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Analyses du discours du Général François Lecointre (II) : Apprivoiser la peur de l’incertitude

Dans cette deuxième de l’analyse qu’il a consacrée au discours de l’ancien chef d’état-major général des Armées françaises, le Général François Lecointre, martial, révoltant parce que belliqueux avec la perspective terroriste d’une nouvelle colonisation de l’Afrique, notre compatriote, Boubacar Touré, juriste à Montréal (Canada) relève dans le projet décliné par lui son mépris que la France est signataire de la plupart des conventions internationales, notamment la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée le 10 décembre 1948, après l’adoption le 26 août 1789 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Et d’inviter les Africains à une véritable prise de conscience en ce XXIème siècle où des dirigeants politiques africains (soucieux de leurs responsabilités) doivent revoir les paradigmes, les critères d’alliance et la politique d’un vrai partenariat. L’Afrique, avec ses potentialités géologiques et sa puissance démographique, se trouve maintenant dans la “Cour des grands” et elle peut influencer la Géopolitique et la Géostratégie et imposer ses intérêts dans l’économie mondiale. La stratégie envisagée pour la reconquête de l’Afrique s’apparente à la primauté de la force sur le Droit. Un document à lire absolument en raison de son contenu éclairant : histoire, pédagogie, avenir.

 

  Introduction 

Après la décision machiavélique sur le partage de l’Afrique (Berlin 1884 à 1885), un autre plan funeste est en marche pour réécrire une nouvelle page de l’histoire de la colonisation africaine. Rappelons que l’esclavage des Noirs dans les colonies françaises a été définitivement aboli le 4 mars 1848 et le 27 avril 1848 grâce, notamment, à l’action de Victor Schoelcher, la traite négrière l’ayant été en 1815 lors du traité de Vienne. Dans cette perspective, le général LECOINTRE prépare l’opinion européenne avec des argumentaires sur une démographie africaine galopante (récupérant la critique d’Emmanuel Macron sur le sujet), la guerre civile, les multiples violations des droits de l’homme, l’incapacité d’instaurer des pouvoirs démocratiques, en un mot, des âmes à reciviliser. Lorsque le Général reproche les violations des droits de l’homme aux Africains, il ne fait pas référence au massacre de Thiaroye, qui s’est déroulé dans un camp militaire de la périphérie de Dakar (au Sénégal), le 1er décembre 1944 : des troupes coloniales et des gendarmes français ont tiré sur des tirailleurs sénégalais qui avaient combattu pour la libération de la France contre l’Allemagne nazie et qui furent des anciens prisonniers de la seconde Guerre mondiale. Après le rapatriement de ces soldats noirs, ils ont manifesté pour le paiement de leurs indemnités et le versement du pécule qui leur était promis depuis des mois. Leur seul crime, c’est d’avoir revendiqué leurs droits. La répression fut brutale sans égard aux principes des droits de l’homme et sans reconnaissance des services rendus à la France. Deux documents militaires français font état, l’un de 35, l’autre de 70 tirailleurs tués. Un historien sénégalais dénombre 191 tués dans l’impunité totale. Nous revenons sur la reproduction ci-après des extraits de la rhétorique du Général François LECOINTRE sur le projet d’attaquer militairement l’Afrique et ce, malgré le fait que la France est signataire de la plupart des conventions internationales, notamment la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée le 10 décembre 1948, après l’adoption le 26 août 1789 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Nous invitons les Africains à une véritable prise de conscience en ce XXIème siècle où des dirigeants politiques africains (soucieux de leurs responsabilités) doivent revoir les paradigmes, les critères d’alliance et la politique d’un vrai partenariat. L’Afrique, avec ses potentialités géologiques et sa puissance démographique, se trouve maintenant dans la “Cour des grands” et elle peut influencer la Géopolitique et la Géostratégie; imposer ses intérêts dans l’économie mondiale. La stratégie envisagée pour la reconquête de l’Afrique s’apparente à la primauté de la force sur le Droit.

