Des travailleurs de banques affiliés au Syndicat national des banques et établissements financiers du Mali (SYNABEF) ont observé, hier, devant leurs structures respectives, des sit-in de 2 heures (de 8 h à 10 h du matin) en guise de protestation à l’évolution du feuilleton judiciaire de l’affaire dite Cissé Technology contre Hamadoun BORE pour le « paiement de chèques conformément aux exigences légales ». Après ce sit-in largement suivi, le SYNABEF, par la voix de son secrétaire général, entend, dans les jours à venir, aller à une grève d’une semaine pour dire non « au terrorisme judiciaire » contre leur camarade, Hamadoun BORE.
Par solidarité, plusieurs banques de la place se sont associées à ce mouvement de protestation, qui a été décidé lors de l’assemblée générale extraordinaire du SYNABEF, tenue le 8 avril dernier, pour soutenir leur camarade Hamadoun BORE. En même temps que leurs collègues de la BICIM où travaille M. BORE, les employés de Coris Bank, d’Ecobank, de BHM, de la BNDA, de la Banque Altantic, de la BIM-Sa, d’Orabank… ont observé ce mouvement de protestation de 2 heures pour dire non à l’enlisement de l’affaire. Il s’agit d’une interpellation à l’endroit des autorités nationales pour qu’elles ‘’s’assument’’ dans cette affaire qui perdure depuis 2 ans maintenant.
Le mot d’ordre largement suivi
Devant presque toutes les banques de la place, où notre équipe de reportage est passée, on pouvait lire sur des banderoles un message unique, mais interpellateur : « Banquiers victimes d’abus et d’insécurité judiciaires, jurisprudence Mohamed Cisse technology. Au Mali, en violation de la loi n° 97-021 du 14 mars 1997, payer un chèque sans appeler le titulaire du compte pour confirmation est un crime. Impossible de travailler sinon tous en prison ! »
Il était 8 heures et ½, à notre passage devant la BICIM, le personnel de la structure était rassemblé à l’entrée principale de la structure avec des banderoles en mains pour manifester leur colère face à la situation. Le responsable syndical de cette banque, Hamadoun BA, nous a expliqué que ce sit-in de 2 heures était des représailles contre le dilatoire dans l’affaire « CISSE technology contre Hamadoun BORE » avant de déclarer qu’il a été aussi décidé de dénoncer l’attitude des autorités du pays qui ne semblent pas prendre l’affaire au sérieux. Depuis 2 ans, déplore-t-il, l’affaire est en cours et s’enlise davantage alors même que c’est le sort de plusieurs banques opérant au Mali qui est en jeu, nous a-t-il confié.
« Si cette histoire rocambolesque passe, je crois que s’en est fini pour les banques maliennes. C’est pourquoi nous allons alerter et interpeller qui de droit afin que le droit soit dit dans cette affaire », a prévenu M. BA.
Dans tous les cas, au risque de perdre leur travail, M. BA affirme qu’ils ne vont pas lâcher prise dans cette affaire sans avoir eu gain de cause. La mobilisation va davantage se poursuivre, à travers d’autres actions. Le pire dans cette affaire est que c’est une seule personne qui décide de prendre tout le monde en otage dans un pays de droit, regrette M. BA. De par ses moyens financiers, à son avis, M. CISSE est en train de trimbaler des autorités du pays.
Par ailleurs, selon le représentant du personnel de Coris Bank, tout agent de banque peut, un jour, se retrouver dans cette situation professionnelle compliquée. C’est pourquoi explique-t-il, ils ont décidé de se joindre à ce mouvement de protestation en vue de condamner avec force l’injustice avec laquelle cette affaire est en train d’être gérée.
« Face à la situation, nous sommes d’accord que toutes les banques se donnent la main pour mener cette bataille. C’est une affaire qui ne concerne pas seulement une personne, mais l’ensemble de la profession de banques », a-t-il indiqué.
