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Au Burundi, le fils d’un opposant assassiné pour «punir» son père

Interpellé par la police vendredi matin, le fils du célèbre défenseur des droits de l’homme Pierre-Claver Mbonimpa a été retrouvé mort quelques heures plus tard. Un exemple tragique de la répression aveugle qui s’accroît chaque jour dans le pays.

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Il venait enfin d’obtenir son passeport et aurait dû quitter le Burundi ce week-end. Mais Willy Nzitonda, 25 ans, ne quittera jamais son pays natal. Il a été retrouvé mort vendredi en début d’après-midi, après avoir été arrêté dans la matinée par la police, lors d’un banal contrôle d’identité.

Depuis son assassinat, le visage de ce jeune homme barbu défile sur les réseaux sociaux. C’est une photo assez inexpressive, qui aurait d’ailleurs pu servir pour un passeport. Mais c’est une autre image qui a choqué ceux qui ont vu Willy après sa mort : «Un visage tuméfié, gonflé par des ecchymoses», a expliqué à Libération un proche, joint dans la capitale Bujumbura après la découverte du corps dans l’une des rues principales du quartier de Mutukura.

Ultimatum du pouvoir

Ce grand quartier populaire est en proie à la panique depuis plusieurs jours. Ses habitants fuient, pour se cacher où ils le peuvent, dans un sauve-qui-peut désespéré, par crainte des menaces répétées du pouvoir en place, qui semble décidé à en finir avec les bastions de la contestation.

Lundi, le président Pierre Nkurunziza a lancé un ultimatum invitant ses adversaires «à rendre les armes» avant ce samedi minuit. Faute de quoi, les forces de l’ordre pourront utiliser «tous les moyens» pour «rétablir l’ordre». Vu l’impunité dont elles bénéficient déjà dans les quartiers populaires, les propos du président n’ont rien de rassurant.

«Exécuté par le chef de poste»

C’est pour cette raison que Willy était parti, vendredi matin, déménager ses affaires du quartier de Mutukura, où il résidait. C’est à ce moment-là qu’il a été interpellé, en compagnie d’un groupe de jeunes. «Quand ils ont vu sa carte d’identité, ils l’ont giflé plusieurs fois devant tout le monde ! Puis il a été conduit au poste de police du quartier de Cibitoke, où il a été battu, puis exécuté par le chef de poste», accusent plusieurs témoignages recueillis par Libération.

Un mort de plus dans la longue cohorte des victimes de la répression aveugle qui sévit au Burundi ? Pas seulement. Car Willy, simple chauffeur de véhicules de location, était le fils du célèbre défenseur des droits de l’homme Pierre-Claver Mbonimpa. Un opposant au troisième mandat, jugé illégal car inconstitutionnel, de Pierre Nkurunziza. Lequel s’est fait réélire fin juillet en dépit d’une forte contestation populaire. Sans ramener le calme au Burundi, bien au contraire. Pierre-Claver Mbonimpa a lui-même été victime d’une tentative d’assassinat en août. Grièvement blessé, il est toujours hospitalisé en Belgique et Radio France International (RFI) avait diffusé mercredi une interview, dans laquelle il s’inquiétait de la dégradation de la situation dans son pays (voir la video).

Son fils vient d’en payer le prix. Car pour les proches de l’activiste des droits de l’homme, c’est bien «Pierre-Claver que le régime a voulu punir à travers son fils». C’est d’ailleurs après avoir montré sa carte d’identité où figurait bien sûr le nom de son père que le jeune homme a vu son destin basculer.

Sur Twitter, certains ont posté vendredi une citation du président datant de fin octobre, qui semble déjà annoncer ce meurtre : «Ceux qui vivent à l’étranger ne devraient pas se sentir supérieurs, d’autant qu’ils ont encore de la famille sur place», menaçait alors le président.

Depuis, plusieurs représentants du régime, dont le président du Sénat, ont multiplié les discours incendiaires d’appels à la haine, évoquant même une solution finale qui pourrait mettre un terme à la contestation.

Réunion du Conseil de sécurité lundi

Des dérapages qui inquiètent de plus en plus la communauté internationale. Lundi, une réunion du Conseil de sécurité se penchera sur la situation du Burundi, à la demande de la France. Mais les diplomates ont encore du mal à se départir d’un discours invitant «toutes les parties en présence» à la modération. « Ils ne comprennent pas l’univers mental de ce régime, prêt à tout pour se maintenir au pouvoir», déplore un opposant en exil.

«Tous les hommes jeunes sont désormais en danger car ils sont soupçonnés d’être du côté des contestataires», s’exclame, paniqué, un autre interlocuteur depuis Bujumbura. La peur est telle dans ce petit pays de l’Afrique des Grands Lacs que tous exigent de s’exprimer sous couvert d’anonymat.

Mais la répression a désormais un visage : celui d’un jeune homme froidement assassiné par la police burundaise, alors que son père, victime d’un attentat, soigne encore ses graves blessures en Europe.

Maria Malagardis

Source: Liberation

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