L’initiative salutaire d’intermédiation de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA), entre partisans et opposants au référendum, est entachée par un curieux amalgame de son Chef Mahamat Saleh ANNADIF.
Tout d’abord, il faut dire que cette intermédiation s’inscrit dans le cadre de la mission normale de la Mission onusienne. En effet, au titre des tâches prioritaires de la MINUSMA, par rapport à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, il y a : ‘’appuyer la mise en œuvre des réformes politiques et institutionnelles prévues par l’Accord, en particulier dans son titre II, et surtout appuyer les efforts du Gouvernement pour rétablir et étendre effectivement et progressivement l’autorité de l’État et l’état de droit sur tout le territoire, notamment en concourant au bon fonctionnement des administrations intérimaires dans le nord du Mali selon les conditions énoncées dans l’Accord’’.
Or, la contestation actuelle dans le pays trouve sa source dans l’initiative du Président de la République d’entreprendre une révision de la Constitution qui permettrait justement d’opérer les réformes politiques et institutionnelles prévues par l’Accord pour la paix et la réconciliation. Dès lors, la MINUSMA est dans son rôle.
En plus, la MINUSMA est chargée d’user de ses bons offices et de mesures de confiance et d’encouragement aux niveaux national et local pour appuyer un dialogue axé sur la réconciliation et la cohésion sociale avec toutes les parties prenantes et entre elles, encourager les initiatives visant à atténuer les tensions intercommunautaires, en ayant à l’esprit la responsabilité première des autorités maliennes, faciliter la tenue d’élections pacifiques, ouvertes à tous, régulières et transparentes, et encourager et soutenir la pleine mise en œuvre de l’Accord par le Gouvernement malien et les groupes armés des coalitions Plateforme et Coordination, notamment en favorisant la participation de la société civile, y compris des associations de femmes et de jeunes’’.
Dans les deux cas précités, l’intervention de la Mission est parfaitement justifiée.
Il peut même lui être reproché d’avoir attendu que les positions se radicalisent avec une extrapolation des nouveaux articles et une dénaturation du débat de fond. Qu’à cela ne tienne, il n’est pas trop tard et les positions sont toujours conciliables, si tant est que la préoccupation commune est l’intérêt général de ce pays.
Ce qui est surtout curieux, c’est l’amalgame que fait le Chef de la Mission onusienne à propos de la situation sécuritaire sur le terrain, en référence à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Lors de sa conférence de presse d’avant-hier mardi, il semble mettre indistinctement dans le même sac l’installation des autorités intérimaires ; les conflits intercommunautaires ; le banditisme ; l’insécurité ; le terrorisme.
La confusion est d’autant plus perplexe que les terroristes, auteurs des attentats, des embuscades, ne sont pas partie prenante à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.
De même, il n’y a aucun accord avec les bandits de grand chemin qui sèment la terreur au sein de nos populations, spoliées de leurs biens et souvent assassinées.
L’insécurité étant en grande partie imputable à ces acteurs, l’on ne saurait indexer l’Accord pour la paix et la réconciliation, sur la forme.
Dans le fond, il peut en est autrement puisque l’Accord prévoit la lutte contre le terrorisme. En effet, les articles 29 et 30 stipulent : ‘’les Parties réitèrent leur engagement à combattre le terrorisme et ses multiples connexions que sont le crime organisé et le trafic de drogue, y compris à travers les stratégies et mécanismes régionaux existants’’ ; ‘’les Parties conviennent de la mise en place, en tant que de besoin, d’unités spéciales aux fins de lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée’’.
Ce qui n’occulte pourtant pas que dans la lutte contre le terrorisme, il n’y a pas d’échelle de grandeur. Parce que les terroristes peuvent frapper à tout moment et remettre les compteurs à zéro, après d’intenses efforts de neutralisation.
Dans un tel contexte, un juste équilibre est nécessaire dans le jugement. Et pour cause, autant la lutte contre l’insécurité est tributaire de la bonne application de l’Accord en certaines de ses dispositions, autant l’insécurité n’est pas la conséquence d’un retard dans la mise en œuvre de l’Accord. Elle lui est antérieure.
L’on peut aisément déduire que le déséquilibre, qui rimerait avec un sape de l’échafaudage, pourrait apporter de l’eau au moulin des opposants au référendum. Ce qui rendrait très ambigu le rôle de la Mission onusienne qui devrait consister à calmer les passions, de part et d’autre, pour sauver l’essentiel. Le risque est grand de se retrouver dans la posture de pyromane pompier.
Ce d’autant plus que du diagnostic du Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, il ressort que le problème du Mali est politique et la solution est l’application correcte de l’Accord. Et cette application correcte passe par les réformes politiques et institutionnelles dont certains ne veulent pas entendre parler.
Par Bertin DAKOUO
Source: info-matin.