Il y a un peu plus d’un an, ils étaient écroués, pris dans le scandale de la Bac Nord. Six policiers sont convoqués mardi 17 et mercredi 18 décembre devant le conseil de discipline àMarseille, risquant la révocation.
Mis en examen aux côtés de dix autres fonctionnaires pour vol et extorsion en bande organisée, ces présumés “ripoux”, âgés de 34 à 52 ans, sont les seuls – avec un septième qui comparaîtra à Bordeaux où il a été muté – à avoir passé plus de deux mois en détention.
Si leurs collègues ont été sanctionnés de blâmes et suspensions temporaires de service (jusqu’à trois mois ferme), eux sont menacés d’une “mort administrative”, prévient le délégué zonal adjoint d’Alliance, David-Olivier Reverdy, qui estime “urgent d’attendre l’éclairage de la justice pour débattre dans un climat apaisé”.
Une analyse partagée par Unité SGP-Police FO qui réclame aussi le report de la procédure disciplinaire, dans l’attente d’un éventuel procès.
Les deux syndicats, qui siègent aux côtés des cadres de l’administration dans cette instance paritaire chargée de se prononcer sur des questions de déontologie, avaient boycotté la précédente commission mi-novembre, entraînant son report faute de quorum.
Cette fois, elle pourra se tenir même en l’absence des six représentants syndicaux, qui devraient donc venir mardi matin pour faire valoir leur point de vue.
Unité SGP Police-FO entend ainsi souligner, à l’ouverture des travaux, que “la gravité des faits” qui leur sont imputés “est très éloignée du récit médiatique initial” et des fracassantes déclarations du procureur qui avait évoqué “une gangrène” quand le scandale avait éclaté à l’automne 2012.
Les policiers ont d’ailleurs tous été autorisés par la justice à reprendre leur travail en uniforme et en dehors des Bouches-du-Rhône.
L’enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a mis au jour la récupération, lors de contrôles, de cigarettes et stupéfiants sans qu’aucune procédure ne soit rédigée.
Des produits ensuite détruits ou remis à des “indics”, pratique courante dans les petites affaires, ont assuré les intéressés en garde à vue.
Ils admettent avoir “flirté avec les lignes”, en accord avec leurs supérieurs, pour obtenir des résultats.
La Bac Nord, depuis dissoute par le ministre de l’Intérieur qui a unifié les trois divisions, réalisait environ 4.000 interpellations par an, dont 45% de délits de voie publique, ce qui en faisait “la meilleure Bac (Brigade anti-criminalité) de France”.
“Dans ces cités cloisonnées, si vous n’avez pas des yeux, impossible de faire de belles affaires”, témoigne un des policiers incriminés qui explique avoir tenté de faire enregistrer son “tonton”, mais celui-ci avait pris peur au bout de deux rendez-vous à l’Hôtel de police.
Parmi les autres faits établis, un fonctionnaire a reconnu avoir trouvé une sacoche contenant 540 euros et gardé l’argent “sans pouvoir expliquer son geste”.
Enfin, un autre est soupçonné, sur la base des sonorisations de six véhicules de la Bac, de blanchiment d’argent, provenant cependant de la vente de sa maison, a-t-il démontré, et non d’un racket de dealers.
Aucune preuve d’enrichissement personnel ou de système organisé n’a en effet pu être apportée à ce stade.
Parti de rumeurs, le dossier s’appuie sur les témoignages de trois policiers controversés, dont un révoqué, Sébastien Bennardo, qui a raconté dans un livre comment il a participé à l’investigation “secrète” de la police des polices, dans l’espoir d’obtenir sa réintégration. Et ce avec le concours de deux collègues… évincés de la Bac, dont l’un est aujourd’hui visé par une information judiciaire pour “travail dissimulé” et “abus de biens sociaux”, selon le parquet.
Reste la quarantaine de conversations interceptées à l’aide de micros placés dans des véhicules de la Bac. “Accablantes” d’après le procureur, elles sont parfois difficiles à saisir, mal retranscrites ou sorties de leur contexte.
Une patrouille de huit heures donne inévitablement lieu à des “galéjades”, pointent les anciens “baqueux” qui craignent aujourd’hui une révocation “pour donner l’exemple” et justifier l’ampleur donnée à cette affaire.
source :observateur