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Affaire Tapo et Bathily: ‘’la plainte a péché par la forme’’

Chers amis, de par les responsabilités assumées et, mes années de Barreau, je crois pouvoir humblement revendiquer une posture de sage par rapport aux affaires de la Cité en général et, en particulier celles relatives à la famille judiciaire. Oui, j’ai bien utilisé le mot famille et cela n’est guère fortuit.

En effet, depuis quelques jours, la Cité charrie avec insistance la rumeur d’une plainte commune des 2 syndicats de la magistrature contre 2 autres professionnels du droit. Ces 2 professionnels du droit qui sont tous Avocats ont également en commun d’avoir été Gardes des Sceaux et Ministres de la Justice. Et l’un d’entre eux a même été Bâtonnier de l’Ordre des Avocats.
Cela n’aurait jamais dû arriver tant les deux professions sont régies par des textes clairs. Textes qui ont justement prévu les modes de Saisine et de règlement des incidents qui peuvent émailler les relations dans l’exercice desdits métiers.
Il faut dire qu’en la matière ladite plainte a péché par la forme. Oui, au niveau des 2 syndicats, l’émotion l’a emporté sur la raison en ignorant superbement de saisir le BARREAU comme les textes le prévoient, à travers le Procureur général près la Cour d’appel de Bamako.
Faudrait-il donc comprendre aussi, à travers cette plainte et les différentes mises garde passées, que lesdits syndicats par esprit corporatiste veulent empêcher toute critique contre leur immaculée profession ? D’ailleurs, est-elle si immaculée que l’on veuille le faire croire ? Du reste, existe-t-il en le monde une telle profession ?
Certes, en toutes les professions, il y a des vertueux et des brebis galeuses, des compétents comme des incompétents. Voilà pourquoi, aucune profession ne saurait échapper à la critique. Créature de Dieu, donc imparfait, l’homme pour faire court ne saurait être à tout propos au-dessus de tout reproche. Ainsi, les membres desdits syndicats devraient comprendre que leurs membres, assumant des missions de service public, ne sauraient être au-dessus des reproches et des critiques, tant de l’opinion publique que des professionnels du droit.
Quoi de plus normal qu’un Avocat investi dans une procédure fasse connaître son ressenti ? Cela a régulièrement lieu ailleurs après jugement de chaque grande affaire. Au lieu d’en prendre systématiquement ombrage, l’on devrait en prendre de la graine pour améliorer l’offre de service de la justice au public.
Chers magistrats, dirigeants desdits syndicats, chers frères, cette plainte ne vous honore pas, ne nous honore pas, nous membres de la famille judiciaire. Car le linge sale se lave bien en famille et non sur la place publique. En respectant nos Institutions, nous nous respectons tout simplement. Je reste sur le respect des principes comme vous le constatez, à l’exclusion des considérations de fond que cela ne manquera pas de soulever à bon droit.
Chers frères, le peuple malien a consenti un lourd sacrifice pour l’avènement de la démocratie et de ses corollaires dans notre pays. J’ai personnellement marché en 1990 avec Amidou DIABATE à l’époque magistrat et responsable du syndicat de la magistrature, pour protester contre les abus du régime de Moussa TRAORE contre les magistrats. J’ai participé à un sit-in en face du ministère de la Justice, occupé à l’époque par le Pandore Sambou SOUMARE.
Chers frères, je n’ai pas participé à cette lutte pour affranchir la magistrature de la dictature de Moussa TRAORE pour retomber aujourd’hui sous celle de votre profession fût-elle d’élite.
Certes, je n’ai pas soutenu et défendu gratuitement à la demande de l’Ordre, les magistrats injustement incriminés par Moussa TRAORE à Koulikoro et ailleurs pour accepter que vous transformiez votre belle profession en un fort inexpugnable, en une espèce de Fort Alamo.
Chers frères et sœurs, restez humains. Autant d’orgueil ne sied qu’à Dieu seul.
Du reste, même lui, n’échappe pas à nos vaines critiques, nous pauvres mortels ingrats à son encontre. Combien de fois, trouvant raisons en nos incartades, pouvait-il dire à Bilali d’empoigner sa mythique corne, Bilali ka bourou kô ni? Et pourtant nous sommes encore là à profiter de ses bienfaits.
Chers frères, souffrez que l’on puisse vous critiquer ainsi que votre profession qui est un des piliers de l’État de droit. Souffrez que les Maliens qui vous paient puissent vous critiquer et même vous harceler pour davantage obtenir une bonne distribution de la justice.
Ce soir, je n’invoquerai ni Montesquieu, ni l’odieux empereur raciste Napoléon Bonaparte le nain, mais le glorieux Maximilien de Robespierre, célèbre Avocat et mythique acteur de la Révolution française de 1789. Il disait notamment: l’innocence ne peut et ne doit redouter la surveillance publique.
Alors attention à la procédure de trop, ko gnougou gnougou dé bi sé ka gnaga gnaga wili deh.
La profession ne gagnerait rien à se mettre à dos le Peuple malien déjà pas globalement satisfait de la distribution de sa justice.
Sachons donc raison garder.

Me Boubacar Karamoko Coulibaly.

Source : INFO-MATIN

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