L’enquête parlementaire conduite par le général Niamé Keïta a du plomb dans l’aile, depuis un certain passage du Premier Ministre Moussa Mara devant la commission d’enquête sur les événements de l’Adrar des Ifogas. En cause, une confusion indescriptible dans les rapports qu’entretient le président avec ses collègues, lesquels dénoncent un changement spectaculaire d’attitude de sa part et subodorent une tentative d’user de dérobades et faux-fuyants pour bloquer les conclusions de l’enquête.
Initiée pour tirer au clair les équivoques et zones d’ombre de l’intervention militaire à Kidal, l’enquête parlementaire conduite par le Général Niamé Keïta, à la tête d’un collège de quinze autres parlementaires, pourrait ne jamais connaitre l’issue édifiante tant attendue. La date de dépôt du rapport a été pourtant fixée au 24 Décembre prochain par le bureau de l’Assemblée nationale, mais il n’y a aucune probabilité que cette échéance soit respectée, au regard des dissensions et conflits subitement survenus entre le président et les autres membres de l’équipe d’enquête parlementaire. Le malentendu a trait, selon nos sources, à de nombreuses pommes de discordes dont l’étendue de la liste des personnes et responsables à écouter pour mieux asseoir la religion des parlementaires sur l’épisode dramatique de Kidal.
Pour le président de la commission parlementaire, à en croire notre source, la liste des écoute est déjà bouclée et ne saurait s’étendre à d’autres personnes ressources après le passage, devant la commission d’enquête, du principal acteur des événements de Mai dernier, le chef du Gouvernement Moussa Mara en l’occurrence.
Ce n’est point l’avis des autres collaborateurs de Niamé Keïta. A leurs yeux, poursuit la même source, une extension des écoutes se justifie pour le moins par le besoin de confronter les déclarations du Premier ministre avec d’acteurs privilégiés de l’événement, notamment les nombreux témoins dans les trois régions du Nord-Mali que l’enquête parlementaire n’a pas encore concerné.
Alors poursuite ou arrêt de la série d’écoutes ? Quoi qu’il en soit, le premier responsable de l’enquête ne semble point dans les meilleures dispositions pour permettre à la commission de tirer ses conclusions, ne serait-ce que du labeur déjà accompli. C’est l’impression qu’en ont en tout cas la quasi-totalité de ses collègues de la commission ad hoc, après que le Général Niamé Keïta, par voie de correspondance, a pris à témoin le bureau de l’Assemblée nationale sur le manque de rendement de ses collaborateurs au sein de la commission d’enquête. Et de demander, par conséquent, que les émoluments afférents à leur mission soient tout simplement suspendus. Ce n’est pas tout. Le premier responsable de la commission d’enquête sur Kidal, vice- président par ailleurs de la commission permanente ‘’Affaires étrangères’’, aurait même envisagé de démettre le comité de rédaction du rapport. Une intention que les autres membres ont assimilé, à tort ou à raison, comme un artifice pour faire obstacle à la publication du rapport. Et de lui rétorquer que l’élaboration du document final ne serait tenir à la carence d’un comité de rédaction d’autant que le rapporteur de la commission d’enquête, un député de l’opposition, dispose de tous les éléments nécessaires pour tirer une conclusion.
Ainsi cerné de toutes parts, le président de la commission d’enquête parlementaire, poursuit notre source, a poussé la dérobade et les faux-fuyants jusqu’à brandir une menace de rendre le tablier, au motif qu’un grand tort lui a été causé par ceux qui lui ont confié la responsabilité d’une enquête aussi délicate.
Le Général Niamé Keïta, de sources concordantes, ne s’est pas toujours illustré par une telle posture. Ses collaborateurs disent en effet ne pas le reconnaitre depuis le passage de Moussa Mara à l’Assemblée nationale, dans le cadre des témoignages sur les douloureux événements de Kidal. De là à en déduire un lien de causalité entre le passage du Pm et le brusque changement d’attitude du président de la commission il n’y a qu’un pas qu’une majorité des enquêteurs n’hésitent pas à franchir, et pour cause. Dernière personnalité à faire s’expliquer sur l’intervention meurtrière de Mai dernier à Kidal, le chef du gouvernement, selon toute évidence, ne s’est point illustré par des arguments plus convaincants et plus persuasifs que les accablants témoignages l’ayant précédé devant la commission parlementaire. Sur son choix de conduire une délégation à Kidal en dépit des signaux défavorables, Moussa Mara s’est contenté d’affirmer aux députés qu’il n’a jamais été informé de l’imminence d’un danger sur les lieux et que la réalité du terrain lui était tout simplement inconnue. Et d’accuser la communauté internationale d’avoir sevré les forces maliennes de l’aide nécessaire et de s’être contenté de parades aériennes suspectes tout au long des affrontements. Quid de ses sentiments après un recul de plusieurs mois ? Sur la question, il nous revient que le Premier ministre est demeuré égal à lui-même et n’éprouve le moindre regret ni n’a le sentiment d’avoir engagé le pays dans une aventure périlleuse. Au contraire, il considère comme un devoir le redéploiement de l’administration et des forces de sécurité dans une zone qui, selon lui, a échappé au contrôle de l’Etat malien depuis 1991.
C’est donc faute d’arguments solides en faveur de sa défense, estiment les commissaires, que le Premier ministre est en train de trouver un baroud d’honneur à travers la main-basse du président Niamé Keïta sur les conclusions de l’enquête parlementaire.
Mais les collaborateurs du Général-député n’ont l’air de laisser triompher la manœuvre. Ils comptent prendre à témoin l’opinion et envisagent pour ce faire de recourir à une conférence de presse pour clarifier les circonstances qui entourent le piétinement de l’enquête sur Kidal. Certains militent même en faveur d’une destitution du président, à défaut de lui donner l’occasion d’une sortie plus honorable de son propre chef.
Source: Autre presse