Enfin, un mois et dix jours après le coup d’Etat qui a renversé le Président de la République IBK, le Mali vient d’investir son troisième Président de transition depuis l’avènement de la démocratie en 1992, à savoir le Colonel-Major à la retraite Bah N’Daw. Cette investiture, loin de faire l’unanimité, a été faite au grand dam du Mouvement de contestation, le M5 RFP et sans l’accord d’une frange importante du peuple. Bah N’Daw a pris les rênes du pouvoir au Mali à un moment où le pays traverse une crise multidimensionnelle, à la fois sociale, politique, sécuritaire et sanitaire. Disposerait-il des moyens adéquats pour faire face à cette crise ? Son âge ne serait-il pas un handicap, quand on sait qu’en Afrique l’espérance de vie est de 50 ans ? Va-t-il avoir le soutien de toutes les forces vives de la nation pour mener à bien la transition ? La junte, bien que promotrice du choix, ne va-t-elle pas être un obstacle pour le Président de la Transition ?
Tous les observateurs de la scène politique malienne s’accordent à dire que le colonel Major à la retraite Bah N’Daw est un homme intègre, rigoureux, honnête et travailleur. Même si son choix n’a pas fait l’unanimité, il jouit d’une bonne réputation auprès de ceux qui le contestent. C’est d’ailleurs pour quoi son choix n’a pas suscité une véritable levée des boucliers de la part de l’allié naturel du CNSP qui est le M5 RFP. Le Mouvement contestataire du 5 juin s’est désolidarisé du choix pour n’avoir pas été impliqué, ou bien, à la limite pour avoir été méprisé par la junte qui, pour autant, avait donné un certain nombre de garanties quant à l’implication du M5 RFP dans n’importe quelle prise de décision. Le vin est tiré il faut le boire, Bah N’Daw est le Président désigné par le CNSP pour diriger la transition et il sera jugé à l’œuvre. Il monte sur la haute marche de la République avec des préjugés favorables, compte tenu de son passé reluisant, mais la question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir si ces qualités ci-dessus énumérées suffisent pour sortir le Mali de son abyssal trou dans lequel les gouvernants précédents l’ont enfoncé ?
Bah N’Daw aura du pain chaud sur la planche et il ne devrait pas s’attendre à un chèque en blanc même de la part de la junte à fortiori du Mouvement contestataire du 5 juin. Il n’aura pas de délai de grâce, parce qu’il urge d’aller vite et bien pour résoudre les immenses doléances qui fusent de partout. Les Maliens dans leur grande majorité attendent impatiemment de leur Président des résultats tangibles et malheureusement ni l’environnement, ni ses alliés, encore moins le contexte international marqué par une crise liée à la pandémie du COVID 19, ne favorisent la résolution diligente des épineux et multiples problèmes qui assaillent le Mali. Le nouveau Président de la Transition n’aura aucun répit et sa marge de manœuvre est très limitée, car il serait désormais entre une junte ambitieuse, voire prétentieuse qui, après avoir taillé à sa mesure et un M5 RFP fâché. Malgré sa bonne foi et son engagement sans faille pour le Mali, il sera buté à d’énormes obstacles qui ralentiraient la marche vers une transition réussie. A en juger par le discours d’investiture, il n y a pas l’ombre d’aucun doute que Bah N’Daw a des ambitions pour le Mali, mais a-t-il les moyens de sa politique ? La réponse à cette question serait dans trois mois et dix jours, autrement dit après les cent premiers jours de son investiture.
Youssouf Sissoko
Source: Infosept