59,4%. C’est le taux d’alphabétisation au Mali des personnes de 15 ans et plus, selon des données 2021 de l’Institut national de la statistique (INSTAT). Longtemps après avoir abandonné les bancs de l’école, ou sans les avoir jamais fréquentés, des adultes reprennent le chemin des études. À l’occasion de la Journée internationale de l’alphabétisation, célébrée ce jeudi 8 septembre, focus sur ces apprenants, qui, après moult regrets, réapprennent à lire et à écrire.
« Il n’y a pas d’âge pour apprendre ». C’est le leitmotiv d’Ousmane Traoré, 33 ans. Ce commerçant, qui a trois boutiques, a abandonné l’école classique depuis la 3ème année fondamentale, mais cela ne l’a pas empêché de réussir sa vie. « Outre mes boutiques, j’ai pu construire une maison et je circule dans ma propre voiture. Comme on le dit, j’ai réalisé le rêve de beaucoup de jeunes d’aujourd’hui », se félicite le commerçant, marié et père de deux enfants. Pour autant, malgré cette réussite sans instruction scolaire, le trentenaire avoue « regretter » d’avoir abandonné ses études. « Avec l’évolution de mon business, mon incapacité à lire et à écrire me pénalise fortement. J’aurais pu économiser ce que je paye à des personnes pour écrire mes commandes », se désole-t-il. Pour combler cette « incapacité », Ousmane prend des cours d’alphabétisation à domicile les mercredis et jeudis soirs, ainsi que le week-end. Tout comme lui, le marchand import-export Gantigui Fané dit prendre des cours d’alphabétisation pour adultes pour mieux se vendre au monde. « En tant que commerçant, je vais à Dubaï, en Chine… J’ai du mal à communiquer avec mes clients de ces pays, qui ne comprennent pas le bamanankan mais maîtrisent d’autres langues. En plus, de par mon métier, il me faut savoir écrire en français, ne serait-ce que pour remplir des reçus. C’est en raison de tout cela que j’ai décidé de prendre ces cours », se justifie-t-il. L’apprentissage, qui dure depuis plus de six ans à l’École fondamentale du quartier de Faladié, a été bénéfique pour l’homme d’affaires de 42 ans. « Grâce à ces études, de nos jours je me débrouille assez bien dans l’écriture du français et surtout je comprends mieux la langue, même si j’ai encore beaucoup de difficultés à la parler », témoigne-t-il.
Incapable
Selon l’UNESCO, une personne est considérée comme analphabète lorsqu’elle est incapable de lire et d’écrire. C’est aussi « toute personne qui ne sait lire que des chiffres, son nom ou une expression courante apprise par cœur ». Au Mali, 59,4% des personnes de 15 ans et plus savent « lire et écrire dans une langue quelconque », d’après la dernière Enquête modulaire et permanente auprès des ménages (EMOP) de l’Institut national de la statistique (INSAT), publiée en 2021. Une analyse du rapport basée sur le sexe montre que les hommes sont plus alphabétisés que les femmes, avec respectivement 39,3% et 20,1%. « Le milieu urbain affiche un taux assez élevé, de l’ordre de 54,7%, comparé à 22,1% pour le rural », note-t-on dans le document, selon lequel dans toutes les régions, à l’exception de Kidal et de Ségou, les pauvres sont les moins alphabétisés.
« Ce sont des gens qui ont regretté de n’avoir pas été à l’école ou de l’avoir abandonnée très vite. Maintenant, ils ont compris l’importance de l’alphabétisation. C’est pourquoi ils cherchent à s’instruire », explique Yacouba Kouyaté, enseignant au Collège fondamental Boubacar Diarra de Sébenicoro, qui donne depuis 13 ans des cours d’alphabétisation à des adultes. Selon lui, la majeure partie de ces apprenants sont des non instruits qui ont réussi dans leur activité professionnelle « et cherchent par conséquence à se former pour pouvoir gérer au mieux leurs affaires sur tous les plans ». Malgré les bienfaits de cet apprentissage, au Mali la tendance des adultes apprenants diminue et cela provoque la fermeture de beaucoup de centres de formation. Comme ce fut le cas à l’École publique A du quartier de Lafiabougou. « Les gens veulent s’instruire mais n’ont pas le courage de continuer. Du coup, après une à deux semaines, beaucoup abandonnent », déplore-t-il.
Source : Journal du Mali