Primauté de la Force sur le Droit : Rhétorique du Général François LECOINTRE 

Selon le Général LECOINTRE, « Ce qui est notre destin commun, nous Français et Européens, c’est la Méditerranée et l’Afrique. Nous avons essayé en permanence, nous Français, d’entraîner les Européens dans cette prise de conscience, de la nécessité d’agir collectivement en Afrique. On ne peut imaginer qu’à nos portes il y a un continent qui est en train de s’enfoncer dans la destruction des appareils de gouvernement et des États, s’enfoncer dans une forme de chaos et de guerre civile. Un continent qui va connaître une explosion démographique. Imaginer que cela se passe dans les 10 et 20 prochaines années et qui n’aura pas de conséquence sur l’Europe, c’est simplement inconscient. » Il exprime sa désolation de l’échec de leur engagement au Sahel. L’Europe aura l’obligation de retourner en Afrique et se décidera à agir comme une entité politique qui ira défendre ses intérêts, y compris par les moyens d’engagement de ses armées dans 10 à 20 ans.  Il est persuadé que « ce ne sont pas la Chine, la Russie et Wagner qui vont apporter des solutions durables aux très grandes difficultés que ces africains et leurs populations connaissent ».

Analyse

Si un général africain avait tenu les mêmes propos que le général LECOINTRE, l’Union Européenne allait se mobiliser pour dénoncer ce qu’elle appellerait ” l’apologie de la violence “. Mais, au nom du double standard qui caractérise le système international, les Africains n’ont pas droit (moralement) à l’application uniforme des mêmes règles déontologiques. Rappelons l’idéologie du ” Code noir “qui continue d’inspirer plusieurs politiciens français oligarques qui sont encore nostalgiques de l’application des dispositions de ce Code, malgré son abrogation. Quel était le fondement de ce Code ? Le Code noir est le titre qui a été donné à l’ordonnance royale de Louis XIV ou Édit royal de mars 1685 touchant la police des îles de l’Amérique française, puis aux Édits similaires de 1723 sur les Mascareignes et de 1724 sur la Louisiane, et, enfin à partir du milieu du XVIIIème siècle, aux recueils de textes juridiques relatifs aux colonies françaises. L’idéologie de la domination et l’exploitation était le fondement. Les conditions d’exploitations et de traitement des noirs déterminaient leur statut.

Statut et incapacité 

Selon le Code noir, « l’esclave est assimilé aux meubles insaisissables (art. 44), tout en le reconnaissant responsable sur le plan criminel (art. 32), alors que de son côté, l’article 48 édicte que, par exception au principe de l’article 44, ils peuvent être atteints en cas de saisie réelle. » Si la nature humaine de l’esclave lui confère certains droits, il n’a pas de véritable personnalité civile avant les réformes adoptées sous la monarchie de juillet (1830-1848). Cela tient au fait, selon Frédéric Charlin, que la personnalité juridique est, dans l’ancien droit, dissociable de l’humanité. En fait, l’étude précise du statut de l’esclave conduit à distinguer en pratique l’esclave « de jardin » ou « de culture », c’est-à-dire la force de production et de travail, des autres esclaves (ceux de la maisonnée), au point qu’avant la promulgation du Code noir, les esclaves autres que de culture étaient qualifiés de « biens immeubles par destination ». Examinons comment les sanctions étaient déterminées et appliquées.

Délits, peines et châtiments 

Le Code noir « permet les châtiments corporels pour les esclaves, y compris des mutilations comme le marquage au fer, ainsi que la peine de mort (articles 33-36, et article 38) : tout fugitif disparu pendant un mois (marronnage) aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys avant d’avoir le jarret coupé en cas de récidive, et condamné à mort à la deuxième récidive. » Il ne faut pas oublier que ce type de peine (marquage au fer, mutilation etc.) existait aussi en métropole dans les usages répressifs de l’époque. Le code interdit aux esclaves tout exercice public d’autre religion que la religion catholique, apostolique et romaine (article 3) et interdit notamment la pratique de la foi protestante (article 5). Les esclaves ne doivent pas vendre de canne à sucre, même avec la permission de leurs maîtres (article 18). Ils ne doivent vendre aucune autre marchandise sans la permission de leurs maîtres (article 19, article 20).

