Le processus d’attribution des logements sociaux avait été suspendu le 16 février dernier à l’issue d’un Conseil de Cabinet présidé par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga. Par la suite, un communiqué du ministère de l’urbanisme, de l’habitat des domaines, de l’aménagement du territoire de la population a abrogé la décision d’attribution de ces logements. Ce qui laisse planer le doute sur la suite de cette affaire.
Le ministère de tutelle a procédé le 28 février à l’abrogation de la décision n°2022-031/MUHDATP du 9 février 2022 fixant la liste définitive des bénéficiaires des 2218 logements sociaux de la deuxième tranche du programme gouvernemental des 12566 unités de 2015. Une décision qui intervient à un moment où ces attributions ont été largement critiquées par une grande partie de la population, mettant en doute la bonne foi des autorités.
En effet, rendue publique le 15 février dernier, la liste des bénéficiaires de la deuxième tranche des 2218 logements sociaux avait fait l’objet de protestations sur les réseaux sociaux. Plusieurs irrégularités avaient été soulignées par les internautes notamment les noms de ministres du gouvernement actuel ou des membres de leur famille sur la liste.
« Ce sont aussi des Maliens », avaient plaidé certains. En réalité, la liste des bénéficiaires avait été arrêtée en 2019. Officiellement, aucun dossier n’a été accepté depuis cette date. Alors comment des membres du gouvernement actuel et plusieurs jeunes du Mouvement du 5-juin, à l’origine de la chute du régime en août 2020, figurent sur la liste des bénéficiaires des logements sociaux ? Une question qui met mal à l’aise certains membres du M5-RFP.
« Au sujet des logements sociaux, je n’ai jamais postulé et personne ne m’en a parlé. Donc le nommé Abdel Kader MAÏGA ne serait pas moi », s’est défendu Abdel Kader MAÏGA, proche du Premier ministre et leader du M5-RFP. « Ceux qui ont fait ça, ont voulu saboter les actions du gouvernement », a indiqué plus tard Abdel Kader MAÏGA. Ce message de Kader Maïga révèle une autre irrégularité : des logements sociaux ont été attribués sans le dépôt de la caution de garantie, pourtant exigée à tous les bénéficiaires.
Face aux nombreuses indignations, le processus d’attribution des logements sociaux avait été suspendu et la commission d’attribution dissoute. Le président de la Transition aurait même ordonné une enquête, à la satisfaction du peuple malien. Cependant, cette affaire n’en est qu’à ses débuts. Outre l’annulation de l’attribution de la décision, que feront les autorités pour régler de façon définitive cette affaire qui constitue une épine dans leur botte. En attente d’une décision officielle, les spéculations vont de bon train.
Interrogé, un bénéficiaire affirme qu’il avait obtenu son logement en toute légalité. Avec cette nouvelle décision, il se dit confus. « Ce n’est pas tout le monde qui a triché pour avoir son logement. Moi par exemple, je suis à ma troisième tentative et maintenant que je l’ai obtenue, on parle de me la retirer. Je trouve que c’est un peu injuste mais on s’en remet aux autorités et j’espère de tout cœur qu’une solution juste sera trouvée pour ne pas léser ceux qui en ont obtenu en toute légalité », dit-il.
Par contre, Ibrahim Soumano, un postulant malheureux, salue la décision. « Je n’attendais pas mieux. Je suis heureux que le gouvernement ait pris note de la protestation des maliens. Même si mon nom ne figure pas sur la prochaine liste, j’espère tout simplement qu’elle sera crédible et juste. On a combattu l’ancien régime pour cause de corruption alors on ne peut pas accepter que notre combat soit vain. On ne peut pas comprendre que des personnes qui n’ont pas postulé se retrouvent sur la liste des bénéficiaires », a déclaré notre interlocuteur.
Les résultats de l’enquête sont toujours attendus pour situer les responsabilités. Dans l’attente d’une suite le ministre Kamena a limogé le Directeur Général de l’Office Malien de l’Habitat, qui est remplacé par M. Issa Seydou SISSOKO, Ingénieur des Constructions civiles.
Par-dessus tout, la nomination de la cheffe de cabinet du ministre Kamena à la tête de la commission d’attribution qui suscite inquiétude et méfiance.
Ahmadou Sékou Kanta
Source: L’Observatoire