Annoncée comme une manifestation de solidarité et de compassion de la mouvance présidentielle envers son mentor, la rencontre entre le chef de l’Etat et les députés de la majorité, mardi dernier, a tourné en une exhibition de satisfecit sur fond de lyrisme personnel, de déballages et d’ambitions en perspective. Pour IBK, en effet, la tendance politique qui lui est acquise n’a nulle raison de raser les murs pour soutenir un président au patriotisme avéré et qui n’a rien à se reprocher.
Avec l’épreuve de la maladie, un soutien populaire qui lui est allé droit au cœur, on pouvait penser qu’IBK a changé de cap et de perception. Mais il a prouvé tout le contraire, la semaine dernière, en rencontrant les députés de la majorité présidentielle, au lendemain de son retour de Paris où il subissait des soins médicaux. Ladite rencontre s’est déroulée dans l’après-midi du mercredi à Koulouba. Après les salamalecs d’usage, les félicitations et vœux de prompt rétablissement, il est revenu au président de la République – très touché par la sollicitude dont il est l’objet – de faire un exposé de l’intervention chirurgicale qu’il a subie, de la nature de sa de souffrance, avant de consacrer le reste de l’entretien à des révélations tous azimuts. L’un des déballages, c’est qu’il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’IBK est candidat à sa propre succession. Il est clair, en effet, dans la tête des parlementaires de la majorité en tout cas, que pour l’en dissuader il faut plus que les malaises tels qu’il vient d’en connaitre. C’est ce qui ressort en filigrane dans les propos du chef de l’Etat, qui a confié à ses interlocuteurs qu’ils n’y a point lieu de «raser les murs» et que le peuple malien jugera de son bilan le moment venu.
De là à revenir sur l’odyssée de son long parcours politique, il n’y a qu’un petit pas qu’IBK a vite franchi, en évoquant de fond en comble son grand amour pour le pays. Et, pour l’illustrer, le président n’est point allé chercher plus loin que la partition patriotique qu’il estime avoir joué à toutes les compétitions électorales dont il a été un protagoniste. Rappelant par exemple sa douloureuse aventure de 2002, l’illustre interlocuteur des parlementaires de la majorité a soutenu notamment que les participants au grand rassemblement post-électoral, au Stade du 26 Mars, étaient prêts à en découdre par la violence s’il n’avait pris sur lui de les raisonner en risquant lui-même un lynchage par la foule. C’est donc mort dans l’âme qu’ils ont fait mauvaise fortune bon cœur et accepté les résultats électoraux proclamés en sa défaveur en 2002.
Lesdites élections ne sont du reste pas les seules consultations contestables, selon le candidat du RPM. Les échanges avec les députés de la majorité ont été pour lui l’occasion de confirmer la tendance défendue en son temps par le ministre de l’Administration Territoriale en 2013. En clair, à l’instar du Colonel Moussa Sinko Coulibaly, IBK soutient que la compétition électorale avait été effectivement pliée en sa faveur dès le premier tour. Il précise d’ailleurs avoir gagné avec un score sans appel de 60%, avant de confier aux parlementaires de sa mouvance que c’est également par amour pour le Mali qu’il a consenti à aller au second tour contre Soumaïla Cissé, sur sollicitation notamment des «occidentaux», lesquels l’auraient convaincu qu’un tel scénario serait plus bénéfique pour la stabilité du pays dans le contexte de l’époque. Comme qui dirait : les suffrages des Maliens ont fait l’objet de transactions et d’arrangements, et que l’administration et la cour constitutionnelle ont cautionné la proclamation de résultats plus pédagogiques que réels au premier tour de la présidentielle de 2013. Quoi qu’il en soit, IBK n’en a vraisemblablement cure et se satisfait plutôt du fait que le second tour se soit déroulé avec des allures de plébiscite en sa faveur.
La rencontre de la semaine dernière a par ailleurs donné lieu à un autre déballage en rapport avec les péripéties ayant émaillé la gestion de la question du Nord. Aux députés de la majorité, IBK a en effet confié avoir opté pour une médiation algérienne après avoir compris qu’il ne pouvait rien obtenir de Blaise Compaoré avec lequel il a d’ailleurs eu maille à partir, à cause de ses exigences et de son penchant au détriment de notre pays. Or, à la différence des autorités burkinabé de l’époque, l’Algérie offrait plus de gages que le Mali restera indivisible et que les lignes rouges tracées par les autorités maliennes ne seront jamais franchies, a renchéri le président de la République, en présentant ainsi la gestion de la crise du Nord comme un succès de son mandat.
Et, à ses yeux, ni l’achat d’un avion présidentiel ni le marché des équipements militaires ne constituent des parts d’ombre au point d’entacher les acquis de son régime. Le premier, l’acquisition de l’aéronef en l’occurrence, découle d’un constat de vétusté de l’avion d’ATT par des collaborateurs qui lui ont déconseillé d’en faire usage. Qui plus est, un avion personnel est manifestement moins couteux qu’une location constante d’appareils pour les nombreux déplacements d’un président de la République, a – t-il défendu, en martelant au passage que de toutes les façons les Maliens ont élu un président à 77% pour servir le pays et non pour qu’il aille se suicider. Quant aux équipements militaires, leur acquisition répond d’un souci de préserver la dignité des soldats maliens qu’il avait de la peine à regarder en haillons aux côtés de leurs homologues d’autres pays. « Je le ferai si c’était à refaire», a-t -il assumé sur la question. Quid des rumeurs de forte implication de la famille dans les affaires de l’Etat. Là également, IBK en a la conscience tranquille et en veut pour preuve son refus de contribuer pour «un seul rotin» à la candidature de son fils, Karim Keïta, à la députation de 2013.
Comme preuve de son patriotisme, le président a aussi évoqué les multiples opportunités d’enrichissement auxquelles il a renoncé par respect pour la chose publique. Et d’ajouter par la même occasion qu’il est logé dans la maison paternelle à ses propres frais pendant qu’il avait la possibilité d’être propriétaire de beaucoup d’immeubles comme les autres. IBK est également fier de ne pas appartenir à la race des responsables maliens ayant profité du bradage des sociétés et entreprises d’Etat pour détenir des actions. Nul ne peut dire qu’IBK détient des parts dans une société alors qu’il en avait la possibilité comme beaucoup d’autres, a – t-il fièrement confié aux parlementaires de sa mouvance.
La Rédaction
Source : Le Témoin