Le Président de la république avait promis au peuple malien qu’il apporterait une solution définitive au conflit qui secoue le nord de notre pays depuis les premières heures de notre indépendance. Fidèle à ses engagements, un accord de paix vient d’être paraphé entre le plénipotentiaire du gouvernement malien sur la question et une partie des mouvements armés.
De mon analyse, contrairement au plénipotentiaire du Mali dans cette négociation qui avait laissé entendre que cet accord « prend en compte les préoccupations essentielles du Mali », je trouve que ce projet d’accord n’est qu’un autre accord de plus qui s’inscrit dans la suite logique des accords précédents* et par conséquent ne pourrait pas être un accord de paix définitif* comme avait promis le Président de la république du Mali s’il venait à être signé à son état actuel.
Tout d’abord, il ne s’agit que d’un accord de plus qui s’inscrit sur la droite ligne des accords précédents. En d’autres termes, il ne s’agit que d’une continuité ou même un complément des autres accords à savoir le pacte de réconciliation nationale de 1992, les accords de Tamanrasset et d’ALGER. Ces différents accords ont été des étapes successives pour démilitariser le nord du pays. Cela s’est traduit sur le terrain par le cantonnement des FAMA et l’entière liberté de mouvement et d’organisation des bandits armés. Depuis très longtemps, la présence des FAMA dans cette zone n’a été que formelle. Ce qui a permis aux bandits armés de former une véritable armée au vu et au su de tous. Dans tous ces accords, il a été question de l’intégration des ex combattants. Cela a eu pour conséquence le noyautage de notre FAMA. Dans ce projet d’accord, la démilitarisation entamée depuis le pacte de réconciliation nationale de 1992 sera achevée par la mise en place d’une police régionale. L’article 08 de ce projet d’accord dispose que : « Les régions sont compétentes dans un cadre général préalablement défini par voie législative et réglementaire, dans les matières ci-après :
(—) La police territoriale et la protection civile »
Nous savons que pour un exercice efficace de la police régionale, il va de soi que l’Etat central soit un Etat fort. Tel n’est malheureusement pas le cas pour le Mali du moins pour l’instant.
S’agissant de la lancinante problématique de réintégration, elle est encore de retour dans ce projet d’accord avec d’ailleurs plus de force que dans les accords précédents. Elle est traitée dans les articles 18, 19 et 20.
L’article 18 de ce projet dispose que : « Le processus de cantonnement des combattants vise à recenser les combattants éligibles à l’intégration ou programme DDR. » Pire encore, l’article 22 ajoute que « Les forces redéployées devront inclure un nombre significatif de personnes originaires du nord, y compris dans le commandement de façon à conforter le retour de la confiance et faciliter la sécurisation progressive de ces régions ». Sur ces points, nous ne pouvons comprendre ce projet d’accord que comme étant une continuité des précédents accords.
Enfin, la dernière partie de mon analyse entend prouver qu’il est loin d’être un accord de paix définitif comme promis par le Président de la république s’il venait à être signé en son état actuel. Pourquoi ?
Les raisons dévoilées et voilées de cette crise sont l’indépendance ou du moins le fédéralisme ou l’autonomie. Derrière cette prétention indépendantiste se cache la question liée à l’exploitation des ressources naturelles qui existeraient dans cette partie de notre territoire. Les autorités peuvent se féliciter de l’absence dans ce projet des termes relatifs à l’autonomie, et au fédéralisme comme avait promis le Président de la république. Mais dans les faits qu’en est-il réellement ?
L’histoire de la gouvernance territoriale a tissé un lien entre autonomie, fédéralisme et indépendance. Mais ces différentes formes d’organisation du territoire ne viennent pas du néant. Elles découlent d’une succession d’étape et de concessions. Des concessions, il y en a eu dans les accords précédents. Dans le présent projet d’accord, les concessions faites dans le domaine sécuritaire que nous avons déjà analysées en est une parfaite illustration.
L’évolution la plus marquante et symbolique est relative à l’épineuse question de ce que les parties appellent Azawad. S’il est reconnu comme étant une réalité socioculturelle, cette question ne demeure pas entièrement traitée ou résolue. Il faut attendre « un débat approfondi entre les composantes de la nation malienne » article 5 du projet d’accord.
Il ne s’agit pas ou il ne s’agirait pas enfin d’un accord de paix définitif car la véritable cause de cette crise qui n’est d’ailleurs pas dévoilées à savoir les questions relatives aux ressources naturelles ne sont pas définitivement résolues. L’article 12 dispose que : « Sans préjudice des prérogatives de l’Etat dans le cadre de ses compétences régaliennes, les parties conviennent de la nécessité d’une consultation entre l’Etat et les régions sur :
(–) L’exploitation des ressources minières notamment minières »
Cela suppose donc que sur cette question, rien n’est moins sur. La résolution de cette question d’exploitation des ressources humaines pourrait dépendre de l’humeur du moment, des relations que les un et les autres auront avec la puissance colonisatrice.
En définitif, de même que les régimes se sont succédées de l’ouverture démocratique à nos jours sans constituer une veritable alternative, les accords aussi se succèdent et se ressemblent. On peut donc déduire que nous sommes loin d’un accord de paix définitif. Il s’agit plutôt d’un accord pour sauver un autre régime ou d’un quinquennat comme l’ont été les autres accords.
Au demeurant, à chacun de ses faire une idée sur ces questions qu’on est en droit de se poser :
Quels impacts pourra avoir cet accord sur la survie de la nation malienne ?
Que reste de l’immense confiance placée au Président de la république par le peuple malien ?
A quelle autre fin le peuple malien peut encore se vouer ?
Siaka Tiéblen DOUMBIA