ATT, ancien président de la République, serait-il aussi un receleur d’objet volé ? C’est Moussa qui l’a tacitement soutenu, en abordant la problématique d’achat d’un avion par l’actuel président de la République alors même que le Mali en détient déjà un. Le sujet a ravi la vedette à bien d’autres préoccupations évoquées dans la Dpg. Laquelle a été par ailleurs approuvée par 121 suffrages et rejeté par 22 députés de l’opposition.
Le tout nouvel et bel appareil volant d’IBK s’est malencontreusement invitée dans les débats à l’hémicycle, comme un cheveu dans la soupe. Il s’agit en fait d’une question gênante, à la limite du malaise profond, dont une opposition digne de ce nom ne pouvait logiquement faire l’économie. Et, pour réveiller la conscience et la mémoire des masses sur le sujet, la mouvance de Soumaïla Cissé a choisi de recourir aux services d’un orateur hors-pair qui s’est toujours illustré par des merveilles dans le temple des parlementaires, malgré son statut d’analphabète. Mamadou Awa Gassamba Diaby –c’est de lui qu’il s’agit– n’a point dérogé à sa réputation en interpellant le nouveau Pm sur les circonstances dans lesquels le Mali a acquis un Boeing 737 pour les voyages présidentiels.
Les compatriotes du président de la République sont en droit d’en connaître le coût, les conditions d’attribution du marché pour un pays assailli par les délestages électriques et dont les forces armées croulent par ailleurs sous les besoins en tous genres face au défi de récupération de Kidal. Bien qu’il ait toute latitude d’esquiver une question qui passe à côté du sujet, le nouveau Pm, en homme très loyal dans sa collaboration avec IBK, a choisi de se complaire dans un rôle naturel de fusible. Rebondissement sur la question, il y a révélé des contours que même son employeur n’a pu déceler lors de son intervention devant les compatriotes du Maroc. L’achat du fameux avion, argumente-t-il, se justifie comme une alternative à la location plus couteuse d’appareil à chaque déplacement du chef de l’Etat à l’étranger. L’engin est ainsi revenu à 20 milliards tous frais confondus, soit le même coût que les frais de location d’avion sur quatre années. Quid de la l’ancien hérité de l’ancien régime ? Selon les explications du Premier ministre, l’avion d’ATT, un Boeing 727, ne se distingue pas d’un objet retrouvé. Sans propriétaire identifiable, sans immatriculation techniquement inopérant, l’appareil longtemps utilisé par ATT -puis par les autorités de la transition– comporte le risque d’une atteinte à la souveraineté nationale. Et pour cause : il peut être immobilisé dans n’importe quel aéroport et exposé du coup les hautes autorités à la déconvenue. Qui plus est, les autorités actuelles n’ont trouvé la moindre trace des conditions dans lesquelles le Mali a acquis l’avion. Un pavé dans la mare d’ATT, mais aussi coup de chapeau à celui qui a su passer son premier mandat sans avion et en acquit pendant son second sans frais pour le Trésor public.
En tout état de cause, l’argumentaire développé par le Pm pouvaient déclencher des salves d’applaudissements de la majorité présidentielle mais pas de l’opposition. Celle-ci est d’ailleurs revenue à la charge pour lui rétorquer que l’achat du nouvel appareil n’était pas non seulement prioritaire mais n’a pas été budgétisé au préalable. Qu’à cela ne tienne, le Pm a promis de corriger la lacune avec un correctif budgétaire très imminent. Trop étroit comme échappatoire, car, quelques minutes auparavant, parlant de l’endettement crapuleux du pays, le chef du gouvernement déclarait que l’engagement des dépenses sans crédits tient tout simplement du banditisme.
Quoi qu’il en soit, la parenthèse aura longtemps survolé l’essentiel de la Dpg avant qu’un vote positif ne vienne sanctionner les houleux échanges entre Moussa Mara et les parlementaires. La déclaration a ainsi recueilli 121 suffrages sur 147, qui en ont profité tant pour asseoir leur propre gouverne sur la conduite du pays, mais aussi pour prêcher en faveur de leurs chapelles respectifs, en se faisant l’écho des préoccupations régionales.
A. KEITA