Hormis quelques romanciers comme le Sud-Africain John Maxwell Coetzee ou les Nigérians Chinua Achebe et Wole Soyinka, il est l’intellectuel africain le plus traduit au monde. Chaque ouvrage qu’il publie est traduit dans une quinzaine de langues, dont le catalan, le néerlandais, le serbe, le danois, le suédois, l’arabe et le japonais. Pourtant, le rayonnement international de son travail est mal connu sur le continent et beaucoup n’hésitent pas à lui tirer dessus à boulets rouges. Comme après son dernier séjour au Cameroun, en compagnie du président français, Emmanuel Macron.
Jeune Afrique : Êtes-vous frustré par les critiques incessantes auxquelles vos engagements publics vous exposent ?
Achille Mbembe : Il y a deux catégories de réponses à mes prises de position théoriques et publiques. D’une part, il y a des attaques, parfois ad hominem, des tentatives d’intimidation ou de chantage, voire, dernièrement, des menaces plus ou moins voilées. Elles viennent souvent d’individus paumés, qui ont raté leur vie et qui, pour expliquer leurs misères, convoquent toutes sortes de boucs émissaires. D’autre part, il y a des critiques d’autant plus bruyantes qu’elles sont oiseuses et sans objet. À l’origine de ce vacarme se trouvent souvent des gens qui ne cherchent pas à réfléchir aux vrais enjeux, qui ne les comprennent pas ou si peu, ou qui s’ennuient. Alors qu’ils pourraient consacrer leur énergie à construire des idées, des projets, que sais-je, ils préfèrent tout démolir. C’est tellement plus facile ! Colonisant les réseaux sociaux à longueur de journée, ils jouent le rôle de petits ayatollahs et insultent ciel et terre.
Que répondez-vous à ceux qui disent s’appuyer sur vos travaux académiques pour critiquer vos engagements politiques ?