La salle de conférence du Mémorial Modibo Kéita a abrité le samedi 16 février une conférence-débat sur «le défi migratoire et le franc CFA». Organisée par le Forum pour un autre Mali et placée sous l’égide d’Aminata Dramane Traoré, la présente cérémonie entre dans le cadre de l’édition spéciale des «Migrances».
L’Afrique fait face, depuis près de deux décennies, à une véritable saignée humaine sans qu’une position collective concertée et partagée vienne changer, un tant soit peu, le cours désastreux des évènements. C’est pourquoi, des intellectuels, artistes, acteurs des sociétés civiles africaines ont décidé d’assumer pleinement leur part de responsabilité dans la défense des droits humains et la dignité des migrants.
Selon les initiateurs, les instrumentalisations politiciennes du lien entre cette tragédie et le FCFA n’augurent en rien de lendemains meilleurs pour l’Afrique et les Africains. La gravité de la situation impose l’organisation d’un débat d’idées rigoureux en vue de mobiliser les opinions publiques et des forces sociales.
La présidente du Forum pour Un Autre Mali, Aminata Dramane Traoré, a axé son intervention sur le modèle de développement imposé en Afrique, qu’elle juge inhumain. «Le problème ce n’est ni l’Afrique ni les migrants mais ce modèle économique, injuste, prédateur incapable de répondre à la petite demande des gens qui ne désirent que de travailler décemment chez eux», analyse l’ancienne ministre de la culture. La faiblesse de nos démocraties, affirme-t-elle, est liée à un déficit de connaissances sur les enjeux économiques et géopolitiques.
Selon Aminata Dramane Traoré, la question migratoire est un déni de démocratie et le fait d’interdire le débat constitue une aberration. Elle a le sentiment que les peuples n’ont pas été à un moment donné capables de comprendre les enjeux de la démocratie. Leur soutien, a-t-elle dit, a manqué aux dirigeants africains. Désormais, martèle-t-elle, il ne doit plus exister de question taboue.
Pour sa part, le Camerounais Martial Ze Belinga estime qu’il faut déconstruire certaines idées reçues. C’est-à-dire sortir de l’idéologie actuelle qui fait de la migration africaine un envahissement et un déferlement sur l’Europe. La migration africaine, analyse-t-il, ne peut pas être une menace pour l’Europe d’autant qu’elle ne représente que 3%. La nature de la migration africaine en Europe trouve son explication dans les relations entre le continent et l’Europe.
Dans le même registre, il a préconisé trois solutions : la décolonisation des esprits, des images et des idées ; résoudre les problèmes de gouvernance ; et enfin prendre en compte l’histoire des cinquante dernières années. La question migratoire est l’échec du modèle de développement bâti entre l’Afrique et l’Europe. «Les dirigeants africains n’ont pas de vision pour résoudre la question migratoire», glisse Demba Moussa Dembélé.
Abdrahamane SISSOKO
Source : Le Wagadu