L’armée malienne a proprement parachevé l’insurrection populaire en procédant sans bavure à l’arrestation du président de la République et des hommes clés de son régime. Les Maliens eux-mêmes, et le monde entier avec eux, ont été surpris de découvrir que la Grande Muette nationale regorge d’hommes en treillis d’une telle efficacité et d’un tel haut degré de patriotisme.
Mais la Cedeao, qui a le malheur d’avoir à sa tête le grand putschiste Mahamadou Issoufou et comme éminence grise Alassane Dramane Ouattara, a cru devoir se saisir de l’action salvatrice des militaires maliens pour déclencher un coup d’État contre le peuple du Mali. Mais le coup de Jarnac, mal pensé et inapproprié, n’a pas eu l’aval d’autres présidents plutôt attentifs aux souffrances des citoyens, c’est-à-dire la nation meurtrie du Mali. Macky Sall, flegmatique et fin comme un sahélien vrai, a exclu de l’embargo de la cedeao les produits alimentaires, pharmaceutiques et d’hydrocarbures.
Quant à Emballo Oumarou de la Guinée-Bissau, il a carrément émis son veto en faisant prévaloir que si l’on devait agresser le Mali, il faut en même temps lever des troupes pour aller clouer au pilori tous les candidats à un troisième mandat dont la quête est une autre forme de coup d’État; il sous-entendait les deux plus présidents les plus âgés de l’organisation sous-régionale, en l’occurrence Alassane Dramane Ouattara de Côte d’Ivoire et Alpha Condé de la Guinée-Conakry, les deux crocodiles dans la mare Cedeao. Christian Roch Kaboré du pays des hommes intègres a eu, pour sa part, un langage sans fioritures : “Il est illusoire, voire utopique, de penser qu’il est possible de rétablir IBK au pouvoir. Diplomatiquement, c’est infaisable. Militairement, c’est aventureux et politiquement, ce serait une agression contre la souveraineté du peuple malien. Plutôt que de faire pleuvoir les sanctions sur le Mali, il faut aider le peuple malien à s’inscrire dans un schéma de sortie de crise pour le rétablissement rapide des institutions, dans l’intérêt de ce pays et de la sous-région”. Mais si Ibrahim Boubacar Keïta en personne, si les propos qu’on lui prête sont avérés, qui aura été le principal dénonciateur du complot de certains de ses pairs : “Je renonce à mes fonctions. Que nul ne fasse violence sur le peuple malien afin de satisfaire des ambitions autres que les actes posés par mes soins. Je ne retournerai pas aux affaires, même pas pour une seconde. Toutefois, je vous suis reconnaissant, je vous remercie”.
Ces propos sont bien dans la forme de la syntaxe qu’IBK aime bien et ils semblent bien s’adresser principalement aux velléitaires Alassane Dramane Ouattara et Mahamadou Issoufou. Somme toute, la dernière délégation de la Cedeao conduite par Goodluck Jonathan et qui est arrivée à Bamako après les évènements du 18 août et la deuxième visioconférence des chefs d’État de la Cedeao tenue deux jours après, le 20 août, a soigneusement évité de mettre en avant la rhétorique et la menace militaires. Il n’a pas été question d’actionner la force en attente de la Cedeao.
Au contraire, Goodluck Jonathan et ses accompagnateurs ont été fair-play d’admettre au fond qu’il ne s’est pas agi d’un coup d’État au sens strict, aucune institution de la République n’ayant été suspendue à la suite de la mise à la touche d’IBK qui fut certes contraint de dissoudre lui-même l’Assemblée nationale, ce qu’il n’avait jamais accepté de faire malgré les demandes répétées de la Cedeao, de la communauté internationale, de la société civile nationale et par toutes les personnes de bonne foi au Mali et à ailleurs.
La Cedeao, il faut l’admettre, est dans son rôle de demander la libération d’Ibrahim Boubacar Keïta et des personnalités de son régime arrêtées. À elle comme à la France, il faut concéder ses réclamations de principe. Mais l’affaire est malienne, une question nationale, donc de souveraineté. Ce qui s’est passé au Mali n’est pas, de surcroît, une première dans la sous-région, loin s’en faut. Si l’on pousse loin la réflexion, Mahamadou Issoufou passera pour un putschiste pour avoir tant acculé à la démission le président nigérien, Mahamane Ousmane, que le pauvre président, le premier démocratiquement élu dans son pays, a fini par être balayé par un coup d’État. Alassane Dramane Ouattara a été indéniablement le principal financier de la sanglante rébellion ivoirienne et, qui plus est, il a été celui qui a soutenu devant le monde entier le coup d’État que le général Guéi Robert a perpétré contre le président Henri Konan Bédié. Qu’à rien de cela ne tienne, l’insurrection populaire a chassé Blaise Compaoré au Burkina Faso et ce dernier a trouvé refuge en Côte d’Ivoire, près de Alassane Dramane Ouattara; la Cedeao n’a décrété aucun embargo sur le Faso.
Et c’est à la même Cedeao que le président Amadou Toumani Touré, défait par un coup de force, a remis sa démission.
La Cedeao des chefs d’État se trompe donc de combat et d’adversaire dans le cas du Mali. Si Alasane Dramane Ouattara, Mahamadou Issoufou et Alpha Condé pensent qu’en faisant des Maliens leur mouton sacrificiel ils se mettront à l’abri de la bourrasque qui les guette, ils ont tout faux. Vent d’est, printemps arabe ou aube nouvelle africaine, désormais l’incurie au pouvoir et les comportements infâmes et indignes se paieront cash. Comme IBK aime à mentionner Allah, alors qu’Allah retourne contre tous les fantoches de présidents, sans dignité, leur volonté de mettre le peuple digne du Mali à genoux. Où étaient-ils, ces coalisés, quand IBK, ses enfants, ses proches et des généraux apatrides dépeçaient le Mali comme un vulgaire gigot ? ADO et Alpha Condé ont la mémoire courte.
Le peuple malien a défendu en son temps l’intégrité et les droits de ces deux individus face à des régimes qui les connaissaient décidément mieux que nous. Mais l’histoire jugera. Qu’on se le tienne pour dit, le Mali demeurera envers et contre tout. En totale rupture avec l’histoire, ces deux-là ne l’emporteront pas en enfer. De par la justice immanente, leurs comptes seront aussi bientôt réglés par leurs peuples dans peu de temps.
Amadou N’Fa Diallo
Le Prétoire