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André Bourgeot, chercheur au CNRS : « si Iyad Ag Ghaly veut négocier, il a beaucoup de chemin à parcourir pour s’inscrire dans les accords de paix »

André Bourgeot est anthropologue-chercheur au CNRS de France. Il est spécialiste du Mali. Au cours de son récent séjour dans notre pays, nous l’avons rencontré à la Maison de la presse où il s’est prêté à nos questions.

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Pensez-vous que le processus de paix au Mali est sur les rails ?

Oui, il est sur les rails, mais d’une manière un peu contradictoire comme tout processus. Il y a des avancées, il y a aussi des reculs. Avec le pacte qui s’est passé à Anefis et le Forum de Kidal, on peut espérer que ça débouche sur quelque chose de concret, mais rien n’est sûr. Moi, je ne suis pas catégorique, il y a des choses qui sont faites, il faut les prendre en compte, mais ce n’est pas pour autant que le problème soit résolu, loin s’en faut. D’autant plus que la conférence d’entente n’est pas faite, le cantonnement n’est pas, les DDR ne sont pas faits encore, c’est là des choses concrètes, il doit y avoir des enjeux énormes. Ça risque aussi de créer des conflits qui risquent de prendre une certaine violence parce que va se poser le problème de l’impunité : on va intégrer qui ? Sur quelle base, quels critères ? Il peut y avoir des mécontentements importants.
Malgré tous les efforts consentis, on est encore loin de la stabilité. Est-ce qu’il n’y a pas des insuffisances quelque part ?

L’insuffisance la plus importante, c’est que je n’ai pas senti chez les populations maliennes un enthousiasme débordant par rapport au contenu des accords de paix dits Accord d’Alger ! Je n’ai pas senti un grand mouvement populaire qui soutenait ces accords là et donc en conséquence, les accords se sont faits de manière institutionnelle avec la communauté internationale etc, mais je pense qu’il y a des éléments du contenu de l’Accord qui sont critiquables et ça été critiqué par une partie de la population malienne. Donc, le problème de fond, il est là. S’il y avait eu en amont, avant les accords, des assises nationales ou conférence, on ne serait pas dans cette situation actuelle parce qu’il y aurait eu un mouvement populaire qui serait créé.
Quelle appréciation portez-vous sur le mandat de la Minusma ?

Le mandat de la Minusma, j’ai cru comprendre et avoir lu qu’il va évoluer, qu’il va y avoir une nouvelle rédaction. Et s’il y a une nouvelle rédaction, ça veut dire que la Minusma quelque part a engrangé les critiques qui ont été formulées à son encontre, particulièrement l’attitude à Ménaka vis-à-vis du MNLA et vis-à-vis du Gatia et la même chose sur Anefis etc. Peut-être qu’ils se sont rendus compte aussi qu’ils n’avaient pas été très très objectifs. Je crois savoir, et là il faut vérifier, il va falloir une reformulation de la Minusma. Et puis bon, à l’intérieur de la Minusma, il y a un problème d’autorité. Vous avez vu comment des soldats tchadiens qui tuent d’autres. Il y a une crise d’autorité, de respect de la hiérarchie. Il y a aussi des éléments, je crois trois éléments libanais qui se livraient au trafic de la drogue, particulièrement de la cocaïne. Ça fait un peu désordre ces genres de trucs.
Comment voyez-vous le Forum de Kidal ?

Je pense que l’initiative est intéressante. Ça va déboucher sur quoi ? A vrai dire, je n’en sais pas trop. Tout dépendra de la volonté de toutes les parties prenantes pour savoir quelles vont en être les retombées positives. Ensuite, il y a les menaces qui ont été proférées par Iyad Ag Ghaly….Est-ce que c’est sérieux ? Est-ce que ce n’est pas sérieux, je ne saurais le dire. Mais il faut être extrêmement vigilant par rapport au Forum de Kidal, qui peut déboucher sur des choses intéressantes. Il ne faut pas surtout le minimiser.
Justement est-ce que vous pensez qu’il faut négocier avec les jihadistes maliens ?

Mon point de vue est que je ne vois pas pourquoi il faut négocier avec des jihadistes sous prétexte que la qualité de jihadiste est d’être national, d’être Malien par rapport aux étrangers. Pour moi, ce n’est pas un critère pertinent ! Pourquoi y aura-t-il des bons jihadistes, à savoir Iyad Ag Ghaly, qui serait un bon jihadiste parce que Malien, et de mauvais jihadistes tels que Mocktar Belmocktar, qui est un étranger, un algérien ; de ce fait là, il serait un mauvais jihadiste. Quelque part, je trouve que c’est des distinctions très très graves d’avancer les choses là, parce que ça va d’un ultranationalisme qui peut être très dangereux dans le contexte actuel. Par ailleurs, si monsieur Iyad Ag Ghaly n’a pas fait de communiqué, n’a pas demandé pardon, n’a pas demandé pardon pour les erreurs commises dans le passé etc, donc on va dialoguer sur quoi, avec qui et au nom de quoi ? Il ne faut pas perdre de vue qu’il n’est pas sur des positions républicaines ! Il a déclaré à plusieurs reprises, il s’agit pour lui de maintenir l’unité territoriale malienne pour y instaurer la charia ! Est-ce qu’on peut dialoguer, négocier sur ces bases là. Donc, si Iyad Ag Ghaly veut négocier, il a beaucoup de chemin à parcourir pour s’inscrire dans les accords de paix.
Propos recueillis par Abdoulaye Diakité

Source: Autre presse

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