Une attaque deux bilans. Ce n’est pas le titre d’un film africain qui aurait prétendu remporter l’Etalon de Yennenga du prochain Fespaco, le célèbre Festival panafricain de cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Les chiffres sont ceux de l’attaque meurtrière de Mondoro qui a endeuillé, une fois de plus le Mali, écumé depuis plus de 10 ans maintenant, par des terroristes qui se sont sanctuarisés dans le Sahel, et font de plus en plus d’incursions dans le Golfe de Guinée. La première comptabilité brandie par les Forces armées du Mali (FAMa) fait état de 27 de ses éléments tués, 33 autres blessés dont 21 grièvement et encore 7 autres portés disparus. La hiérarchie militaire malienne met également à son actif 70 djihadistes, dont des chefs, neutralisés par ses hommes.
Mais, revendiquant ce énième assaut sanglant, avec une célérité qui sonne comme une manière de prendre à contre-pied les informations des FAMa, les djihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans ont énoncé un tout autre bilan, lui, renversant. Les combattants du JNIM, groupe proche de al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), ont, dans leur décompte macabre, affirmé avoir tué une trentaine de soldats maliens et avoir récupéré 9 véhicules de l’armée et un lot important d’armes lourdes. Dans la lancée, les forces du mal annoncent n’avoir perdu que 4 hommes, contre les 70 déclarés par l’armée malienne.
Qui croire dans cette guerre de communiqués, dans laquelle aucune possibilité n’est donnée à un œil extérieur de vérifier les chiffres établiis par l’un ou l’autre camp? S’il faut reconnaître que la stratégie de ces bilans, gonflés ou diminués volontairement, servent à flétrir le moral de l’adversaire et gonfler à bloc ses propres élément, il faut s’inquiéter des vérités, sans doute loin de la vérité, énoncées par les différentes forces. Le doute pourrait planer désormais autour de tous les chiffres pompeusement annoncés par l’armée malienne, qui aurait, dans les offensives précédentes, neutralisé de nombreux terroristes dont elle aurait anéanti plusieurs bases. Toute chose qui avait fini par convaincre les populations de la montée en puissance de l’armée malienne et dopé l’espoir des Maliens et même de leurs voisins endeuillés au quotidien par les attaques au quotidien des terroristes qui ne laissent derrière eux, que larmes et désolation.
Sans mettre en cause, la véracité des chiffres de l’armée malienne, on ne peut que se demander pourquoi ils sont contrés cette fois-ci par cette rapidité dont ont fait preuve les djihadistes, et dans la revendication de l’attaque de Mondoro, et pour contredire dans le même temps, le bilan rendu public par l’armée malienne. Les terroristes, comme pour battre en brèche, sans coup férir, les annonces des FAMa, ont même mis à profit, des canaux de communication inhabituels. Impossible d’écarter l’intention manifeste de propagande, dans l’un ou l’autre camp, et pourquoi pas dans l’un et l’autre camps!
Le but du JNIM engagé dans cette guerre asymétrique est plus que clair: doucher l’enthousiasme des Maliens qui commençaient à croire que l’étau terroriste se desserrait autour d’eux. Toutefois, le Mali, tout comme le Burkina, ou le Niger et d’autres pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, et le Togo, dont les armées et les populations sont conscientes que le combat contre les terroristes et autres bandits, sera de longue haleine et ne saurait se mener que dans une synergie d’action et le soutien d’Etats mieux équipés, qu’ils soient africains ou occidentaux. En tout cas, voici qu’au bruit des canons se greffent la guerre des chiffres! De quoi faire perdre le nord, au propre comme au figuré, à des populations qui ne demandent qu’à vivre, au lieu de chercher à survivre.
Par Wakat Séra