L’humiliation infligée aux Noirs 

Le Code noir faisait des Noirs des êtres inférieurs sans âme, des marchandises dont le destin se promenait à travers le continent européen et antillais pour être vendus aux plus offrants. Le destin de ces esclaves a été déraciné par la force des armes, utilisée pour les contraindre et les exploiter comme une main-d’œuvre dans des conditions effroyables, celles des travaux forcés. C’est sûrement la même méthode qui pourrait être utilisée dans le cadre d’une opération d’expédition militaire planifiée dont l’intensité de la guerre sera tragique. De la même façon que des héros africains ont opposé la résistance à la pénétration européenne en Afrique durant la période de l’esclavage et celle de la colonisation, l’histoire pourra se reproduire. Dans une telle hypothèse, les Africains n’accepteront pas de se soumettre docilement à une nouvelle humiliation collective, celle d’une macabre recolonisation. Il faut qualifier la déclaration du général LECOINTRE de belliqueuse, car elle se situe dans une manœuvre qui pousse l’Europe à la guerre totale par l’emploi de la force militaire pour s’emparer non pas de la main-d’œuvre, mais des richesses africaines (ressources) qui représentent ce que lui appelle leur ” intérêt “, tel qu’il avait été énoncé antérieurement par le président Emmanuel Macron. Derrière cette stratégie, se cache la volonté de faire main basse sur le continent africain sans les Africains. Cette mission ou ce plan sordide est déjà mis en œuvre par un discours de dépeuplement démographique et de changement d’orientation sur les valeurs liées à la natalité reproductrice. Cette question de la puissance démographique a été démontrée par des spécialistes qui ont établi dans leur grille d’analyse basée sur l’équation de la densité pour justifier que l’Afrique est un continent sous-peuplé et que c’est la possibilité d’une inversion de rapport de force démographique entre l’Europe et l’Afrique qui inquiète.

