Depuis de longs mois, le centre du Mali est en proie à des guerres inter-communautaires. Les communautés peules sont particulièrement concernées, elles en sont les principales victimes. Le bilan est là, lourd et hallucinant : des centaines de morts déjà parmi elles, des charniers révoltants, faisant lâcher par certains ce mot terrifiant : génocide, exercé sur les Peuls. L’association Tabital Pulaaku international est l’association directement impliquée dans la défense des Droits des communautés peules et de leurs cultures.
La dernière en date de ces attaques et scènes macabres, en ce début d’année 2019, a été perpétrée dans le village peul de Koulogon le 1er janvier, dans le cercle de Bankas par des chasseurs dogons, constituées en milices ethniques, comme on le sait. On y déplore 39 morts parmi lesquels le chef de village et cinq membres de sa famille, 18 blessés et de nombreuses personnes portées disparues.
Portée sur les Fonts baptismaux à Bamako alors que j’étais encore Première Dame du Mali en 2002, Tabital Pulaaku, association internationale pour la promotion de la langue peule – le pulaar ou fulfulde-, de la culture peule et la fédération des populations peules, vise aussi, à travers ses nombreux objectifs, à « encourager les échanges entre les ethnies et les nations.»
J’ai été choisie par les communautés peules pour en être la marraine, certes au titre de mon appartenance à la grande famille peule mais pour moi, ce statut était un statut citoyen d’une « République démocratique et sociale. »
En l’occurrence, cette citoyenneté républicaine s’étend à l’ensemble des Maliens et des Maliennes, sans considération culturelle ni ethnique, juste des citoyens, égaux en droits, pour lesquels sont garantis les droits fondamentaux de l’Homme.
Nonobstant, si cette appartenance commune est mon référent premier, la situation qui prévaut dans le centre du Mali interpelle aussi ma conscience de marraine de Tabital Pulaaku
Pour moi, il s’agissait d’ancrer les communautés peules encore mieux dans des cadres étatiques soucieux d’harmonie sociale entre l’ensemble de leurs citoyens regroupés dans une communauté de destin.
Les ethnies, au Mali, n’ont jamais été séparées par des cloisons étanches. Il y a peu d’aires au Mali où les Peuls ne sont pas cohabitants avec d’autres ethnies. Dans notre cas précis, cela est vrai pour les Dogons et les Peuls, actuellement enlisés dans des conflits intercommunautaires.
Nos peuples mettent l’accent plus sur les relations entre eux plutôt que sur les tensions et les cloisons. On ne dit pas : ils sont à part, nous sommes à part. Cette fluidité, qui se matérialise par l’établissement d’une passerelle entre les ethnies avant d’être le passage d’une ethnie à l’autre, voire l’absorption d’une ethnie par une autre, est un fait établi au Mali. En termes plus simples, on parlera d’intégration ethnique. J’irai plus loin en parlant de symbiose ethnique imposée par le tissage de liens de toutes sortes : politiques, économiques, religieux, sociaux.
Cette formidable cohésion a pris un grand coup et un tournant tragique avec l’hécatombe que subissent les communautés peules.
La marraine de Tabital Pulaaku que je suis dénonce énergiquement les crimes perpétrés, demande à l’État, garant de la sécurité de l’ensemble des citoyens, comme il s’y est engagé, des enquêtes et des poursuites judiciaires, conformément à nos textes, contre les responsables de ces forfaitures, comme de toutes les forfaitures, quelques soient les bords auxquelles ils appartiennent. Il en en va de sa légitimité et de sa crédibilité.
Il est surtout demandé à l’Etat de désamorcer la bombe de la polaristion ethnique porteuse des germes de la guerre civile : là réside en effet le défi majeur. Oui, le spectre de la guerre civile, dans un tel chaos, est à craindre et à éviter à tout prix.
La marraine de Tabital Pulaaku que je suis en appelle également à la compassion et à la solidarité de tous, en plus des miennes.
La marraine de Tabital Pulaaku que je suis en appelle à la sagesse de tous pour préserver cet acquis précieux que nos aïeux ont édifié pour nous au terme d’un long processus de compromis et d’ardeur, de recherche effrénée de la paix et de la cohésion sociale.
Enfin, la marraine de Tabital Pulaaku que je suis se penche sur la mémoire de l’ensemble des victimes. Aux familles endeuillées et traumatisées, vers lesquelles convergent toutes mes pensées, je présente mes condoléances les plus émues et sincères.
Bamako, le 2 janvier 2019.
Pr. Adame BA KONARÉ, Marraine de Tabital Pulaaku international
Source: Maliweb