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Affaire des deux Refoulés d’Allemagne: l’État est-il complice ?

Au moment où la polémique s’estompait au sujet du prétendu accord de réadmission signé avec l’Union européenne avec la levée du siège du Consulat du Mali à Paris et la publication de la liste des pays signataires parmi lesquels ne figure pas le Mali, deux de nos compatriotes, Amadou Ba (de Dioïla) et Mahamadou Dramé (de Yélimané) sont expulsés le vendredi 06 janvier 2017, par vol spécial TBA (Tibet Airlines).

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Comme une bouée de sauvetage, le malheureux événement offre l’opportunité aux adversaires du régime de s’exhiber et de verser dans la manipulation subversive. De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce qui s’est passé exactement ?
Info-Matin a fait son enquête auprès de la Diaspora malienne d’Allemagne.

Le samedi 7 janvier 2017 s’est tenue, à partir de 15 h dans la salle de réunion de la Mission, une rencontre avec les membres du bureau du Conseil de base des Maliens de l’Extérieur d’Allemagne (CMEA).
L’objet de cette rencontre, la traditionnelle présentation de vœux, mais aussi l’échange sur les sujets d’actualité, notamment celui lié au rapatriement de nos deux compatriotes : Amadou Ba originaire de Dioïla et Mahamadou Dramé de Yélimané.
Étaient présent à cette rencontre, nos compatriotes venus de toute l’Allemagne, dont le Président du CMEA, Monsieur Dadji TOURE, le Président d’honneur et les Doyens de la communauté, ainsi que celle du personnel diplomatique et administratif de l’Ambassade.
L’ambassadeur de notre pays en Allemagne, SE Toumani Djimé Diallo, a saisi cette occasion pour informer et échanger avec ses hôtes sur le rapatriement de la veille. Il a exposé la genèse, les raisons et les conditions de cette expulsion, avant d’étendre son intervention au phénomène d’expulsion en général et souligné le contexte socio-politique actuel que vivent les pays européens de sa juridiction.

Sur les raisons du rapatriement
Selon les informations recueillies auprès de nos compatriotes sur place, les deux cas présentent beaucoup de similitude en ce qu’ils sont tous deux des déboutés du droit d’asile. Or, en la matière, après épuisement des voies de recours, le pays d’origine, ne pouvant pas renier ses ressortissants, est obligé de les recevoir.

Expulsion de Amadou BA
Pour ce qui est du cas de Amadou BA, natif du village de Benco (cercle de Dioïla), ce compatriote avait fait l’objet d’une première identification par la mission interministérielle d’établissement de nationalité, le 26 février 2008. Donc, il est clair que c’est un Malien. Amadou Ba, aurait affirmé lui-même à l’ambassadeur qu’’il avait fait l’objet déjà d’une première tentative de rapatriement en 2011.
Du fait de la crise que traversait notre pays, l’Allemagne avait suspendu toute expulsion jusqu’en 2014. Après les élections de 2013, ce moratoire a été levé. C’est ainsi que notre représentation diplomatique a reçu, le 17 février 2014, de la part des autorités fédérales allemandes, la demande de délivrance de laissez-passer aux noms de Amadou BA et de neuf autres Maliens, dont certains identifiés antérieurement à lui et d’autres établis par la mission interministérielle d’établissement de nationalité qui a séjourné à Berlin, en septembre 2011.
Selon des sources proches du dossier, il s’agit, dans les 10 cas, de demandeurs d’asile dont la requête a été jugée infondée par les autorités allemandes compétentes, qui ont épuisé toutes les voies de recours existantes. Bref, des demandeurs d’asile qui n’ont pas été en mesure, contrairement à beaucoup d’autres, de mettre à profit les sursis accordés pour obtenir la régularisation de leur séjour en Allemagne par des moyens autres que la procédure de demande d’asile.
Après plusieurs relances des autorités policières allemandes auprès de notre Ambassade à Berlin, un premier laissez-passer a été délivré au nom de Amadou Ba le 22 août 2014, juste avant l’arrivée d’une autre mission d’établissement de nationalité.
Après le passage de cette mission en fin août 2014, le nom de Amadou BA est revenu dans la liste des personnes faisant objet de refoulement. L’Ambassade du Mali en Allemagne, après deux ans donc de pression de la part des autorités allemandes, a finalement délivré un laissez-passer le 1er août 2016. Mais avant, plusieurs de nos compatriotes qui étaient dans le même cas que Amadou Ba, ont mis à profit ces périodes pour trouver le moyen de régulariser leur situation. Ce qui n’a manifestement pas été le cas de Amadou Ba qui déclare pourtant avoir séjourné treize (13) ans en Allemagne de façon irrégulière. Comment est-ce possible ?
Selon les informations recueillies auprès des Maliens d’Allemagne, Amadou Ba était détenteur d’un document dénommé Aussetzung der Abschiebung (« Suspension momentanée de la procédure d’expulsion ») qui est un document dont la fréquence de renouvellement est de trois (03) mois. Il ne constitue aucunement un titre de séjour ou un Permis de travail.
La durée de validité du laissez-passer étant de 03 mois, le sien a fait l’objet de renouvellement le 25 novembre 2016.