 Densité de la population : comparaison entre l’Afrique et l’Europe

D’après la projection de ces spécialistes, sur l’an 2050, la population en Afrique sera d’environ 2 milliards ½ (demi) et si la tendance se maintient, « les Africains seront 7 fois plus nombreux que les Européens car il y aura 4 Africains contre un (1) Européen. Ils affirment que, dans cette hypothèse, la dynamique du potentiel numérique sera en faveur de l’Afrique qui pourra coloniser l’Europe, d’où l’alerte du général LECOINTRE sur la peur de cette incertitude qu’il faut apprivoiser par différentes méthodes moins orthodoxes ». Réexaminons la tendance statistique des données selon ces spécialistes. Durant la période où l’Europe a pu coloniser l’Afrique, il y avait dans les années 1900 en Europe une population de 400 à 420 millions d’habitants contre une population en Afrique de 100 à 140 millions d’habitants, soit 4 Européens contre un (1) Africain.  Superficie de la France : 551,695 millions de km2, soit environ une population de 68 millions d’habitants avec une densité de 17,94 habitant/km2. Superficie de l’Europe : 10,53 millions de km2, soit environ une population de 448,4 millions d’habitants, avec une densité de 116,7 habitants/km2. Superficie de l’Afrique : 30,37 millions de km2, soit environ une population de 1,4 milliards d’habitants avec une densité de 44 habitants/km2. Si on compare la densité européenne de 116,7 habitants/km2 sur une superficie de 10,53 millions de km2 contre la densité africaine de 44 habitants/km2 sur une superficie de 30,37 millions de km2, on peut constater que l’Afrique n’est pas peuplée, mais il faut prendre en considération la métaphore d’un spécialiste qui dit que  « Un Européen qui naît est perçu comme un cerveau qui créera de la richesse alors qu’un Africain qui naît est perçu comme une bouche à nourrir. » Il propose aux dirigeants africains de changer ce paradigme dans nos politiques de population et de développement. Nous partageons son opinion et nous faisons remarquer également que la puissance militaire d’un pays repose en partie sur sa puissance démographique et la disponibilité des troupes, sinon la France n’allait pas faire appel aux tirailleurs africains en 1939-1945 dont un grand nombre a servi de “chair à canon”. Les troupes des alliés ont également été utiles pour sauver l’honneur de la France. On voit actuellement dans la guerre russo-ukrainienne la nécessité de recruter plus de soldats, y compris des femmes au sein de l’infanterie, malgré l’appui de la logistique et de la capacité des moyens aériens dans les opérations. La question démographique en Afrique, qui revient dans le débat public et qui est discutée par le général LECOINTRE, est une question de procréation, c’est-à-dire le manque de sensibilité et de respect envers la fertilité des femmes africaines. Cette sensibilité s’exprime à travers ce qu’on peut nommer avec le Dr. André Berge, un « complexe de la dénatalité » (Berge 1961). Elle conduit au recours de l’argument démographique dans l’espace public. Pourquoi cette question dérange certains politiciens français? Parce qu’elle est devenue un enjeu au centre des rapports de domination, la crainte de l’inversion de la démographie comme outil d’influence. « Des anthropologues, philosophes et sociologues s’accordent souvent sur un point : le corps des femmes noires africaines est un enjeu de l’exercice du pouvoir pour certains politiciens occidentaux. Déposséder ces femmes de la maîtrise de leur corps par la stérilisation ou le planning familial, est le moyen le plus efficace pour asseoir ce pouvoir ». La stratégie est ancienne car « des expériences ont été pratiquées sur l’île de la Réunion, dont le scandale s’appelle l’affaire des avortements forcés dans les années 1960. » C’est ainsi que dans les années 1960-1970, des femmes ont subi des avortements et stérilisations à leur insu, à la clinique orthopédique de Saint-Benoît, sur l’île de la Réunion en France d’Outre-Mer.

Dans un article publié et intitulé : « La République s’est-elle perdue à la Réunion ? », on lit :  « De 1960 à 1980, la France a-t-elle commis l’irréparable en pratiquant l’eugénisme sur l’île ? Pour celles et ceux qui ont été victimes, il n’y a pas de doute. Pour les autorités françaises, c’est plus compliqué » D’après Françoise VERGÈS, politologue, militante féministe et antiraciste, « L’État français contrôle le corps des femmes. C’est le même État qui, d’un côté, criminalise l’avortement en France métropolitaine jusqu’en 1975 et, de l’autre côté, mène une politique très différente sur l’île de la Réunion; un peu moins aux Antilles, en Guadeloupe et en Martinique. Bien que cela ait eu lieu, mais massivement à l’île de la Réunion puisqu’on parle de milliers de femmes qu’on a fait avorter par an ou qu’on a stérilisées, sans consentement. Donc, oui, pour moi, c’est absolument une expression de racisme d’État ». Après plusieurs mois d’enquête et d’instruction, le procès a eu lieu en février 1971 contre trois médecins et un infirmier pour « manœuvres abortives ». La méthode de planning familial avait été utilisée en Afrique pour réduire la démographie.

En s’inquiétant de la démographie galopante en Afrique au moment où les armées africaines doivent consolider leur capacité numérique et technologique, nous pouvons interpréter le discours du général Lecointre comme un appel qui ne semble pas accorder une large place aux approches de la puissance démographique dans la construction des armées africaines. Nous comprenons naïvement, sur ce point, qu’il existe une doctrine qui nous enseigne qu’on est arrivé petit à petit « à accorder une importance de plus en plus grande aux équipements, en termes de budgets de recherche, de programmes et de tactiques; simultanément, on sous-estime la part prise par l’homme ou on la limite à la gestion des Ressources Humaines ou bien aux conditions de travail. » Un phénomène semble ne pas être étranger à cette situation dans la guerre, l’aviation et les équipements électroniques occupent une part de supériorité dans la victoire, pour réduire les pertes de vies humaines. « Par ailleurs, combien de documents abordent actuellement des questions aussi essentielles que le moral, l’esprit de corps, la fraternité d’armes et même, n’ayons pas peur des mots, la peur, la panique ou simplement le stress en opérations ? » C’est peut-être la raison pourquoi la coalition TAKUBA au Sahel avec l’armée française ont échoué dans leurs offensives de “guerre asymétrique ” contre les terroristes et djihadistes. Cette amertume poussa le général Lecointre à exprimer sa désolation face à l’échec de leur engagement au Sahel.

