«A défaut de pouvoir empêcher ta fille de rejoindre son foyer conjugual, il ne te reste qu’à lui souhaiter bonne arrivée». Cet adage du terroir sied parfaitement à IBK qui accepte finalement le retour d’ATT au bercail non sans avoir tenté de l’y empêcher. Et puisqu’on est politique, il tente à cet instant, de tirer des dividendes d’une décision qui lui a été imposée aussi bien par les événements dans son propre pays que par ses pairs du continent.
«Nous nous verrons bientôt. À bientôt ATT !», a annoncé Ibrahim Boubacar Keïta depuis Baguinéda, lors du lancement de la journée paysanne le samedi 28 mai dernier.
Et de préciser en amont que «beaucoup de choses se disent sur nos relations, mais je sais qu’il n’y a ni intrigues, ni méchanceté entre nous. On se verra très bientôt».
«Ni méchanceté, ni intrigues» ! C’est donc par pure bonté de cœur et par charité musulmane que le président IBK décide de tout annihiler d’un revers de main. Faut-il le croire ? Le doute est autorisé.
Une promesse de campagne
Faut-il le rappeler ? C’est l’un des gouvernements et un ministre de la justice très proche d’IBK qui a inspiré la mise en place d’une commission ad’hoc de mise en examen de l’ancien président pour «haute Trahison». Le Ministre Mohamed Ali Bathily, puisqu’il s’agit de lui, a-t-il, à son tour été exhorté par son employeur ? Tout l’indique.
Dans sa «La lettre d’excuse à son cousin ATT à Dakar » en date du 12 Mai 2016 publiée dans la presse, l’ancien Ministre et Député, Lanceni Balla KEITA, soutient qu’IBK, lors de son dernier meeting, le 11 juillet 2013 à l’ACI, a promis, s’il remportait les élections, de faire venir ATT au Mali pour le juger. Il s’agit donc d’une vieille promesse.
L’ancien Parlementaire rappelle en outre que «les députés de la 5èmelégislature ont planché à deux reprises sur ce dossier [plainte pour haute trahison contre ATT], sans parvenir à trouver des chefs d’accusation».
Il va s’en dire qu’IBK voulait absolument la tête d’ATT. En Avril 2014, répondant à la question d’un journaliste au Sénégal, à propos de l’exil d’ATT dans ce pays, IBK affirme: «Je ne fais pas de commentaires sur les questions qui sont pendantes devant la justice et celle-ci en est une». Pire ! IBK a dit dans la dernière interview qu’il a accordée à notre confrère « Jeune Afrique » que « la Haute cour de justice a inculpé le président Amadou Toumanu Touré »
Rappelez-vous : nous sommes en Avril 2014 et la commission ad-hoc venait d’être mise en place et n’a, à présent, encore validé les accusations contre ATT. En somme, «la question» était loin d’être pendante devant la justice. D’ailleurs, elle ne l’est pas encore et ne le sera peut-être jamais. Mais l’obsession était là, persistante !
Encore au mois de mois de janvier 2015 toujours à Dakar, IBK devrait procéder, avec son homologue sénégalais, Macky Sall, au lancement du Sommet panafricain des Jeunes Leaders des Nations unies pour l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Mais cherchant visiblement à éviter les questions qui fâchent, le visiteur bouda la cérémonie à la dernière minute et s’envola pour Alger laissant son épouse assister à ladite cérémonie à Dakar.
A la lumière de tout ce qui précède, l’on se demande bien les raisons brusques de son revirement, lui qui, jusqu’à ce jour, a donné la nette impression d’être intraitable sur ce sujet.
Des raisons électoralistes
D’abord, c’est parce qu’il se trouve dans une très mauvaise posture que la «réconciliation» s’impose aujourd’hui à lui. Après s’être imposé comme l’Alpha et l’Omega suite à son sacre à l’issue du scrutin présidentiel de 2013, le nouveau président a pensé pouvoir jouir de cette popularité pour tout le restant de son mandat. Mais l’impitoyable réalité s’imposa à lui. Ses partisans qui se comptaient en grand nombre dans les rangs de la société civile se sont retrouvés auprès de ses détracteurs de l’opposition politique à la faveur de la récente «marche pour le Mali» de celle-ci.
Et les partisans et inconditionnels des anciens présidents qu’il est parvenu à dresser contre lui, ont grossi les rangs des manifestants. Et pendant que le monde autour de lui s’écroulait comme un château de cartes, les membres de son propre parti se livraient à des scènes de pugilat.
En somme, le président IBK s’est finalement rendu compte qu’il était bien seul. Entamer la campagne électorale de 2018 dans ces conditions serait une perte sèche. Pour lui, il faut donc constituer au moins un semblant de consensus autour de sa personne, diviser pour regner, au besoin. La récente défection du parti PS Yéleen Kura de l’opposition au profit de la majorité, procède de cette démarche. Même s’il est vrai qu’Amadou Koita n’est pas à sa première volte-face
En somme, c’est d’abord et surtout pour des raisons électoralistes qu’il a subitement changé de ton et de posture vis-à-vis de l’ancien président ATT lequel, on le reste toujours populaire nonobstant ses campagnes de dénigrement à son égard.
La pression de ses pairs
A l’image du président Sénégalais Macky Sall, de nombreux autres chefs d’Etat africains de la CEDEAO ont interpellé IBK par rapport au cas ATT. Et de quoi se mêlent ces pays de la CEDEAO ? Un rappel s’impose.
En mars 2012 au moment du coup d’Etat au Mali, le président sénégalais était le président de la commission conflit de la CEDEAO. Raison qui a d’ailleurs motivé le choix du Sénégal pour accueillir ATT. Pour sa part, Alassane Dramane Ouattara était le président de ladite Communauté (CEDEAO). Et c’est sous le couvert de cette même Communauté qu’ATT a été exilé au Sénégal. Il n’y est pas allé de son propre gré. Mais bien sous la couverture de la CEDEAO. Son éventuel retour relève donc de cette organisation sous-régionale.
De sources bien introduites, ce sont les chefs d’Etats des pays de la communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, dont Alassane Dramane Ouattara, Macky Sall, entre autres, qui ont invité IBK à revoir le cas ATT. Certains d’entre eux, lui ont même évoqué les caprices de l’histoire abonnée aux rebondissements et répétitions. Les avertissements ne semblent pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Ceci expliquerait alors cela.
C’est donc en véritable milieu récupérateur qu’IBK se comporte désormais. Cette posture est bien permise en politique.
Batomah Sissoko
Source: sphynx