Le 5 mars 2019, la Commission électorale nationale autonome (Céna) béninoise a invalidé les dossiers de candidature de l’ensemble des partis politiques de l’opposition. Une situation inédite qui découle de la réforme du système partisan et du code électoral voulue par Patrice Talon. Ainsi, pour la première fois depuis trente ans, aucun candidat de l’opposition ne sera autorisé à participer aux législatives ce 28 avril.
Ce qui est très inquiétant, c’est la levée de boucliers que la décision continue de susciter au sein de l’opinion publique et de la société civile. Lesquelles ont décidé de manifester régulièrement dans les rues de Cotonou et à l’intérieur pour réclamer des « élections inclusives ». Pourtant, le président Talon déclare ne pas vouloir d’élections sans aucun parti d’opposition, cela n’honorant pas le Bénin, de son propre aveu.
Le peuple béninois a déjà fait face à l’arrogance du pouvoir ! En 1989, vingt-neuf ans après l’indépendance du Bénin, le pays avait beaucoup de problèmes qui ont dégénéré en crise. L’agitation amplifiait à cause des retards de salaires. La répression du régime a atteint son point culminant. La population luttait contre la violence et l’intimidation continuelle et le président Kérékou s’est rendu compte de la nécessité d’une « ouverture » pour réformer son gouvernement.
Le 4 août 1989, les discussions ont commencé entre Kérékou, les syndicats, et les anciens exilés, mais le président était hostile à toute perspective de multipartisme, donc de changements véritables. Il finit cependant par accepter l’idée d’une Conférence nationale souveraine et aux conclusions de ses assises, dont l’instauration du multipartisme intégral et l’acceptation d’un Gouvernement de Transition dirigé par Nicéphore Soglo. Lui-même se résigna avec une fonction présidentielle honorifique.
La situation socio-politique actuelle clivant du pays ne laisse pas indifférent le Médiateur de la République. Lequel a pris le soin d’en appeler au sens de responsabilité et au sursaut patriotique des citoyens et des dirigeants béninois à divers niveaux. Convaincu que nul n’a le monopole de la vérité « chacun d’entre nous doit retenir son égo et rechercher l’harmonie dans un patriotisme exigeant et engageant » pour sortir de l’impasse actuelle, estime-t-il. Et d’inviter ses compatriotes à s’asseoir sous l’arbre à palabre pour discuter en toute sincérité et humilité afin de résoudre la crise dans l’intérêt supérieur du pays.
Du côté de Nicéphore Soglo, le salut face au pouvoir Talon, réside dans une union sacrée. Pour ce faire, l’ancien Chef de l‘Etat exige de ses collègues de l’opposition plus de sacrifices dans l’intérêt supérieur de la Nation. La situation est gravissime, aussi invite-t-il les forces de l’opposition à se mettre ensemble pour préserver les acquis démocratiques obtenus de hautes luttes. Sera-t-il écouté ?
A 72 heures de l’échéance du 28 avril, Patrice Talon saura-t-il raison garder en reportant sine die les législatives de sorte à les rendre inclusives si elles ont lieu? Ou préférera-t-il continuer en cavalier solitaire pour conduire les destinées politiques du pays en déployant au besoin les chars dans les rues des principales villes du pays?
Très décidées, l’opposition et la société civile ont d’ores et déjà donné le ton à travers des manifestations. Le Bénin court indubitablement vers une crise profonde. Talon se souvient-il que Kérékou, un militaire de surcroît, a été contraint de se plier aux exigences du peuple ?
Gaoussou M. Traoré
Source: Le Challenger