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Analyse. Sommet de l’UA : les dessous d’une exclusion qui fait débat

Le 38 ᵉ sommet annuel de l’Union africaine s’est tenu ce week-end du 15 au 16 février 2025, à Addis-Abeba, en Éthiopie. La succession à la tête de l’organisation, ainsi que les autres débats sur l’avenir du continent, ont eu lieu en l’absence des pays de la Confédération des États du Sahel (AES).

Le Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf, 59 ans, a été élu, samedi 15 février, à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA) avec 33 voix sur 49 pays votants. Ancien ministre des Affaires étrangères de son pays pendant vingt ans, le diplomate s’est imposé face à l’opposant kényan Raila Odinga. Il succède ainsi au Tchadien Moussa Faki Mahamat, qui vient de boucler son second mandat à la présidence de l’organisation africaine.

« Un moment de fierté pour Djibouti et l’Afrique. J’adresse ma sincère gratitude aux chefs d’État pour leur confiance et leur soutien. Son leadership servira l’Afrique avec dévouement et vision », a réagi le président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh sur le réseau social X.

Départ de la CEDEAO et naissance de l’AES.

Cependant, à ce grand rendez-vous avec l’histoire du continent, le Mali, le Burkina Faso et le Niger (formant depuis le 6 juillet 2024 la Confédération des États du Sahel), sont les grands absents. Cette non-représentation de l’AES à ce sommet des chefs d’État de l’UA donne l’impression d’une volonté des leaders de l’organisation africaine de mettre en exécution les consignes de leurs « maîtres occidentaux » qui souhaitent, dans les faits, voir les pays de l’AES isolés.

Cette absence pourrait également être interprétée comme l’expression d’une solidarité de l’Union africaine avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de laquelle les pays de l’AES se sont retirés depuis le 29 janvier 2025. Toutefois, des négociations devraient se poursuivre jusqu’en juillet prochain pour les convaincre d’y rester.

Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont pris la décision souveraine de quitter la CEDEAO après les sanctions « illégales, illégitimes et inhumaines » qui leur ont été imposées à la suite des changements de régime intervenus en leur sein. Mais cette décision a également été motivée par les menaces d’intervention militaire brandies par la CEDEAO contre le Niger après le renversement du président Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023.

En janvier 2025, devant les Forces vives de la nation venues lui présenter leurs vœux de nouvel an, le président malien de la transition, le général d’armée Assimi Goïta, a comparé la CEDEAO aux groupes terroristes dans leur manière d’agir. Pour les populations de l’AES, cette organisation ne défendrait que les intérêts de ses dirigeants et non ceux de leurs peuples.

Toutes ces frustrations ont conduit à la création de l’Alliance des États du Sahel en septembre 2023, avant que ne soit proclamée, lors de leur premier sommet, la Confédération des États du Sahel en juillet 2024.

Une absence qui interroge la cohésion de l’UA

L’absence de l’AES à ce sommet pourrait donc paraître incompréhensible et susceptible de compromettre la politique d’unité et de cohésion de l’organisation africaine, qui se veut une institution pour tous les États africains, sans exclusion.

Dans un entretien avec la chaîne Télé Sahel, samedi 8 février, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakary Yaou Sangaré, a dénoncé l’isolement imposé à son pays. Il a aussi mis en avant des « manœuvres hostiles » qui, selon lui, ont visé le Niger, notamment lors d’un sommet de l’Union africaine à Brazzaville. Il a expliqué que la délégation nigérienne avait été exclue sous la pression de Moussa Faki Mahamat, président sortant de la Commission de l’UA.

Le diplomate nigérien a également indiqué que c’est la raison pour laquelle le Niger et ses alliés de l’AES ont décidé de ne plus participer à certains forums internationaux où leur présence est ignorée ou non respectée. « Nous avons interdit que l’on parle de nous en notre absence. », a-t-il précisé.

Nécessité de réformes profondes de l’UA

L’article 30 de l’Acte constitutif de l’Union africaine stipule clairement : « Les gouvernements qui accèdent au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels ne sont pas admis à participer aux activités de l’Union. »

Ainsi, cette non-représentation de l’AES au 38e sommet de l’UA n’est qu’une suspension provisoire en attendant le retour de ces pays à un « ordre constitutionnel ».

