Si ce n’est plus la lune de miel avec flèches de Cupidon et floraison romantique à l’appui entre la population de Kidal et la Force anti-terroriste Barkhane, le départ amorcé de cette dernière ne sonne pas nécessairement comme une véritable révolution. Parce que, non seulement, elle compte sur son suppôt de la MINUSMA pour perpétuer sa présence, dans un jeu de chaise musicale, mais également, parce qu’elle laisse sur place un détachement sous des prétextes spécieux. En fait, c’est à un vrai faux départ de Barkhane que nous assistons.
Le processus n’est pas amphigourique quant à l’adaptation du dispositif militaire français dans la bande sahélo-saharienne, décidée en juillet 2021 par le Président MACRON. Pour ce qui est du timing, c’est d’une précision d’orfèvre. Et le tempo est réglé comme un papier à musique prévoyant une réduction des effectifs selon des échéances, dont il est donné de constater le respect scrupuleux.
Une relève sélective
Mais, les phrases utilisées pour passer l’information sont bien emberlificotées à dessein.
Dans le communiqué de l’ambassade de France, il est dit :
‘’Dans le cadre de l’adaptation du dispositif militaire français dans la bande sahélo-saharienne, décidée en juillet 2021 par le Président de la République, l’emprise française de Kidal à la MINUSMA a débuté, en étroite coordination avec les forces armées maliennes. L’emprise se situe au sein du camp de la MINUSMA à Kidal, ville où les forces armées maliennes disposent, dans un autre camp qui a été rénové par la MINUSMA, d’un bataillon d’infanterie motorisée (le 72e RIM) issu de l’armée reconstituée’’.
Le terme ‘’emprise’’, qu’il désigne dépendance, autorité, empiétement, empire (…) est d’une ambiguïté confondante. Ainsi, Kidal était une ‘’emprise française’’. Ce qui trouve aujourd’hui écho dans les propos du Premier ministre Chogeul Kokalla MAIGA qui parle d’enclave à Kidal.
Pour amorcer une transformation profonde de sa présence militaire au Sahel, Paris fait recours à la garde prétorienne jusqu’alors dans l’ombre du calife qui doit désormais boire le calice ou jouir du délice.
En effet, en considérant les contorsions spectaculaires qui ont permis à notre ‘’partenaire historique’’ d’internationaliser la crise que nous connaissons, avec le déploiement de la MINUSMA sous son lead, il ne serait pas abusif de qualifier la Mission onusienne d’excroissance de la France, son bras séculier.
Comme on le dit chez nous : ‘’que le poisson quitte le filet de Alassane pour se jeter dans celui de Fousseyni, c’est la maman de jumeaux qui mangera du poisson dans tous les cas’’. Par analogie, que ce soit Barkhane à Kidal ou la MINUSMA, c’est le même objectif qui est poursuivi. Donc, la France part, mais la France reste à travers la MINUSMA.
L’artifice des FAMa
Pour passer le verni sur une scandaleuse distorsion des règles d’usage, par un passage de témoin sans ménagement, on glisse dans le communiqué : ‘’(…) en étroite coordination avec les forces armées maliennes’’.
Même en jouant à l’arlésienne, la tartuferie ne prospère pas. Parce qu’il existe des incidents qui confortent que les FAMa ne sont qu’un artifice dans cette foire d’empoigne de Kidal. Un exemple :
les combattants du MNLA ont engagé samedi 4 juillet 2020 une tentative de provocation contre l’armée en organisant une manifestation devant leur caserne située à Kidal, selon une source de l’armée malienne.
« Nous sommes assaillis par les bandits armés qui viennent jusqu’au mur d’enceinte de notre camp d’accueil pour proférer des insanités contre le Mali et son armée. Ils sont plus d’une centaine d’éléments incontrôlés et armés qui s’agitent. La petite unité béninoise demeure impuissante et la force française nous conseille de ne pas répondre à leur provocation. C’est vraiment désolant », a déclaré un membre de l’armée malienne joint au téléphone.
Et puis, sans pousser la mesquinerie hors des limites du tolérable, l’auteur du communiqué se trahit plus d’une fois, dans ses mentions, en citant la MINUSMA avant les FAMa. Kidal, c’est quand même une partie du territoire malien, dont la sécurisation incombe au premier chef à l’Armée malienne, même déclinée en Bataillon des forces armées reconstituées (BATFAR).
Mais, comme le dit le dicton : « On n’est jamais mieux servi que par soi-même ». Donc, la France part, en laissant une partie d’elle sur place à Kidal.
‘’Un détachement de la Force Barkhane reste sur place. (…) Il sera en mesure de faciliter des missions de réassurance et d’appui au profit des partenaires, et travaillera donc en étroite coordination avec la MINUSMA et les FAMa’’.
L’alibi de cette présence est tout autant une entourloupe que les explications alambiquées servies à l’opinion nationale et internationale pour que les soldats de Serval faussent compagnie aux FAMa à Gao, foncer sur Kidal et faire le lit à un retour triomphal aux mouvements rebelles défaits et exilés par les combattants de Iyad Ag GHALY.
La réassurance, un cadeau
empoisonné
Que c’est mignon de proposer, pardon de décréter des ‘’missions de réassurance’’ ! Que recouvre cette expression ?
Au cours de la conférence de presse animée conjointement avec son homologue du Niger, Mohamed BAZOUM, en marge de la tenue du récent sommet virtuel du G5 Sahel, le président MACRON lève le coin du voile :
‘’Il y aura aussi une dimension réassurance que vous voyez figurer sur cette carte pour demeurer en permanence en mesure d’intervenir rapidement au profit des forces alliées ou partenaires grâce à nos capacités aériennes déployées à partir du Niger’’.
Enfin, il y a cette déclaration du ministre français de la Défense, Jean-Yves le Dran, à l’émission «Politiques» (France 24/RFI/L’Express), qui lève tout doute que Paris ne se désincrustera aussi facilement de Kidal :
« Les Touaregs, sauf ceux qui se sont laissés embrigader par des groupes terroristes que nous condamnons totalement… Mais les Touaregs sont nos amis. (…) Quand ils sont dans leurs territoires au nord du Mali, ils sont chez eux et il importe de les respecter, de les considérer aussi comme des Maliens comme les autres».
Nonobstant les scènes de ménage, souvent bruyante, Paris n’est pas disposée à abandonner ses amis en plein vol. J’y suis, j’y reste ; peu importe la forme et la durée.
PAR BERTIN DAKOUO
Source : Info-Matin