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Au Ghana, les affiches de films hollywoodiens deviennent des collectors

Oko Afutu sait exactement ce qui donne envie aux cinéphiles ghanéens de se ruer dans une salle obscure pour voir le film d’horreur anglais « Dog soldiers »: une affiche montrant un loup garou en train de dévorer un crâne d’homme.

 

holliwood cinema

 

 

M. Afutu passe ses journées à peindre des affiches criardes pour les films étrangers projetés dans les cinémas d’Accra.

Un métier qui date du temps où les panneaux publicitaires numériques n’avait pas encore envahi les artères de la capitale ghanéenne: à cette époque, les affiches de cinéma étaient toutes fabriquées à la main.

Les affiches artisanales de M. Afutu lui rapportent 40 euros chacune.

Mais au-delà des frontières du Ghana, cette lecture singulière et un brin naïve des superproductions américaines a séduit des amateurs d’art qui sont prêts à les acquérir pour plusieurs centaines de dollars.

« Ce qui nous attire le plus, c’est leur part de mystère », explique Brian Chankin, un loueur de dvd de Chicago qui collectionne et expose dans son magasin les affiches de films ghanéennes.

« Les fautes d’orthographe n’ont pas d’importance… La façon dont les personnages sont placés sur l’affiche est toujours un peu maladroite. Mais cela fait partie de leur charme ».

Pour remplir les salles obscures, M. Afutu ne recule devant rien: si le film est sanglant, il y aura du sang plein l’affiche. S’il y a des scènes de nu, il peindra des corps nus sur l’affiche.

« L’affiche doit donner envie d’aller voir le film », insiste M. Afutu qui peint depuis 1988.

– Pas de téléviseur ni de DVD –

Le Ghana a connu un boom économique ces dernières années grâce à ses exportations d’or et de cacao et à son industrie pétrolière naissante, ce qui a donné naissance à une classe moyenne qui consomme et encourage le secteur publicitaire.

Quand l’anthropologue Joseph Oduro Frimpong était petit, les grands écrans numériques sur lesquels défilent désormais publicités de voitures, annonces de concert et films en salle n’existaient pas: tout était peint à la main.

Quand M. Frimpong a trouvé une série de vieilles affiches de film dans un cinéma d’Accra, il a commencé à les collectionner. Il en a aujourd’hui une centaine.

Ces artistes « ne sont ni naïfs ni immatures(…) ce sont des gens très créatifs », a estimé M. Frimpong, rencontré lors d’une récente exposition d’affiches ghanéennes de films des années 1980 à l’Alliance Française d’Accra.

Pour le galeriste californien Ernie Wolfe, auteur deux livres sur ces affiches qu’il collectionne également, l’ « âge d’or » de cette discipline remonte à l’époque où peu de foyers ghanéens avaient la télévision et encore moins des lecteurs de DVD.

A la fin des années 80, on embarquait un vieux projecteur, un groupe électrogène et des affiches peintes à la main dans un camion et on allait projeter les films dans les villages sans cinéma, raconte-t-il.

Quand les VHS arrivaient au Ghana, bien souvent, elles n’étaient pas livrées avec les affiches originales, ce qui obligeait les artistes locaux à les illustrer à leur manière.

« Nous n’avions pas Internet à cette époque », rappelle Daniel Anum Jasper, qui peint des affiches de films depuis 1986 depuis son petit atelier en bordure d’une route animée, à la sortie d’Accra.

« On regardait le film (…) et on se servait de ce qu’on avait vu pour créer l’affiche » raconte-t-il.

– Une imagination débordante –

L’imagination des artistes ne connaît pas de bornes. Dans la collection de M. Frimpong, par exemple, des samouraïs armés d’épées apparaissent sur l’affiche de « Pirates des Caraïbes: la malédiction du Black Pearl »… alors qu’ils ne sont pas dans le film.

On ignore aussi d’où vient l’énorme poisson rouge de l’affiche locale du James Bond « l’espion qui m’aimait », puisqu’il n’en est question à aucun moment dans le film.

C’est justement cette originalité qui fait leur succès auprès des collectionneurs, selon M. Wolfe.

« Ils n’avaient pas un patron derrière leur épaule » et pouvaient laisser libre cours à leur imagination, dit-il.

Quand Clive Barker, l’auteur du roman qui a inspiré la série de films d’horreur britanniques « Hellraiser », a vu ce que les artistes ghanéens avaient fait du héros sadique Pinhead, « il a halluciné », raconte M. Wolfe, « ils l’avaient transporté complètement ailleurs ».

Selon M. Chankin, les affiches ghanéennes se vendent aujourd’hui entre plusieurs centaines et plusieurs milliers de dollars.

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