La profession en danger
Quant au Secrétaire général du SYNABEF, Aguibou BOUARE, il pense que le fait reproché à leur camarade, M. BORE, n’est nullement prévu par le droit positif malien. Pour lui, ils ne peuvent reprocher de fautes à leur camarade par le seul fait qu’il n’a pas pris le soin d’appeler M. CISSE pour confirmer l’opération bancaire. Surtout, a-t-il ajouté, que c’est le client lui-même qui a signé ses chèques en blanc et autorisé son comptable à effectuer les opérations pendant ses déplacements.
« On leur a dit de nous montrer une loi qui nous demande de faire un appel téléphonique de confirmation. Ça n’existe pas au Mali, ça n’existe nulle part au monde. Donc, c’est un combat pour l’application de la loi. On a dit qu’on est une profession réglementée, les lois ordinaires s’appliquent à nous, mais en plus, il y a nos lois spécifiques qui nous régissent. Si nous ne pouvons pas travailler avec nos lois, il y a problème. Ça veut dire que c’est la profession même qui est appelée à disparaître », a condamné le responsable syndical.
Ainsi, pour lui, ce combat dépasse le cadre syndical, ça dépasse le cadre ordinaire de la solidarité, c’est le combat pour la survie de toute une profession. Aussi, a-t-il précisé, leur combat n’est pas contre la justice, contrairement à l’avis de ceux qui veulent dénaturer le sens de leur lutte.
« Ceux qui ont à boire et à manger dans ce dossier veulent faire croire que c’est un combat contre la justice. Ils veulent embarquer d’autres magistrats dans un combat qui n’est pas le leur. Nous savons que ce ne sont pas tous les magistrats qui ont bénéficié de largesse de M. CISSE. C’est quelques magistrats. Nous n’allons pas tomber dans ce piège. C’est le piège de l’amalgame et le piège du corporatisme, nous ne sommes pas là dans », a prévenu M. BOUARE.
S’agissant du caractère général du sit-in, il pense que le mot d’ordre a été largement suivi par l’ensemble des banques et établissements financiers du Mali. Mais, dit-il, ils sont dans un secteur un peu difficile puisqu’ils ont des dirigeants qui tiennent à leur fauteuil comme à la prunelle de leurs yeux. Craignant d’être éjectés, ils font tout pour saboter le mouvement de grève. À son avis, c’est cet impact qui peut être ressenti sur le mouvement. Sinon, ajoute-t-il, les salariés et les employés de banque sont d’accord et prêts à suivre le mot d’ordre.
Dans ce combat, il a estimé que le patronat des banques ne joue pas son rôle. Sous d’autres cieux, ils s’attendaient à ce que le patronat tape du doigt sur la table. Malheureusement, selon M. BOUARE, le patronat a démissionné de sa responsabilité du moment où il n’a pas pu assurer la sécurité judiciaire de ces agents qui travaillent avec les instruments légaux qui les régissent.
« Nous ne nous sentons plus en sécurité dans l’exercice de notre profession. Ce qui se passe, en somme, n’est pas loin d’un terrorisme judiciaire », a-t-il décrié.
Après ce sit-in pour la suite des actions à mener, M. BOUARE a annoncé que le SYNABEF est en train de préparer un préavis de grève d’une semaine.
Pour rappel, c’est courant 2014, que Mohamed CISSE, Directeur général de la société Cissé Technologya, a approché le gestionnaire de la BICIM, Hamadoun Boré, et lui a présenté son chef comptable du nom d’Adama TRAORE en précisant que ce dernier viendra souvent faire des opérations sur son compte. Mohamed CISSE, pour ce faire, a signé en blanc son chéquier et l’a remis à son comptable sous l’entière et exclusive responsabilité du titulaire du compte sur ses chéquiers. C’est ainsi que le chef comptable a procédé à des retraits sur le compte de la société avec des chèques dont les signatures ont été systématiquement vérifiées conformes au spécimen déposé par Mohamed CISSE titulaire du compte. ET dans cette affaire, M. CISSE reproche à l’agent de la banque M. BORE de procéder à des opérations sur son compte sans qu’il ne soit appelé par téléphone pour confirmation de l’opération.
Par Sikou BAH
Source: info-matin