Patriarche et chef des Ifogas et tribus affiliées, Intalla Ag Attaher lègue un riche patrimoine dont le plus convoité n’est autre que le trône qu’il occupe avec sa famille depuis les années 60. La question va se poser aussitôt l’épreuve du deuil estompée et tout indiquait que le plus précieux héritage allait se disputera pas entre le fils aîné et le benjamin. Chacun y est allé de sa supputation avant qu’un semblant de dénouement n’intervienne à travers des signaux indicateurs en faveur de Mohamed Ag Intalla. S’il devenait effectif, le scénario va consacrer la solution à l’équation successorale tandis que les inconnus vont demeurer quant au retour de Kidal dans l’escarcelle de la République du Mali.
Le vieux Amenokal de Kidal s’en est allé. La nouvelle, aussi triste qu’elle paraisse, n’a surpris que les observateurs les moins avertis, pour qui savait la santé de plus en plus fragile, ces dernières années, du patriarche le plus respecté et très écouté dans la région de Kidal. Sa disparition aura néanmoins plongé dans la consternation la famille ainsi que tous les ressortissants de l’Adrar des Ifoghas, qui regrettent sans doute la perte d’un repère à peine remplaçable.
Après la survenue du décès, le soir du Jeudi dernier, Intalla Ag Attaher, 87 ans environ, a été inhumé tôt le lendemain matin dans la pure tradition musulmane et avec le sobre rituel qu’exige les préceptes de cette religion. L’événement a par ailleurs drainé une salve de messages de condoléances du côté d’officiels maliens comme de la communauté internationale représentée au Mali. Tous ou presque reconnaissent au défunt une place centrale dans le processus de recherche de solutions à la problématique du septentrion malien. Le décès du patriarche continue en outre de drainer toute une vague de personnalités et de cadres ressortissants de la région, qui se bousculent depuis une semaine au portillon de la MINUSMA pour ne pas rater les avions de moins en moins fréquents sur la ligne de Kidal.
Derrière la communion et l’atmosphère de deuil a pourtant couvé une délicate équation dont les indices étaient bien antérieurs au décès du patriarche : sa succession. En clair, les bruits y afférents se faisaient entendre depuis fort longtemps à travers des manœuvres de palais ainsi que par des supputations autour de deux de ses trois héritiers. Il s’agit du député en exercice Mohamed Ag Intallah et de son cadet et non moins ancien parlementaire Algabass Ag Intalla. Le premier prétendant aurait été logiquement perçu comme héritier tout naturel du relais si l’histoire successorale de Kidal n’avait déjà connu une dérogation au privilège d’ainesse. Les observateurs se réfèrent, en effet, au fait que le défunt avait été lui-même préféré à son grand-frère Feu Zeïd Ag Attaher dans des circonstances qu’on se garde se révéler. Il n’est dès lors pas étonnant que le cadet Algabass Ag Intalla puisse prétendre bénéficier des mêmes conditions dérogatoires, un scénario d’ailleurs pressenti à en juger par les nombreuses supputations qui avaient pignon sur rue du vivant encore de leur père. En clair, plusieurs sources proches de la chefferie traditionnelle des Ifogas, naguère encore, créditaient Algabass d’une plus grande estime voire d’une nette préférence du patriarche pour assurer sa relève. En faveur du plus jeune prétendant au trône milite, selon les mêmes sources, un penchant communautariste aux allures de repli identitaire, lorsque l’ainé se distingue quant à lui par plus d’ouverture et un sentiment d’appartenance au Mali. Mohamed Ag Intalla en porte d’ailleurs le lourd passif de s’être marié en dehors de sa communauté et d’avoir par conséquent des progénitures contestables dans la chaine successorale à travers leur lignée maternelle. Le détail n’est point négligeable et aurait pu peser dans la balance si le patriarche, selon certains témoignages déjà ébruités sur sa dernière volonté, n’avait pas opté pour le choix de son successeur selon les règles traditionnelles d’ainesse. C’est donc Mohamed Ag Intalla qui se sentirait déjà dans la peau de nouvel Amenokal, en attendant sa confirmation par l’assentiment tout aussi déterminant des autres tribus apparentés à la chefferie. Or, dans un contexte marqué par une nette prédominance de l’irrédentisme et des velléités séparatistes dans la région, c’est Algabass Ag Intalla qui fait figure de meilleure incarnation et de porte-étendard des intérêts identitaires cautionnés par le défunt de son vivant. Le patriarche s’était même récemment illustré par des sorties publiques où il a appelé publiquement à l’unité des divers mouvements favorables à l’Azawad. Quant à son successeur pressenti il s’était plutôt illustré par un penchant pour l’Etat malien en accueillant contre la volonté populaire la délégation d’officiels conduite par le Premier ministre.
Doit-on en déduire pour autant qu’une intronisation encore hypothétique de Mohamed Ag Intalla sera indicative d’une tendance favorable à une conclusion heureuse du processus d’Alger ? Rien n’est moins sûr, et pour cause. En étant soi-même choisi sur la base d’une dernière volonté on est plutôt logiquement tenté de privilégier les choix de son prédécesseur. Mohamed Ag Intalla l’Amenokal est différent du député Mohamed Ag Intalla et aurait peut-être plus de contrainte envers les choix de sa communauté qu’il ne chercherait à leur en imposer.
Source: Autre presse