Autant de vertus indispensables à une transition apaisée et des élections libres, transparentes et crédibles. Encore, faudrait-il se garder de troquer le treillis contre veste et cravate de candidat à six mois de la présidentielle.
Visite éclair au Mali du numéro un ghanéen, Nana Addo Akufo Addo, président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). A pas de charge, il a rencontré vendredi dernier les éminentes personnalités en charge de gérer la transition, notamment le président Bah N’Daw, le vice-président Assimi Goïta et le Premier ministre Moctar Ouane. S’il a exprimé sa solidarité avec notre pays, ses propos étaient dépouillés de la langue de bois. Le ghanéen a distribué de sages conseils. Neutralité et fidélité à la charte sont des vertus indispensables à une transition apaisée et des élections libres, transparentes et crédibles. Encore, faudrait-il se garder de troquer le treillis contre veste et cravate de candidat à six mois de la présidentielle.
S’engager à la fois à restaurer la sécurité, à promouvoir la liberté, la stabilité et le changement, sont sans doute difficiles, mais plus indispensables que jamais dans un pays en proie à une crise générale qui menace sa survie en tant qu’Etat-nation. Les groupes armés continuent de mettre les zones qu’ils contrôlent en coupe réglée. On ne compte plus les soubresauts sanglants, les pillages, les viols, les enlèvements qui rendent extrêmement difficiles les investissements de l’Etat et des privés maliens et étrangers et le travail des organisations non gouvernementales. Les terroristes recourent à la violence pour choquer les esprits : faire naître la peur leur importe plus que faire des victimes ou des dégâts. C’est cette volonté de semer la terreur qui distingue l’acte terroriste de tout autre acte violent ou meurtrier.
Recycler les acrobates
Encore faut-il que les acteurs politiques s’attachent patiemment à recréer la confiance, à ré crédibiliser le combat politique écorné par des scandales à répétition portant sur la gestion des deniers de l’Etat et le non respect des engagements pris lors de la campagne électorale. Fortement attendue sur ce terrain, du reste glissant, l’équipe de la transition a l’envie proclamée sur les toits de travailler patiemment et prudemment mais avec fermeté et persévérance à lutter contre la corruption et la délinquance financière. Persuadée dans le verbe qu’on entre en politique pour servir et non se servir. Même s’il est vrai que les militaires ne sont pas exempts de tout reproche, qu’ils ne sont pas blancs comme neige dans l’affaire de détournement de ressources affectées à l’équipement des forces armées pour ne citer que celle-ci.
S’efforcer de pratiquer ces vertus essentielles serait synonyme d’une transition politique réussie. La forte présence au gouvernement de technocrates et de militaires dont la probité morale ne fait l’objet d’aucune contestation donne ses chances à un noyau suffisamment fort matériellement pour ne pas retomber dans les erreurs du passé et suffisamment solide intellectuellement et moralement pour conduire les réformes institutionnelles attendues.
Une fois de plus tout dépend de la détermination, de la bonne foi de l’ensemble des acteurs – militaires, politiques, société civile. L’heure des petits calculs aboutissant à des profits personnels ou celle des crises de nerfs parce qu’animé du sentiment que tout se fait contre soi ne doivent plus être de saison. Souhaitons que la transition étalée sur dix huit mois soit l’occasion de recycler les acrobates saisis par la débauche des projecteurs. Beaucoup pourraient déchanter. L’âme d’un peuple est difficile à saisir. Malheureux ceux qui n’ont pas compris et qui voient déjà midi à leur porte.
La vigilance reste de mise. Côté Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) on ne baisse pas la garde. Tous les actes posés seront scrutés notamment par le Comité stratégique qui vient de rappeler aux dirigeants leur obligation de déclaration de biens comme stipulée par les textes.
Nana Addo Akufo Addo reste le premier président de la République à fouler le sol malien depuis le changement de régime intervenu en août dernier, cinq jours seulement après la levée des sanctions commerciales et financières infligées au Mali par l’organisation sous-régionale.
Georges François Traoré