Un regard sur la colonisation

Georges Clémenceau a reconnu la colonisation comme étant un crime. Donc, les accords coloniaux secrets, notamment sur le paiement d’une dette pour compenser un sulfureux bénéfice de la colonisation, est assimilable à un acte immoral et condamnable. Lorsque le général LECOINTRE s’exprime sur le partenariat entre le Mali et la Russie d’une part, le Mali et la Chine d’autre part, il reproche à la Russie et à la Chine en affirmant qu’ il est « …persuadé que ce ne sont pas ces pays (la Chine, la Russie et Wagner) qui vont apporter des solutions durables aux très grandes difficultés que ces Africains et leurs populations connaissent ».Nous tenons à lui rappeler que les Africains ont déjà eu une longue expérience de coopération fructueuse avec ces deux pays avec lesquels nous n’avons jamais subi ni les affres de l’esclavage, ni de la colonisation. Nous sommes aussi persuadés que les intérêts et valeurs africains sont compatibles avec ceux de ces deux pays : ils ont su gagner la confiance des Africains! De plus, ils ont apporté leur précieux appui à des mouvements africains de décolonisation. Donc, l’Afrique n’a pas besoin de leçon à recevoir sur son droit à la liberté de choisir librement ses partenaires avec lesquels elle peut se développer “d’égal à égal ” sans paternalisme et sans être victime de prédations. Ensuite, le général Lecointre s’est offusqué de voir que l’Afrique s’enfonce dans le chaos et la guerre civile au moment où certains politiciens français ont admis publiquement que les rebelles terroristes touaregs, sécessionnistes du MNLA, sont leurs amis après qu’ils aient été accueillis au parlement européen.

