant, je pouvais gagner jusqu’à 100 000 F CFA aujourd’hui, on a moins de 50 000 F CFA par jour”, affirme-t-elle.
Le porte-parole de la King Team, Yacouba Sylla assure que certaines sociétés chinoises s’aventurent toujours. “Il y a un paradoxe. Ils peuvent citer notre société, mais ce n’est pas vrai. Sinon depuis que les commerçants se sont manifestés contre, nous avons arrêté. Parce qu’en réalité ce n’est pas bon”, argumente-t-il. Mamadou Diallo, répondant à la société Joutex nous explique de son agenda chargé.
Les informations de Yacouba Sylla sur l’attitude de certaines sociétés sont plausibles. Selon des sources, la direction nationale du commerce et de la concurrence a entrepris des démarches, contraignant des Chinois au respect des mesures règlementaires en la matière. Ce qui a permis de saisir un conteneur de Bazin contrefait de la société Joutex, il y a une deux semaines. Et selon toujours notre source, cinq autres conteneurs devraient arriver au mois de ramadan.
A suivre…
Bréhima Sogoba
Source: L’ indicateur du renouveau