Décidément, l’épisode de la chefferie traditionnelle du village de Kersigané, chef-lieu de la commune rurale de Konsinka, est loin d’être clos. En effet, suite aux incidents du 23 juin 2019 entre des partisans et des opposants au chef du village intronisé, quatre villageois ont été mis aux arrêts. Placés, dans un premier temps, en garde à vue à la Maison d’arrêt de Yélemané, puis transférés, en second lieu, depuis le 16 juillet 2019, nuitamment, à la prison centrale de Kayes, ces jeunes détenus attendent toujours d’être libérés. Malgré une accalmie relative dans la localité, les juges refusent de les relâcher, à défaut de les juger.
Il y a trois mois, ces jeunes influents de la ville ont été identifiés et arrêtés et placés sous mandat de dépôt, sur l’ordre du commandant de brigade de la gendarmerie de Kayes. Les jeunes Soumaïla CISSE, Tamba SIBY, Bakary Kantô DRAME et Lamine MAREGA ont été transférés nuitamment à la Maison d’arrêt de Kayes, comme de vulgaires criminels, nous a rapporté un villageois. Depuis leur transfert à Kayes, ces jeunes accusés de ‘’coups et blessures volontaires sur trois personnes’’ clament leur innocence. Malgré les cris de cœur de leurs parents, les manifestations des populations, notamment des jeunes et des femmes, la liberté pour ces jeunes devient une énigme. Les populations désemparées dénoncent la main invisible de l’honorable Mamadou Hawa GASSAMA et son maire URD.
« Un soutien de l’honorable Mamadou Hawa GASSAMA est derrière toute cette mascarade. En tout cas, nous n’allons pas nous laisser faire. Ces gens-là vont être obligés de respecter le droit de nos populations de gré ou de force. Car, c’est le peuple qui décide de son sort, pas des députés ou des maires », a clamé un jeune de la ville.
Rappelons que les femmes et les jeunes avaient déjà marché 50 km pour soutenir et demander la libération des détenus alors gardés à Yélemané. Malgré ces manifestations et les démarches des anciens, ces jeunes croupissent dans les geôles de la prison de Kayes, comme des vulgaires criminels. Pire, les experts de la justice trouvent le dossier des plaignants vide.
En effet, les plaignants reprochent à ces jeunes de les avoir violenté, le 23 juin dernier. Ainsi, les sieurs Sala MAGUIRAGA et Ibrahim Hinda SISSOKO, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, reprochent aux jeunes de Kersigané de les avoir renversés alors qu’ils étaient à moto, avant de les aspergés de gaz lacrymogène et de les bastonner.
Cependant, malgré ces coups et la fureur des populations, qui selon lui, les ont bastonné, M. MAGUIRAGA affirme n’avoir pas été blessé, ni lui, ni son compagnon.
« Dieu merci, nous n’avons pas été blessés. Nous n’avons même pas eu d’égratignures », avait confié M. MAGUIRAGA.
Le troisième plaignant, M. Kaka DIAWARA, ressortissant d’un village voisin, venu défier les populations en s’ajoutant aux opposants qui voulaient créer la zizanie dans la ville, a été blessé à la tête.
Dans une vidéo sur les événements, on peut voir M. DIAWARA qui saigne. Les jeunes du village lui tendent de l’eau et tentent de lui apporter de l’aide, mais il refuse, prend sa moto et fait demi-tour, le visage souillé de sang.
Pour cet incident, M. Aboubacar SIBY, un habitant du village s’explique : « cet homme a été blessé par les enfants qui lui ont lancé des pierres. Quand on a su, ils ont été immédiatement sommés d’arrêter et de renter en ville. Nous avons tout fait pour l’amener au centre de santé, pour des premiers soins, il a refusé. Nous regrettons cet incident et sommes prêts à assurer tous les frais médicaux, s’il désire », a-t-il dit.
Signalons que la catastrophe a été évitée de justesse le 23 juin dans le village de Kersigané grâce à la promptitude du gouverneur de Kayes, qui a ordonné au sous-préfet de Tambacara de tout mettre en œuvre pour sursoir à l’intronisation de M. Broulaye KEBE. En effet, des villageois, certainement en complicité avec le sous-préfet de Tambacara, avaient mobilisé de nombreux gendarmes pour introniser un nouveau chef de village, alors que celui investi par les sages est toujours vivant et jouit de l’ensemble de ses facultés. Un cafouillage donc évité de justesse par le gouverneur.
En tout état de cause, les populations se disent solidaires des personnes arrêtées et promettent de se battre jusqu’à leur libération. Dans le même sillage, le président de l’Association Yélémané Dagakané a annoncé une manifestation simultanée à Bamako, Paris et New York pour soutenir ces quatre jeunes, qui selon lui sont innocents.
PAR CHRISTELLE KONE