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Afrique – Japon : à Tunis, une TICAD entre promesses et absences remarquées

Organisée à Tunis, la 8e Conférence internationale de Tokyo pour le développement en Afrique a acté de nouveaux engagements politiques et économiques. Revue de détail.

 

La 8e Conférence internationale de Tokyo pour le développement en Afrique (TICAD 8), organisé par le Japon avec les Nations unies, la Banque mondiale et l’Union africaine, les 27 et 28 août, à Tunis, a marqué la consolidation du partenariat Japon-Afrique lancé en 1993. Cette session, qui se tient pratiquement à la veille du 30e anniversaire de la création de la conférence de Tokyo, a eu plus de retentissement que prévu. Peu de choses ont filtré sur les intervenants et le contenu de la session préparée en collaboration avec la Tunisie, second pays du continent, après le Kenya en 2016, à accueillir la rencontre afro-japonaise.

Sans Ouattara ni Bongo

En coulisses, certains se sont interrogés sur l’absence de certaines figures africaines, comme le président ivoirien, Alassane Ouattara, et celle de son homologue gabonais, Ali Bongo. « Le Gabon prépare le coup d’envoi de la semaine africaine du climat à Libreville », précise un membre de la délégation gabonaise présente, tandis qu’un ancien diplomate tunisien longtemps en poste à Tokyo explique que « les pays de l’Afrique de l’Est ont des relations plus anciennes avec l’Asie et l’habitude de travailler avec le Japon ». Dans tous les cas, la présence seulement en distanciel, pour cause de Covid, du Premier ministre japonais Fumio Kishida semble avoir influé sur la participation des chefs d’État.

Au final, un roi (Mswati II, du royaume d’Eswatini, ex-Swaziland), huit présidents (Sénégal, Comores, Gambie, Seychelles, Guinée-Bissau, Burundi, Centrafrique et Madagascar), 50 délégations et près de 5 000 participants ont échangé sur le devenir du continent et du monde. Une rencontre qui a pris en compte les effets de la pandémie et les répercussions de la guerre russo-ukrainienne. Des éléments qui, si cela était encore nécessaire, ont conduit à mettre l’humain au cœur de la déclaration finale et donné au développement la priorité dans les conclusions du forum économique.

Deux sièges permanents au Conseil de sécurité

La Ticad 8 s’inscrit dans la droite ligne de la précédente, à Yokohama (Japon) en 2019, qui s’était distinguée par l’adoption des objectifs de développement durable (ODD) tels qu’énoncés par les Nations unies. Avec pour objectif d’« instaurer des sociétés résilientes et durables, ainsi qu’une paix et une stabilité durables », la déclaration de la Ticad de Tunis s’articule autour de la réalisation de ces objectifs, ainsi que sur la transformation structurelle pour une croissance économique et un développement social durable. Une conclusion qui semble être à la fois un bilan d’étape dans « la mise en œuvre du Plan d’action de Yokohama 2019 » et un réajustement au regard des impondérables sanitaires et des conflits qui ont impacté le processus Ticad. C’est le sens donné au Plan d’action de Tunis issu de la Ticad 8, élaboré en conformité avec l’Agenda 2063 de l’UA et les ODD, et qui fera l’objet d’évaluations au Japon en 2025 à l’occasion de la Ticad 9.

L’essentiel du volet politique est une demande, formulée par l’ensemble des pays africains et appuyée par le Japon, qui réclame au nom du multilatéralisme et de la légitimité internationale, mais aussi pour réparer notamment « une erreur historique », une réforme du Conseil de sécurité de l’ONU afin qu’il accorde, en son sein, une place et un rôle majeur à l’Afrique. Soit deux sièges permanents et cinq non permanents.

Hôte de la conférence, le président tunisien, Kaïs Saïed a aussi plaidé pour « renforcer le mécanisme existant de récupération des avoirs volés » et « prévenir ces pratiques illégales, qui sapent les efforts de développement durable de l’Afrique, conformément au Programme d’action d’Addis-Abeba (PAAA) de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement. » Il a également exhorté les créanciers du G20 et du Club de Paris à adopter des pratiques de prêts « équitables et ouvertes ». Ces propos ont été entendus et intégrés aux objectifs communs de la Ticad.

L’essentiel de la conférence a néanmoins revêtu un caractère économique : en bilatéral, la Tunisie, où 22 entreprises japonaises emploient 15 000 personnes, a obtenu un prêt de 90 millions de dollars du Japon et consolidé ses relations avec le pays du Soleil levant, en soumettant à la Ticad 80 projets d’investissement privé d’une valeur de 2,7 milliards de dollars. Mais le jackpot est revenu à l’Afrique : le Japon accordera au continent une enveloppe de 30 milliards de dollars durant les trois prochaines années a annoncé, depuis Tokyo, Fumio Kishida.

Retrait du Maroc

Il s’agit notamment d’une ligne de crédit de 5 milliards de dollars en partenariat avec la BAD, ainsi qu’un don en appui à l’aide alimentaire et des financements pour l’agriculture, la transition énergétique et les infrastructures. Et le financement de projets structurants en coopération avec la Banque mondiale, selon Ferid Bel Haj, vice-président MENA de la Banque mondiale. De quoi répondre aux attentes de l’Afrique en matière d’investissement, de transfert de technologies et de formation tels que les a rappelés le président en exercice de l’UA, Macky Sall. Lequel, sur un plan plus politique, a déploré le départ du Maroc et mentionné la demande, exprimée par l’UA, de rejoindre le G20.

La Ticad 8 a donné la priorité à la paix comme condition sine qua non du développement. Mais il s’agit surtout de poursuivre les engagements de la Ticad 7, qui sont toujours d’actualité. La reprise des affrontements en Libye, qui ont contraint Mohamed el-Menfi, président du Conseil présidentiel libyen, à rejoindre d’urgence Tripoli, et dans une moindre mesure le départ de la délégation marocaine à la suite de l’accueil réservé par le président tunisien à Brahim Ghali, président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), ont rappelé la fragilité et la complexité d’un paysage politique africain en quête d’identités nationales mais aussi d’un avenir commun.

Source : Jeune Afrique
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