Le comité de suivi de l’accord pour la paix et la réconciliation s’est réuni récemment pour évaluer les avancées dans la mise en œuvre de sa feuille de route. Le constat est peu réjouissant : le processus de paix au nord du Mali est toujours bloqué. Et pour cause… L’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger est mis en péril par un gouvernement passif, une rébellion fragmentée et un djihadisme en constante progression. Les hésitations, reports, et autres bégaiements déplorés lors de la signature de cet accord conclu à Alger, en 2015, laissaient déjà entrevoir les difficultés à venir.
Deux années plus tard, le processus de paix, à force de lenteur et de blocage, est carrément dans l’impasse. Ce blocage dans la mise en œuvre de l’accord n’est pas sans conséquences sur la situation sécuritaire nationale en général et sur celle du Nord en particulier. Pourquoi ce blocage, alors que les signataires de l’accord d’Alger – le gouvernement et les mouvements armés – s’étaient entendus pour que des ex-rebelles troquent leur kalachnikov contre leur participation à la gestion des régions du nord à travers les conseils régional. Si pendant un temps, l’inimitié entre les membres de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et ceux du GATIA, a mis à mal l’application de cet accord, désormais ce sont les groupes terroristes (Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), El Mourabitoune de Mokhtar Bel Mokhtar et Ançar Dine de Iyad Ag Ghaly) qui semble agir dans l’ombre pour saboter le processus… Iyad rejette l’accord d’Alger et se montre menaçant notamment contre ses anciens alliés de la CMA. Il s’était érigé contre toute mise en œuvre dudit accord qu’il a juré d’empêcher par tous les moyens. Des menaces mis en pratique par la multiplication des attaques contre la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations-Unies pour la Stabilisation au Mali (Minusma), les forces armées maliennes (Fama), Barkhane (forces françaises). Ces attaques se sont soldées par de milliers de morts et de nombreux blessés. Un autre facteur du blocage est dû à ce qui s’apparente à une impuissance du Comité de suivi. Après un début de mise en place difficile où des groupes rebelles refusaient de siéger en même temps que d’autre dans le même comité, le comité de suivi, avec plus d’une vingtaine de réunions, ne fait que constater les manquements. Il peine à imposer la direction à suivre à l’Etat et aux parties signataires. Les querelles de clochers entre groupes rebelles sont condamnées, mais pas plus. Environnement sécuritaire dégradé Dans le dernier rapport présenté à New York au Conseil de sécurité, le secrétaire général des Nations unies regrettait ainsi que « les principales dispositions de l’accord [d’Alger] n’ont pas été appliquées (…) Entre-temps, de nouveaux groupes armés ont demandé à faire partie des arrangements institutionnels et sécuritaires intérimaires ».Pour le malheur de la population locale, le retour des services sociaux de base que les autorités intérimaires sont censées faciliter ne semble pas pour demain. D’autant que l’environnement sécuritaire ne cesse de se dégrader, laissant mal augurer du déploiement des acteurs indispensables (ONG, investisseurs, fonctionnaires…) à l’accomplissement des projets de développement nécessaires pour désenclaver le nord et ainsi enterrer les frustrations qui alimentent les rébellions. Un abandon du terrain qui favorise la reprise du terrain par les terroristes et les narcotrafiquants de tous bords. « L’accord d’Alger, se résume finalement à un accord de cessez-le-feu», analyse Aurélien Tobie, chercheur au Stockholm International Peace Research Institute (Sipri). Sauf que l’activité des djihadistes, un moment neutralisée par l’opération « Serval », a repris de plus belle alors que le redéploiement des forces armées maliennes n’est toujours pas effectif ni à Kidal ni dans d’autres localité du Nord. Résultat : Les groupes terroristes et extrémistes violents ont renforcé leurs activités et leur présence, note l’ONU. Car depuis “Serval”, les groupes terroristes se sont adaptés. En atteste l’annonce, début mars 2017, de la « fusion » de trois organisations islamistes au sein de Nosrat Al-Islam Wal Mouslimine (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, GSIM) affilié à Al-Qaida. Placée sous l’égide de Iyad Ag-Ghali, le chef d’Ansar Eddine, le GSIM rassemble également le mouvement Al-Mourabitoun de Mokhtar Belmokhtar ainsi que la Katiba (brigade) du Macina, active au centre du Mali et conduite par Amadou Koufa Accord en léthargie En vue d’accélérer la mise en œuvre de l’accord de paix, le comité de suivi a adopté lors de sa dernière rencontre un nouveau calendrier. Ce calendrier détermine la marche à suivre dans les mois à venir et les actions prioritaires. Sauf que toutes les parties savent que calendrier à peu de chances d’être respecté. En effet, les groupes armés, qu’ils soient de la CMA ou de la Plateforme, sont dubitatifs par rapport à cet agenda. Parmi les nombreux points de blocage, la question des armes lourdes et du désarmement. Les groupes exigent de rester propriétaires des armes le plus longtemps possible. En tout cas, il est temps que l’Etat et les parties signataires de l’accord soient mis devant leurs responsabilités pour accélérer le processus afin d’apporter la paix nécessaire à la stabilité non seulement des régions du nord mais à l’ensemble du pays.
Mémé Sanogo
Source: L’ Aube