En prenant les rênes de l’ACI, en 2018, Mamadou Tiéni Konaté disait à qui veut l’entendre y être arrivé par la bénédiction du Premier ministre de l’époque avec la mission de redresser la boîte en 6 mois. C’est au détour du vocable pompeux de « restructuration », en effet, que des employés sitôt recrutés sont aussitôt remerciés, sous prétexte que les difficultés financières de l’ACI ne s’accommodaient pas de charges supplémentaires. Une logique qui ne résistera finalement pas à l’érosion du temps, à en juger par plusieurs recrutements improductifs effectués alors même qu’agonisait l’Entreprise et à mesure que le redressement tant annoncé s’acheminait vers une fin dramatique : celui d’une liquidation judiciaire à laquelle une administration provisoire a été finalement préférée en tant qu’alternative à une gestion chaotique faite de retraits arbitraires de parcelles judiciairement coûteux, de rémunérations suspectes d’avocats à hauteur de centaines millions pour des litiges jamais gagnés, de violations des procédures de cessions immobilières, etc. Autant de pratiques répréhensibles mais jusqu’ici couvertes par le bouclier de l’impunité, y compris pour les nombreux manquements et manœuvres licencieuses mis à nu par des inspections domaniales dûment commanditées par la tutelle. Y figure, entre autres, la vente de l’ancien siège des « Recettes Générales du District » que l’ex-PDG a effectuée au mépris de toutes les d’énonciations et mises en garde du Bureau du Vérificateur Général, dont un rapport avait précédemment insisté sur le recours à la vente aux enchères des anciens bâtiments publics conformément au mandat de l’ACI. Nonobstant, l’immeuble en question, pour la rondelette d’1,2 milliards, est cédé de gré à gré à un acquéreur à l’identité douteuse. Il s’agit de Papa Oumar Samaké, un opérateur économique dont le nom apparaît sur les titres de propriété de 4 autres parcelles de l’ACI 2000 qu’il a acquises en étant étudiant pour la somme totale de 260 millions et dénoncées d’inspecteurs domaniaux auprès des plus hautes autorités.
En tout cas, l’enquête très attendue du parquet anti-corruption est une opportunité de connaître de la nébuleuse qui enveloppe le sulfureux dossier des Recettes Générales du Dossier. Initialement conclue entre l’ACI et la famille Gagny Lah, la première vente du joyau de 1 500 m2 est annulée et l’acompte de 200 millions francs CFA remboursé à l’acquéreur initial sans autre forme de procès comme pour ouvrir le boulevard au nommé Papa Oumar Samaké. La supercherie ne va pas échapper à la vigilance de la tutelle, qui s’est démenée comme un beau diable pour pour arracher au PDG Konaté l’annulation pure et simple de son opération irrégulière, à défaut d’une soumission de l’immeuble aux enchères. En vain ! Toutefois, de nombreuses missives échangées entre le département et les différents protagonistes auront aidé à déceler tout un tissu de mensonges autour des éléments par lesquels le PDG tentait de justifié sa démarcher.
Par-delà les anciens immeubles de l’Etat, il n’est peut-être pas exclu que l’enquête ouverte par le procureur Kassogué glisse sur un autre scandale : celuide l’Hôtel 5 Étoiles réalisé par l’Aci, qui n’a toutefois pas vocation à faire de l’hôtellerie. Après expertise de sa valeur, le joyau a été ainsi cédé au promoteur de l’hôtel Kamakole de Kayes pour 6,5 milliards payables sur 1 an mais sur lesquels l’ACI allait faire le deuil de 900 millions de nos francs de perte imputable à une habileté digne de la prestidigitation magicienne. Elle a consisté, selon nos confidences, à faire accélérer le rythme d’encaissement de la somme des traites, qui s’opèrent au détriment du créancier mais probablement pas au seul profit du débiteur. Qui pourrait avoir intérêt, en définitive, par une précipitation aussi douteuse qu’injustifiable, à faire perdre près d’1 milliard sur 6 à une entreprise qui tire le diable par la queue ? Allez y savoir.
En attendant, des interrogations similaires fusent quant aux options ayant prévalu à la gestion d’un autre immeuble et non des moindres. Il s’agit du Centre commercial situé en plein marché de Bamako, qui a fait l’objet d’un bail avec promesse de vente entre Mamadou Tieni Konaté pour le compte de l’ACI et la société Africa Invest SA. Là également, l’opacité et les relents d’intérêts inavouables ont dû inspirer au département de tutelle comme au conseil d’administration de l’ACI des réserves et de la circonspection quant aux motivations que pourrait cacher une transgression très opiniâtre des règles et prescriptions en vigueur en la matière. Il nous est revenu que le Conseil d’administration n’avait accordé sa caution au deal que sous réserve d’une reformulation de la clause, tandis que la tutelle a clairement dénoncé l’incompatibilité de celle-ci avec les procédures applicables à l’ACI. Dès qu’une option de vente est envisagée, en effet, l’opération est tenue d’obéir au statut de l’Agence qui prescrit une soumission de l’immeuble en toute transparence aux enchères, a indiqué le ministre des Domaines en son temps, en suggérant de surseoir à l’option de promesse de vente dans la clause passée avec Africa Invest SA.
Demeuré sourd et inflexible à ces instructions ainsi qu’à celles en rapport avec les Recettes Générales du District, l’ex-PDG de l’ACI pourrait être amèrement rattrapé par son entêtement (peu désintéressé ?), à moins que la partialité et la sélectivité ne viennent biaiser l’enquête annoncée par le parquet anti-corruption. Et puisqu’une procédure antérieure du même parquet avait conclu sur un non-lieu pour son prédécesseur, c’est au tour de Mamadou Tiéni Konaté de prouver qu’il est blanc comme neige devant la justice et non par les shows solitaires sur les médias.
A KEÏTA