L’énième attaque terroriste qui a frappé l’Espagne la semaine dernière confirme le caractère transnational voire international de la menace djihadiste. D’où la nécessité d’une collaboration plus intense et plus structurelle entre les Etats membres de l’Union européenne pour lutter efficacement contre le terrorisme.
Le double attentat survenu jeudi dernier en Catalogne (14 morts et 130 blessés) et l’attaque au couteau à Turku en Finlande sont les dernières en date dans l’espace de l’UE. La France, l’Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni ont tour à tour été victimes d’attentats sanglants depuis 2015. La lutte contre ce fléau qui transcende les frontières nécessite, selon plusieurs observateurs, davantage de coopération au sein de l’Union.
“Ce terrorisme-là est inscrit dans la durée. Il nous faut donc en Europe à la fois de la vigilance, de la prévention, de la dissuasion et de la coopération, qui sont les éléments déterminants pour arriver à lutter définitivement contre le terrorisme (…) C’est un combat qu’il nous faut mener solidairement”, a rappelé vendredi dernier en Espagne le ministre français des Affaires étrangères et européennes, Jean-Yves Le Drian.
Des efforts considérables ont pourtant été notés ces dernières années en matière de coopération, notamment en ce qui concerne les moyens de lutte antiterroriste. C’est par exemple le cas du PNR, un ensemble de données collectés par les compagnies aériennes lors de la réservation d’un vol ou de l’enregistrement, et qui sont accessibles aux Etats à des fins de “prévention, de détection de crimes graves ou d’actes de terrorisme”. Le PNR a été adopté en 2016 par le Parlement européen.
Le système ECRIS est un autre moyen d’action qui met en exergue cette coopération. Il connecte depuis avril 2012 des bases de données contenant des casiers judiciaires afin de “faciliter, uniformiser et accélérer” l’échange d’informations sur les condamnations entre pays de l’UE. Le système d’information Schengen permet également aux services de contrôle aux frontières et aux autorités judiciaires d’un Etat de l’espace Schengen de disposer de données sur des personnes signalées et des objets ou véhicules recherchés.
Ces actions sont coordonnées par des structures comme Europol, l’office de police criminelle qui facilite l’échange de renseignements entre polices nationales en matière de terrorisme, stupéfiants, criminalité internationale, et Eurojust, une unité de coopération judiciaire de l’UE qui coordonne la lutte contre la criminalité transfrontalière aggravée.
Seulement, malgré ces efforts, des obstacles existent toujours, notamment en matière d’échange d’informations au niveau européen. Dans un décryptage intitulé “La lutte contre le terrorisme en Europe : la coopération dans tous ses états”, Chantal Lavallée, chercheuse associée à Osintpol, évoque la réticence des Etats à déléguer des compétences dans des domaines relatifs à leur sécurité nationale, enjeu de souveraineté.
En matière de renseignement, “il demeure difficile de concevoir un échange à l’échelle européenne alors qu’au sein même des pays persistent toujours de nombreux problèmes de coordination entre la collecte et l’analyse, la dimension intérieure et extérieure, civile et militaire, les informations judiciaires et stratégiques”, constate Mme Lavallée.
A cet égard, poursuit-elle, Europol et Eurojust ont un rôle clé à jouer, mais encore faut-il que les Etats membres procèdent à l’échange d’informations, dont ils ont rappelé l’importance en février 2015″. Certes, la coopération entre les Etats membres se développe, mais elle reste “limitée et fragmentaire”, d’après la chercheuse.
Le cas de Salah Abdeslam et d’Abdelhamid Abaaoud, deux des terroristes des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, qui avait fait polémique, illustre la difficile coordination entre les pays.
Le premier n’était pas connu des renseignements français alors qu’il était sous surveillance de la police belge qui n’en a jamais informé la France. Quant au second, on s’interroge toujours sur le fait de savoir comment il a pu se rendre de la Syrie jusqu’en Seine-Saint-Denis, au nord de Paris, sans qu’aucun pays n’en ait informé la France, alors même qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international.
A cette difficile coordination entre les pays s’ajoute celle de la perception de la menace. Pour la France, le combat contre Daech (Etat islamique) doit aussi se poursuivre à l’extérieur des frontières européennes.
“A l’extérieur, cela veut dire continuer jusqu’à l’éradication de Daech là où il se trouve. C’est en bonne voie, mais ce n’est pas fini”, a dit M. Le Drian, venu au chevet des Français blessés dans l’attentat de Barcelone. La France est ainsi engagée, de sa propre initiative, depuis janvier 2013 au Mali, en Irak et en Syrie contre l’Etat islamique.