Annoncée en grande pompe, la signature de l’accord de paix et de réconciliation, ce 15 mai 2015, a été lamentable. Car, non seulement la partie adverse, la CMA, n’a pas signé le document, mais aussi, le discours du représentant du secrétaire général de l’ONU a laissé planer l’ombre sur l’application de l’accord.
La cérémonie de signature de l’accord de paix d’Alger a été vidée de son contenu. Car, au lieu d’amorcer le retour de la paix, elle a semé le doute dans la tête de tous les observateurs avertis. Cela, du fait non seulement de l’absence de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), mais aussi de l’ambiguïté de la communauté internationale via l’intervention de son représentant, Hervé Ladsous. Après avoir annoncé que l’accord sera signé avec ou sans la CMA, les Maliens voyaient dans cette déclaration une sanction contre la partie qui ait de signer le document de paix. Mais le Mali a été très mal servi par Hervé Ladsous qui a utilisé la carotte à la place du bâton. En lieu et place d’un discours de fermeté à l’endroit de la CMA, nous avons assisté à une déclaration d’encouragement des groupes rebelles dans leur position d’opposition à la paix.
La preuve, dans le discours tordu qu’il a lu au nom du secrétaire général de l’ONU, Hervé Ladsous, confirme la trahison du Mali par l’ONU au profit des rebelles. Dans sa plaidoirie, il s’est contenté de déplorer l’absence de la CMA à la cérémonie. Il envisage même une possibilité de réouverture de dialogue alors qu’au paraphe de l’accord, le 1er mars 2015, toutes les parties convenaient qu’il n’y avait aucune possibilité de réouverture des négociations. Cette invitation de Ladsous à continuer le dialogue avec les groupes qui n’ont pas signé en attendant que ceux-ci soient de bonne humeur pour le signer à la date voulue rend l’accord confus et même très confus. Pire, il profère des menaces contre les autorités maliennes. «La possibilité qu’ils signent l’accord de paix à une date ultérieure doit rester ouverte ; et le fait que seules certaines des parties signent l’accord de paix aujourd’hui ne peut en aucun cas servir de prétexte à la reprise d’opérations militaires contre les non-signataires», a-t-il menacé. Car, plaide-t-il, le cessez-le-feu et ses mécanismes de gestion devront rester en place, et les parties devront respecter leurs engagements à cet égard. Comme la partie à laquelle il s’adressait avait une fois violé ces principes, d’où la crise de colère du Président IBK qui ne s’est pas fait prier pour le recadrer. L’autre confusion qu’a entretenue le représentant du secrétaire général de l’ONU, c’est lorsqu’il demande la révision des modalités de mise en œuvre de l’accord. Pour lui, il faut juste les aspects qui peuvent être appliqués dès à présent comme pour dire que les dispositions de l’accord de paix et de réconciliation péniblement accouchées après 8 mois de discussion étaient devenues caduques.
Faut-il le rappeler, dans le document intitulé « Accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger », il était prévu l’application immédiate de certaines mesures après la signature du document à Bamako, qui permettrait au Mali d’ouvrir une nouvelle page vers la paix. Il s’agit entre autres de la mise en place du Mécanisme Opérationnel de Coordination et des patrouilles mixtes. A ce sujet, il est prévu que dans les 60 jours suivant la signature de l’accord, que soient institués sous l’égide de la CTS (Commission Technique de Sécurité) un Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et des patrouilles mixtes. La CTS devrait proposer les termes de référence détaillés du Mécanisme Opérationnel de Coordination, y compris sa composition et ses missions. Les termes de référence devraient déterminer sur une base inclusive et consensuelle, le nombre de représentants des forces armées et de sécurité et de la Coordination et de la Plateforme au sein du MOC.
Dans les 60 jours suivant la signature de l’accord, la CTS et le MOC présenteront un plan de mise en œuvre des arrangements sécuritaires pour le nord du Mali, dans lequel les patrouilles mixtes auront un rôle primordial dans la sécurisation du processus de cantonnement/regroupement et de démobilisation. Ce plan visait à prévenir/réduire tout vide sécuritaire avant, durant et après les processus de cantonnement, d’intégration et de DDR.
Cantonnement
Au chapitre du Cantonnement, il a été convenu que dans les 30 jours suivant la signature de l’accord, la CTS finalisera l’identification et la validation des sites de cantonnement/regroupement et de démobilisation des combattants. La Minusma lancera l’aménagement de ces sites qui devront être prêts dans un délai maximum de 120 jours et seront livrés au fur et à mesure qu’ils seront construits.
Aussi, dans les 30 jours suivant la signature de l’accord, la CTS mettra à jour le mode opératoire du 18 février 2014 pour le cantonnement, conformément aux mesures du présent accord, et fixera la date effective du démarrage du cantonnement.
En plus, dans les 30 jours suivant la signature de l’accord, il est prévu que les mouvements soumettent à la CTS une liste définitive et certifiée de leurs combattants et de leurs armements sur la base des principes définis dans le mode opératoire du 18 février 2014 mis à jour.
Intégration des ex-combattants
En ce qui concerne l’intégration des ex-combattants, l’accord prévoit que dans les 60 jours suivant la signature de l’accord, il sera mis en place une Commission d’intégration. Cette Commission d’Intégration, qui comprendra des représentants des forces armées et de sécurité, de la Coordination et de la Plateforme, travaillera en étroite coopération avec le Comité de Suivi du présent accord et un décret définira la composition, les missions, et le mode de fonctionnement de la Commission d’intégration sous l’autorité du Président de la République, qui désignera une personnalité compétente et consensuelle qui en assurera la présidence. Ensuite, l’accord indiquait que dans les 90 jours suivant la signature de l’accord, les mouvements soumettront la liste de leurs combattants candidats à l’intégration et le gouvernement prendra les mesures appropriées pour leur intégration dans un délai qui n’excédera pas six mois suivant la signature de l’accord, sous la supervision de la Commission d’Intégration et du Conseil National.
Désarmement, Démobilisation, et Réinsertion (DDR)
Dans les 60 jours suivant la signature de l’accord, une Commission Nationale pour le DDR devrait être mise en place. Cette Commission allait travailler en étroite coopération avec le Comité de Suivi du présent accord. Un décret définira la composition, les missions, et le mode de fonctionnement de la Commission Nationale DDR sous l’autorité du Président de la République, qui désignera une personnalité compétente et consensuelle qui en assurera la présidence, précisait le document.
Education et formation
A ce sujet, il convenait d’organiser la rentrée scolaire 2014-2015 sur l’ensemble des régions de Gao, Tombouctou et Kidal. Actualiser l’état des lieux dans tous les établissements scolaires des régions entre autres.
Cependant, force est de reconnaître que toutes ces dispositions ont été prévues sans imaginer que la CMA allait défier toute la planète terre en toute impunité. Maintenant qu’elle a fait cela, aucun plan B n’étant envisagé dans le projet d’accord, il ne serait pas hasardeux d’affirmer que ces dispositions sont devenues caduques jusqu’à ce que la CMA signe le document. Et si c’est le cas, pourquoi a-t-on pressé le Mali à signer avec lui-même cet accord quand on sait que sa signature serait source de regain de violence sur le terrain ? Le Mali va-t-il accepter la réouverture des négociations interminables comme l’annonce la communauté internationale, ou va-t-il enfin s’affranchir de la tutelle onusienne en s’assumant? En tout cas, IBK a donné le ton pour le rétablissement de la souveraineté nationale.
Oumar KONATE
Source: Le Prétoire