Lors de sa conférence de presse du 3 septembre dernier, à la Maison de la presse, l’Honorable Soumaïla CISSE annonçait dans un triomphalisme mal contenu : « (…) nous avons saisi l’Assemblée nationale d’une demande formelle à la date du 26 août 2019 afin qu’elle procède à toutes les investigations nécessaires et urgentes (…) ».
Or, l’article 90 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Mali, 5e législature, 2014-2018, toujours en vigueur, stipule : ‘’des commissions spéciales d’enquête peuvent être éventuellement créées au sein de l’Assemblée nationale.
Elles sont formées pour recueillir des éléments d’informations sur des faits déterminés et soumettre leurs conclusions à l’Assemblée nationale. Jusqu’à leur examen en séance plénière, les rapports des commissions spéciales revêtent un caractère secret dont la violation est sanctionnée conformément à la législation en vigueur.
Les résolutions adoptées par l’Assemblée nationale au cours des débats sur les rapports et conclusions de ces commissions sont adressées au Gouvernement.
Les réponses du Gouvernement sont communiquées sans délai à l’Assemblée nationale et transmises aux commissions d’enquête intéressées pour étude. Les points non traités peuvent être transformés en interpellation du Gouvernement.
IL NE PEUT ÊTRE CRÉÉ DE COMMISSIONS SPÉCIALES D’ENQUÊTE QUAND LES FAITS ONT DONNÉ LIEU A DES POURSUITES JUDICIAIRES AUSSI LONGTEMPS QUE CES POURSUITES SONT EN COURS. SI UNE COMMISSION A DÉJÀ ÉTÉ CRÉÉE, SA MISSION PREND FIN DES L’OUVERTURE D’UNE INFORMATION JUDICIAIRE RELATIVE AUX FAITS QUI ONT MOTIVÉ SA CRÉATION’’.
Il se trouve que le Procureur du Pôle économique et financier de Bamako, Mamoudou KASSOGUE, au cours d’un point de presse, peu après sa prise de fonction, avait annoncé l’ouverture d’une enquête dans l’affaire dite « des avions cloués au sol ». Il y a donc une procédure judiciaire qui est enclenchée dans la même affaire pour laquelle l’honorable Soumaïla CISSE a saisi l’Assemblée nationale d’une demande d’investigations nécessitant la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire (ou commission spéciale).
Mais comment l’Honorable Soumaïla CISSE peut-il ignorer une telle disposition, après plus de 5 ans de présence à l’Hémicycle ? Comment quelqu’un qui prétend présider aux destinées de la Nation peut-il s’égarer aussi gravement dans des dispositions aussi élémentaires ?
Le populisme et l’activisme stérile de l’éternel second aux élections présidentielles ont certainement eu raison de ses facultés cognitives. En voulant berner les Maliens, en se présentant comme le champion de la lutte contre les malversations financières, il étale à la face du monde son impéritie. Parce qu’un député, de surcroît un intello de sa trempe, à moins qu’il ne surfe sur une réputation surfaite, est censé maîtriser l’instrument qui réglemente les activités parlementaires. Hélas ! N’est-ce pas trop facile de crier à la violation des textes, quand il s’agit des autres !
Comme si l’imposture était une maladie contagieuse, un autre député, N’Doula THIAM, élu en commune IV du District, y va de sa hâblerie. En effet, ce député, selon nos sources, s’est présenté comme un vice-président de la COMMISSION ANTI-CORRUPTION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE.
Un, dans l’Assemblée nationale du Mali compte 11 commissions générales de 12 membres au plus chacune à l’exception de la Commission des Finances, de l’Economie, du Plan et la Promotion du Secteur Privé dont le nombre ne peut excéder vingt-sept (27) membres (Cf : article 28 du Règlement intérieur. Il s’agit de :
1-Commission des Travaux Publics, de l’Habitat, des Domaines et des Transports ;
2- Commission de l’Éducation, de la Culture, des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication ;
3- Commission de la Santé, du Développement Social et de la Solidarité ;
4- Commission de la Défense nationale, de la Sécurité et de la Protection Civile ;
5- Commission de l’Eau, de l’Energie, des Industries, des Mines, de l’Artisanat, du Tourisme et des Technologies ;
6- Commission des Finances, de l’Économie, du Plan et de la Promotion du Secteur Privé ;
7- Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation, de la Justice, des Droits de l’Homme et des Institutions de la République ;
8- Commission de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation ;
9- Commission des Affaires Etrangères, des Maliens de l’Extérieur et de l’Intégration Africaine ;
10- Commission du Développement Rural et de l’Environnement ;
11- Commission du Travail, de l’Emploi, de la Promotion de la Femme, de la Jeunesse, des Sports et de la Protection de l’Enfant.
Comme on peut le constater, dans l’Assemblée nationale du Mali, il n’y a pas de Commission anti-corruption. Pis, quand bien même elle existerait, le député N’Doula THIAM n’en serait pas membre puisqu’il est inscrit à la Commission de l’Eau, de l’Énergie, des Industries, des Mines, de l’Artisanat, du Tourisme et des Technologies.
Deux, comble de la mystification, il parle au nom du Bureau de l’Assemblée nationale qui s’est effectivement réuni, pour annoncer : « l’Assemblée nationale va bientôt enquêter sur l’affaire d’hélicoptères cloués au sol ». Ce qui est une menterie ; d’autant plus qu’un membre du Bureau fait savoir qu’à l’issue de la réunion il a été plutôt arrêté de saisir le ministre de la Justice pour s’assurer de l’ouverture d’une enquête judiciaire par le Procureur. Dans le cas contraire, alors l’Assemblée nationale mettrait en place une Commission d’enquête parlementaire.
En ce qui est de la demande de l’Honorable Soumaïla CISSE, le Bureau de l’Assemblée nationale, selon la même source, en a pris acte.
Autant Soumi champion que N’Doula THIAM sont pris en flagrant délit d’inculture inqualifiable par rapport à la saisine du Bureau de l’Assemblée aux fins d’ouverture d’une enquête.
En tout cas, c’est une véritable source d’inquiétude pour les Maliens de savoir que des députés qui votent les lois de la République ne se donnent aucune peine de s’imprégner d’un règlement intérieur de 103 articles contenus dans un fascicule de 36 petites pages.
Débordants de critiques vénéneuses, dans un élan populiste machiavélique, les deux élus nationaux se bombent le torse et ne boudent pas le plaisir d’avant-gardistes d’une action parlementaire qui n’aura probablement jamais lieu. Dans l’immédiat, en tout cas, c’est difficilement envisageable, puisque l’Assemblée est en inter-saison. La prochaine session consacrée essentiellement à l’examen du Budget est fixée au mois d’octobre. Encore qu’il y a bien d’autres paramètres à intégrer pour prétendre savourer une victoire totale dans cette affaire qui fait partie des Scandales avec grand S, pourtant bien partie pour être classée sans suite.
PAR BERTIN DAKOUO