Faut-il pour autant blâmer les pays de l’AES ? Cette question se pose d’autant plus que, lors de ce sommet, d’autres tensions ont éclaté. Selon certaines sources, une partie de la délégation de la RDC a été empêchée d’accéder au sommet par les services de sécurité éthiopiens, le 15 février au matin. L’ambassadeur de la RDC en Éthiopie, représentant permanent auprès de l’UA, Jean-Léon Ngandu Ilunga, faisait partie des personnes bloquées.

D’après la délégation congolaise, entre cinquante et soixante personnes auraient été concernées.

Une organisation dont la vocation est de « promouvoir l’unité, la solidarité, la cohésion et la coopération entre les peuples d’Afrique, et entre les États africains » devrait-elle prendre des décisions majeures en l’absence de certains de ses membres ?

Même si ses principes fondent ces suspensions, cette situation plaide pour une réforme profonde de l’organisation sous la nouvelle administration.

Un président face à d’importants défis

Bien que l’UA soit opposée aux « changements anticonstitutionnels de gouvernement », le nouveau président de la Commission aura du pain sur la planche s’il souhaite atteindre les objectifs d’unité et d’intégration.

Mahamoud Ali Youssouf devra travailler avec tous les États membres, sans aucune autre considération politique, afin de restaurer la confiance et préserver la cohésion de l’organisation. Il devra également éviter les erreurs de Bola Tinubu, président en exercice de la CEDEAO, sous la présidence duquel l’organisation sous-régionale a perdu trois membres fondateurs.

Travailler à la participation de l’AES

Le nouveau président de l’UA devra donc rapidement rétablir le dialogue avec les pays de l’AES afin de mieux comprendre leur vision et leurs orientations. Celles-ci, rappelons-le, ne diffèrent pas fondamentalement de celles de l’Union africaine, qui prône « une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale ».

Ces démarches pourraient se concrétiser par l’invitation des dirigeants de l’AES aux prochains événements majeurs de l’organisation.

Toute position radicale à leur égard risquerait d’accentuer la fracture et d’encourager ces États à prendre davantage de distance avec l’UA, comme cela a été le cas avec d’autres organisations et États.

Les États de l’AES sont attachés à leur souveraineté et à des principes d’égalité et de non-ingérence dans leurs affaires intérieures. Ces principes se retrouvent dans les trois piliers de l’action publique au Mali, qui préside actuellement l’AES : le respect de la souveraineté nationale, le respect des choix stratégiques et du choix des partenariats opérés par le Mali, la défense des intérêts vitaux du peuple malien dans les décisions prises.

Un chantier continental à relancer

Au-delà de la question de l’AES, le nouveau président de la Commission devra également s’attaquer à d’autres défis majeurs qui continuent d’alimenter les tensions et de fragiliser la stabilité du continent africain.

Parmi ces défis, la situation en République démocratique du Congo (RDC) demeure préoccupante. Le pays reste en proie à des violences persistantes, notamment dans sa partie orientale, où des groupes armés sèment l’insécurité et compromettent les efforts de développement.

Le conflit interne au Cameroun constitue également une problématique cruciale. Les tensions dans les régions anglophones nécessitent une médiation efficace et des solutions durables pour éviter une escalade de la violence.

La crise persistante en Libye reste un autre point d’attention. Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, le pays peine à retrouver la stabilité et à instaurer un gouvernement d’unité nationale. Les rivalités entre factions continuent d’entraver la reconstruction et d’alimenter les trafics transfrontaliers.

Le succès de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) représente un enjeu majeur pour l’intégration économique du continent. La mise en œuvre effective de ce projet nécessite une harmonisation des politiques commerciales, des infrastructures adaptées et une coopération renforcée entre les États membres.

Sans une réforme institutionnelle d’envergure et un dialogue inclusif, l’UA pourrait perdre en crédibilité et s’exposer à un risque de fragmentation. Le défi est de taille, mais il reste à la portée d’une organisation unie et déterminée à bâtir un avenir commun pour l’Afrique.

Chiencoro Diarra

Source : Sahel Tribune
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