A 77 ans, Jacob Zuma serait-il trahi par sa mémoire ? Eloquent la veille pour dénoncer un prétendu “complot” ourdi contre lui, l’ex-président sud-africain s’est montré plus hésitant mardi face aux témoignages de ceux qui l’accusent de corruption.
M. Zuma comparaît depuis lundi devant une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les nombreux scandales qui ont éclaboussé son règne (2009-2018) à la tête du pays et l’ont contraint à la démission il y a un an et demi.
Mardi matin, il a été longuement interrogé sur le témoignage, devant la même commission en août, d’un ancien directeur des services de communication de son gouvernement, Themba Maseko.
Celui-ci assure avoir été congédié pour s’être opposé aux exigences de la sulfureuse fratrie Gupta, des hommes d’affaires dont l’ex-président est soupçonné d’avoir illégalement favorisé les intérêts privés. Il accuse aussi M. Zuma d’avoir fait pression sur lui pour appuyer les desiderata des Gupta.
Pressé de questions sur cet épisode, Jacob Zuma a répondu en avoir gardé peu de souvenirs. “Je ne me souviens pas des détails”, “je ne sais plus”, “je ne suis pas en mesure de répondre”, a-t-il répété.
L’ex-président s’est souvenu d’une seule chose. “Je n’ai pas donné (…) l’ordre” de remercier M. Maseko, a-t-il tranché. Des témoins assurent du contraire ? “Parfois certains utilisent le nom du président…”, a rétorqué Jacob Zuma.
A plusieurs reprises, ses avocats sont intervenus pour dénoncer le tour pris par l’interrogatoire de leur client.
“Si les Gupta ne sont pas là pour confirmer ce que M. Maseko a dit, il est injuste de demander au président de se rappeler ou d’interpréter le rôle qu’il a joué dans son départ”, a argué l’un d’eux, Thabani Masuku.
– “Aucun souvenir” –
La mémoire de Jacob Zuma a semblé aussi défaillante lorsqu’il a ensuite été questionné sur Vytjie Mentor.
Cet ex-députée du Congrès national africain (ANC) au pouvoir avait raconté à la commission que les Gupta lui avaient offert en 2010 un poste de ministre contre son soutien à un de leurs projets, lors d’une convocation à leur domicile de Johannesburg à laquelle s’est joint l’ancien chef de l’Etat.
Après avoir initialement nié la connaître, l’ancien président a finalement convenu mardi qu’il se souvenait de l’ex-élue. Mais il a assuré n’être jamais intervenu dans la discussion entre Mme Mentor et Ajay Gupta. “Je n’en ai aucun souvenir, aucun”.
“Très inquiétant de voir le témoignage d’un ancien président qui ne se souvient pas de grand chose de ses deux mandats”, a raillé mardi l’ONG anticorruption OUTA. “Qui était aux commandes ?”.
En préambule de son témoignage très attendu, l’ex-président avait farouchement démenti lundi toute activité “illégale” et crié à un “complot visant à (l’)assassiner”.
A la réouverture des débats mardi, il a affirmé avoir reçu de nouvelles menaces de mort.
“Mon assistante (…) a reçu un coup de fil (lundi soir) d’une personne qu’elle ne connaissait pas et qui lui a dit +Vous devez dire à Zuma que nous allons le tuer et que nous allons aussi tuer ses enfants+”, a affirmé Jacob Zuma.
“La commission doit savoir que ma vie, celle de mes enfants et celle de mes avocats sont menacées”, a-t-il ajouté.
Le témoignage de l’ex-président doit se poursuivre mercredi.
Une fois ses auditions terminées, la commission anticorruption, devant laquelle se succèdent ministres, fonctionnaires ou encore chefs d’entreprise, doit rendre ses conclusions qui pourront être transmises au parquet pour d’éventuelles poursuites.