Culture de la guerre civile, de la déstabilisation, et du chaos 

La préoccupation du général LECOINTRE sur la guerre civile et le chaos est partagée par les Africains si nous cherchons à identifier les causes et les acteurs. Nous réservons notre début de discussion aux terroristes du MNLA. Ce sont les mêmes touaregs-alliés avec d’autres groupes terroristes ayant servi dans l’armée du colonel Muhammar Kadhafi à travers leur chargé à l’information et à la communication qui affirme que « des officiels français leur ont conseillé de retourner au Mali et qu’ils vont les aider à obtenir l’indépendance sur la zone appelée Azawad ». Après qu’ils aient déclenché la guerre, créé le chaos et déstabilisé les institutions maliennes, la France n’était pas loin (de réussir son coup), puisque Serval était déjà déployé sur le terrain. Et, d’ailleurs, très récemment, une lettre des autorités maliennes demeure encore suspendue au niveau du Conseil de Sécurité de l’ONU sur des actions de l’armée française au Mali. Le général LECOINTRE peut-il nous rassurer sur ces accusations ? Ailleurs en Afrique, nous pouvons citer des exemples de guerres civiles sanglantes, avec l’ingérence française. Un premier cas est l’appui accordé à la sécession du Biafra conduite par le colonel Odumegwu Emeka Ojukwu, au Nigéria, du 6 juillet 1967 au 15 janvier 1970. D’après nos recherches, « Les anciennes puissances coloniales que sont le Royaume-Uni et la France sont les protagonistes extérieurs de ce conflit qui suit de près la décolonisation et voit des nouvelles zones d’influence se dessiner. En revanche, officieusement, Paris penchait pour le Biafra de Ojukwu car, selon son conseiller Afrique, Jacques Foccart, le général De Gaulle souhaitait le « morcellement » du pays afin d’affaiblir la zone d’influence britannique. Dès le début des hostilités, De Gaulle, indique à son émissaire Jacques Foccart qu’il souhaite affaiblir le « géant nigérian ». Foccart écrit trente ans plus tard : « De mon point de vue, le Nigéria était un pays démesuré par rapport à ceux que nous connaissions bien et qui faisait planer sur ceux-ci une ombre inquiétante ». Selon Foccart, De Gaulle lui donne carte blanche pour qu’il « aide la Côte-d’Ivoire à soutenir le Biafra ». L’État français finançait l’opération. De Gaulle appuyait Foccart dans cette opération contre l’avis de son Premier ministre, Maurice Couve de Murville, « littéralement horrifié » et contre celui des diplomates qui « n’apprécient pas ce qui leur apparaît comme une politique aventureuse décidée en dehors d’eux », note Foccart. Avec le témoignage de Foccart, la France fut un des acteurs du chaos et de la guerre civile au Biafra. Un autre conflit en Afrique qui a impliqué la France est la guerre d’Algérie. « La guerre d’Algérie s’inscrivait dans le mouvement de décolonisation qui affecta les empires coloniaux occidentaux après la Seconde Guerre mondiale. Au début du XXème siècle, plusieurs dirigeants algériens exigeaient de la France le droit à l’égalité ou à l’indépendance. Plus de trente attentats ont lieu, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, en différents points du territoire algérien. Les Algériens étaient soumis à l’application d’un Code de l’indigénat et une discrimination ethno-raciale. La présence coloniale était synonyme pour les autochtones algériens musulmans d’un vol et d’une spoliation de leurs biens fonciers. La conquête d’Alger a impliqué la destruction d’un patrimoine millénaire ayant eu un impact sur l’héritage culturel algérien. Le 7 janvier 1957, les paras français entrent dans Alger, c’est le début de la bataille d’Alger. Chaque régiment s’attribuait le contrôle d’un quartier, sous l’autorité du général parachutiste Jacques Massu qui avait reçu tous les pouvoirs de police sur l’ensemble de l’agglomération algéroise. Alors que des dizaines de milliers d’habitants de l’Algérie française, estimés à 68 000 combattants, ont participé à la libération de la France et que plusieurs intellectuels revendiquaient l’égalité des droits, les habitants musulmans de l’Algérie française étaient considérés à l’époque comme des citoyens de second ordre, alors que même le régime de l’indigénat avait été abrogé en théorie (1945). Pour comprendre le rôle joué par la France dans la guerre civile en Algérie, d’après les archives consultées, un rapport de l’ONU, du contrôleur général aux armées Christian de Saint-Salvy, indique qu’on dénombrait en Algérie 263 000 musulmans engagés du côté français, le 19 mars 1962. A la suite d’un incident survenu après une manifestation d’Algériens le 8 mai 1945, la répression de l’Armée française à été brutale. Le général Charles de Gaulle, chef de l’État français, engagea une lutte contre les éléments de l’Armée de Libération nationale algérienne et il apporta les réformes tant attendues pour donner tous les droits aux Algériens. L’Armée française élimina presque tous les réseaux de l’Armée de libération nationale en Kabylie et dans quelques régions sensibles dans les opérations jumelles. Les colonels Amirouche Aït Hamouda et Si el Haouès sont tués lors d’un accrochage avec les éléments de l’Armée française. Le FLN appelle les éléments de son armée à tenir jusqu’au bout. Le début de l’année 1960 était marqué par la semaine des barricades à Alger. La même année, l’ONU annonça le droit à l’autodétermination du peuple algérien. Nombre d’exactions, de crimes, de violences sexuelles et d’exactions  commises par l’armée coloniale française durant la guerre d’Indépendance algérienne tombent, selon la convention de Genève, sous la dénomination de crimes de guerre. Le recours à une large échelle entre 1956 et 1961 à un gaz toxique, le CN2D, contenant de la diphénylaminechlorasine (DM), est révélé en avril 2022 grâce à une enquête de la journaliste Claire Billet parue dans la revue XXIe, fondée sur des témoignages d’anciens militaires français. « Pendant cette guerre, la France a utilisé du napalm, miné massivement le territoire (champs de mines), dressé des barrages à 20 000 volts aux frontières et parqué des populations entières dans des camps de regroupements. Un quart des huit millions d’Algériens ont dû partir de chez eux, c’est colossal », explique Sylvie Thénault. « Jusqu’au bout, la logique de cette guerre aura été celle de la terreur. »