Pourquoi lui et pas les autres ?
À noter qu’en Allemagne, les candidats au refoulement, sauf infractions retenues contre eux, sont libres de leur mouvement.
Selon les mêmes sources, Amadou BA a soutenu devant l’Ambassadeur avoir été conseillé de se défendre contre les policiers lors de son rapatriement début décembre. Ce qui a amené une confrontation au cours de laquelle il a reconnu avoir mordu très fortement un agent de police. C’est ainsi qu’il a été jugé le 07 décembre 2016. La Justice allemande, qui a pris acte de cette blessure, a décidé de sa détention dans un centre avant sa réadmission vendredi dernier 06 janvier.

Expulsion de Mahamadou DRAME
Quant à Mahamadou Dramé, il a fait l’objet d’identification, le 24 août 2014, par la mission d’établissement de nationalité du mois d’août 2014. Le natif de Kerouané, dans le cercle de Yélimané, a reconnu avoir diligenté deux demandes d’asile, la première en Espagne et la seconde en Allemagne. Après des demandes sans cesse renouvelées des autorités allemandes, un laissez-passer a été délivré en son nom, le 05 août 2016 et renouvelé le 25 novembre de la même année.
Comme Amadou Ba, lors de son rapatriement avorté sur le Mali, notre compatriote aurait fait acte de violence sur les policiers. Comme lui, il a été jugé pour ces actes et détenu, en même temps et au même lieu (Büren) que Monsieur BA, avant d’être expulsé vendredi dernier 06 janvier 2017.

Assistance de l’Ambassade
L’ambassade du Mali à Berlin a été informée le 04 janvier 2017 par Monsieur DRAME de la décision des autorités policières allemandes de ramener leur rapatriement au vendredi 06 janvier au lieu du 08 février 2017 comme initialement annoncé.
Si aucune explication n’a été donnée à cette anticipation, tout porte à croire que l’attentat de Berlin intervenu entre temps et dont l’auteur était un homme en attente de rapatriement, comme nos deux compatriotes, est pour beaucoup dans cette précipitation.
Le lendemain 05 janvier, notre ambassadeur en poste, SE Toumani Djimé Diallo, a fait le déplacement à Büren, lieu de détention de nos deux compatriotes, situé à 600km de Berlin, pour s’enquérir de la situation.
À Büren, l’ambassadeur Diallo a eu deux heures d’entretien avec nos deux compatriotes durant lesquelles la situation a été objectivement brossée de part et d’autre, sur la base, à la fois :
– du devoir d’assistance de l’Ambassade envers tout Malien de l’Extérieur, quelle que soit sa situation ;
– des limites juridiques liées à la procédure de demande d’asile, au vu surtout du contexte actuel en Europe, singulièrement d’Allemagne, après les horribles événements de Cologne, au réveillon 2015, et de Berlin, à Noël 2016 ;
– De toutes les démarches entamées par l’Ambassade, avec comme objectif de parvenir à une gestion plus pertinente du contrôle des flux migratoires, en tout cas de celle de ceux-là qui n’ont pas hésité à braver le risque de finir dans les tubes digestifs de requins ou autres chacals du désert, pour en arriver là.
Après avoir pris les coordonnées de leurs avocats, l’ambassadeur les a informé qu’ils déposaient à leur intention la somme de 500 € chacun au niveau de l’administration du Centre de rétention, pour rester conforme à la réglementation en vigueur dans le centre.
Au préalable, le ministère fédéral des Affaires étrangères avait été officiellement saisi par notre Ambassade, de la sensibilité du problème. Après concertation avec le ministère fédéral de l’Intérieur, la partie allemande a expliqué que le cas de nos deux compatriotes n’offre aucune autre alternative, au vu principalement de leurs comportements violents. Toutes ses démarches diplomatiques à ce niveau furent donc vaines.
C’est après avoir quitté nos deux compatriotes à la veille de leur expulsion que notre Ambassadeur à Berlin a reçu du ministère des Affaires étrangères la réponse du ministère allemand de l’Intérieur, à savoir que les deux cas concernés n’offraient aucune autre alternative.
SE Diallo a alors exigé que l’on lui communique les modalités de refoulement de nos compatriotes, notamment le plan de vol ainsi que l’assurance que cette reconduite se ferait dans le respect de leur dignité d’humains n’ayant commis aucune autre faute que celle d’être en ces lieux de façon irrégulière. Compte rendu en a été fait au ministère des Affaires étrangères le même jour.
Selon les informations recueillies auprès de notre ambassade à Berlin, corroborées par la diaspora malienne en Allemagne, contrairement à ce qui est raconté, tous nos compatriotes vivant dans ce pays, dont la demande d’asile n’a pas été acceptée, et qui donc sont sommés de quitter le territoire allemand, jouissent de leur totale liberté de mouvement jusqu’à la mise en œuvre effective de leur rapatriement. C’est ainsi, nombre d’entre eux profitent de cette période, soit pour régulariser leur situation, soit pour quitter le territoire allemand.
Le cas particulier de ces deux personnes, qui a abouti à leur détention avant leur rapatriement, résulte, selon les autorités allemandes, des voies de faits commis sur les agents chargés de leur reconduction.
Pour ce qui est de la réadmission par vol spécial, il s’agit d’une procédure normale des autorités allemandes en cas d’échec de cette procédure par voie de vols commerciaux.

Par Mohamed Diawara

 

Source: info-matin

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