“Je veux parler de la réalité, du quotidien des gens, de la dureté de leur vie”, explique le peintre ivoirien Armand Boua, 41 ans, dont l’exposition “Yopougon, Adjamé, Liberté” était présentée à la galerie Cécile Fakhoury d’Abidjan jusqu’à la fin août.
“Yopougon, Adjamé, Liberté”, ce sont les noms de trois quartiers pauvres de la capitale économique ivoirienne, une ville de cinq millions d’habitants à l’urbanisation chaotique. Sur les tableaux de grande taille d’Armand Boua, on distingue des jeunes qui jouent sur des terrains vagues, des vendeuses de rue ou des gens qui dorment dans la rue.
Bizarrement, les oeuvres sont à la fois très réalistes et en même temps impressionnistes. “A la fois fugaces et persistantes”, note le catalogue de l’exposition. Cela tient de la méthode originale de travail d’Armand Boua.
Le peintre commence par prendre des photos “pour capturer les instants”. Il sillonne pendant des semaines les quartiers, arpentant les rues, les marchés, les terrains vagues à la recherche “d’images fortes” avec son appareil photo.
Il travaille ensuite dans son atelier, situé à Yopougon, grand quartier populaire d’Abidjan et installé dans une maison inachevée dont une partie n’est pas couverte par un toit. C’est à cet endroit-là que l’artiste laisse traîner sciemment cartons et vieux papiers qui prennent alors le vent et la pluie.
Dans la partie couverte de la maison, Armand inspecte ses photos et sélectionne celles qu’il juge “parlantes” ou “marquantes”.
– Détruire pour créer –
Survient ensuite la deuxième phase: grâce à un rétroprojecteur, l’artiste projette une des photos sur une toile où il a collé des cartons, de vieux journaux et des affiches.
A partir de l’image projetée, il peint les contours qui l’intéressent, remplissant la toile de zones sombres ou claires, créant une sorte de négatif peint de la photo.
Puis l’artiste se met alors à “brosser, gratter, arracher” pour donner naissance à une oeuvre. “Dans la création, il y a de la destruction”, dit-il.
Avant de mettre au point ce processus créatif – dont il garde quelques aspects secrets -, Armand Boua, marié et père de deux enfants, a parcouru un long chemin qui a commencé dès les salles de classe du primaire.
“Quand j’étais petit, on a tout de suite vu que j’étais doué pour le dessin. En classe, quand il fallait dessiner un croquis ou des choses au tableau, le maître faisait appel à moi”, raconte-t-il.
Encouragé par ses parents – sa mère travaille au ministère de la Culture -, Armand Boua s’est formé aux Beaux-Arts d’Abidjan avant de prendre son envol.
– Une œuvre “compréhensible” –
“Au début, je ne faisais que peindre. Je faisais de la peinture réaliste mais je trouvais qu’on avait du mal à capter les moments, à les rendre. Je voulais faire autre chose”, se souvient-t-il.
“Dans cette exposition, on voit qu’Armand Boua a atteint une maturité du point de vue technique mais aussi conceptuel. Le fruit a muri sur son arbre”, estime Mimi Errol, critique d’art, directeur artistique de la galerie Houkami Guyzagn, qui a dirigé le mémoire d’Armand Boua aux Beaux-Arts.
“Il n’est pas sociologue mais il a su se concentrer sur les attitudes plastiques (des gens dans la rue) pour partager un aspect de la vie humaine. Il montre des aspects de notre humanité, des choses qui ne fonctionnent pas bien en Afrique”, explique le critique, qui ajoute: “On retrouve ces scènes dans beaucoup de périphéries urbaines en Afrique”.
Repéré par des galeristes comme Cécile Fakhoury, qui l’a déjà exposé à Dakar, mais aussi par Jack Bell à Londres, Armand Boua, qui a aussi exposé aux Etats-Unis, à Dubaï ou au Maroc, veut garder une oeuvre compréhensible pour tous.
Ses tableaux se vendent aujourd’hui entre 6.000 et 15.000 euros selon leur taille.
“Je voulais quelque chose qui parle, qu’on comprenne”, explique le peintre ivoirien, “pour décrire les conditions de vie des gens de mon pays”.
TV5