Nous vous présentons ce second exemple de chaos et de guerre civile en Afrique du Nord où la France a été un des acteurs clés. Nous allons examiner un troisième exemple qui est survenu au Cameroun, dont la méthode utilisée est inconciliable avec des principes démocratiques, en plus de l’utilisation de la force répressive. Dans les années 1950 et 1960, l’armée française a combattu au Cameroun les membres de l’UPC, un parti d’opposition. Une guerre qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, selon les historiens. France 24 a interviewé un témoin capital en la personne de Max Bardet, ancien soldat français, envoyé au Cameroun entre 1962 et 1964. L’ancien militaire, qui vit aujourd’hui dans un petit village du sud de la France, était pilote d’hélicoptère. Il a assisté à plusieurs massacres commis par le régime camerounais, fortement soutenu, armé et financé par la France. « L’armée camerounaise ciblait les villages sous prétexte qu’ils étaient acquis à l’UPC, un parti qui s’opposait au président Ahmadou Ahidjo. Pour l’UPC, l’indépendance acquise en 1960 était factice et Ahidjo était aux ordres de la France », raconte Max Bardet, qui évoque pour la première fois, face à la caméra, les atrocités qu’il a vues. Les propos de Max Bardet soulèvent une préoccupation majeure : comment la France a pu se rendre complice d’une violence contre les droits reconnus aux organisations politiques, notamment l’UPC, dont les droits sont garantis et protégés par des conventions internationales ? Comment expliquer l’implication de la France dans cette guerre civile et pour quel objectif ? D’après cet officier témoin : « Ils devaient achever les hommes. Mais les femmes, non, ils les laissaient mourir comme ça : elles avaient pris de la kalach et, en plus, ils leur coupaient les seins et ils les éventraient, révèle-t-il ». Ce sont les auteurs du livre intitulé « La guerre du Cameroun, l’invention de la Françafrique (1948-1971) », Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsits, éditions ‘’La Découverte’’, paru récemment, qui ont retrouvé la trace de ce témoin capital.

En conclusion, « la menace dans les relations franco-africaines, ce n’est pas tant la guerre elle-même, mais l’esprit de faire valoir une force supérieure invincible et la capacité pour certains politiciens français de l’oligarchie de se réarmer moralement par la foi, pour cultiver les valeurs de paix ». Vous avez maintenant l’illustration des causes et l’origine des guerres civiles en Afrique et du chaos qui en découle. Tous les malheurs et tragédies subis par les Africains consacrent la rupture définitive avec une expérience amère et douloureuse de partenariat vassalisant.

Préparé par Boubacar TOURÉ, Juriste à Montréal Canada)

 

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_noir

https://www.bing.com/search?FORM=SLYEPK&PC=YE22&q=d%C3%A9claration+des+droits+de+l%27homme+et+du+citoyen

https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_noir#Contenu_de_l’ordonnance_de_mars_1685_(renomm%C3%A9e_code_noir_dans_l’%C3%A9dition_de_1718)

https://www.cairn.info/

https://www.bing.com/search?FORM=SLYEPK&PC=YE22&q=guerre+du+biafra+droit+d%27ing%C3%A9rence

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Biafra

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d%27Alg%C3%A9rie#Contexte

https://www.france24.com/fr/20161013-guerre-cameroun-upc-role-france-massacre-francafrique-1960

https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Thiaroye

Source : Le National
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