L’humiliation du Mali, par des séparatistes en s’attaquant aux symboles de la nation, a choqué pas mal de citoyens. Des communiqués de condamnation et des dénonciations inondent les réseaux sociaux depuis mercredi. Pour sa part, le président de la coalition contre la partition du Mali (IGDAH-Mali TE TILA », M. Abdel Kader Maiga a, dans une interview qu’il nous a accordée hier, jeudi 18 juillet 2019, dans son bureau, dénoncé « l’incompétence et l’irresponsabilité » de l’État malien face aux pratiques séparatistes des membres de la CMA. Ces pratiques sont aussi, selon lui, synonymes de l’échec de l’Accord pour la paix et la réconciliation qu’il qualifie de «malsain ». Aussi, a-t-il fustigé le silence complice de la communauté internationale face à ces pratiques peu orthodoxes des irrédentistes.
Lisez l’interview
Le Pays : Bonjour M. Abdel Kader Maiga. Vous êtes le président de la coalition contre la partition du Mali (IGDAH Mali TETILA). Vous vous battez, depuis des mois contre l’application, à l’État actuel, de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Pouvez-vous expliquer les raisons de vos combats à nos lecteurs ?
Abdel Kader Maiga
L’Accord a été signé, il y a quatre (4) ans. S’il était bon, on n’allait pas parler de sa mise en œuvre aujourd’hui. Le document n’est pas bon, son contenu est confus. L’accord est fait juste pour une minorité dans une minorité au nord du Mali qui est, elle-même, instrumentalisée par un pays étranger. Donc ce document n’est pas un accord pour le Mali. Il ne peut pas garantir la paix et la stabilité au Mali et il finira d’ailleurs, le pire que nous craignons, par diviser le Mali. Et si on a de la chance, le Mali sera divisé en deux parties, sinon ce pays risque de disparaitre, parce qu’il risque d’être divisé en plusieurs parties. Cet accord n’est pas bon, parce qu’il peut, tôt ou tard, créer une tension ethnique entre les populations du nord et du sud. Pour moi, il est impossible qu’on demande de mettre les gens du nord dans les institutions de la République de façon majoritaire alors qu’ils ne représentent pas 10% de la population du Mali. Ce n’est pas tout, cet accord n’est pas applicable, car nous n’avons pas les moyens de l’appliquer. En voulant coute que coute l’appliquer, nous nous suiciderons, nous-mêmes et nous allons détruire le Mali.
Vous demandez la révision de l’Accord d’Alger. Qu’est-ce qu’il faut revoir dedans ?
Lorsque vous prenez l’accord, article par article, il y a beaucoup d’aberrations alors qu’en regardant le contenu, il y a des endroits où il faut une petite modification. Là où on dit, par exemple, « la représentation des populations du nord dans les institutions et dans les services publics de l’administration », il nous suffit d’enlever « le nord ». Si on disait seulement « les populations », tant mieux, parce qu’il s’agit là des populations du Mali. Mais nous, nous ne sommes pas dans la singularité, c’est-à-dire prendre les populations du nord seulement. Et ce qu’il faut savoir, quand ils parlent des populations du nord, il ne s’agit pas de l’ensemble des populations du nord. Il ne s’agit pas de l’ensemble des Touaregs, des Arabes, des Peuls, des Bozos, des Dogons, des Sonhrais, des Bellahs…mais ils ont leurs cibles. En corrigeant correctement le document actuel, on peut trouver un accord consensuel, correct et applicable.
Le gouvernement est dans la dynamique de réviser la constitution malienne de 1992 pour respecter certaines dispositions de cet accord que vous décriez. Quelle est votre position concernant cela ?
Soyons sincères ! Il n’y avait aucune raison de vouloir s’accommoder à l’accord. Il n’y a aucune raison aujourd’hui que l’accord nous amène à une révision constitutionnelle. Cela est même un alibi fallacieux. Les deux points les plus importants où on peut parler de révision constitutionnelle, c’est lorsque, dans l’article 6 au niveau national où l’accord dit : « qu’il faut réactiver et diligenter la mise en place d’une seconde chambre… ». Le second point concerne le découpage administratif. Une deuxième raison qui prouve qu’on ne peut pas réviser la constitution : notre territoire ne nous appartient pas à 100%. Et la constitution, elle-même, dans son article 118, dit qu’on ne peut pas la réviser tant qu’il y a atteint à une partie du territoire national. On n’a pas Kidal avec nous. On a une grande partie du territoire où il n’y a pas d’administrateurs. Je pense que tous ceux qui sont en train de crier pour réclamer la révision constitutionnelle, s’ils étaient sincères avec eux-mêmes ou avec le peuple, devraient dire aux détenteurs d’armes de les déposer et leur demander de rentrer dans le processus de paix à 100%. Et après tout cela, quand on aura constaté que le drapeau du Mali est à Kidal, le Gouverneur est nommé par l’État malien et protégé par les FAMa, on pourrait demander de réviser la constitution.
La révision de la constitution est une nécessité pour le Mali aujourd’hui, mais le moment est mal choisi. Le motif est encore plus mal choisi, parce que leur seul motif est l’accord. Cet accord bizarre, malsain pour notre pays, irresponsable pour notre pays, a montré ses limites, parce que quatre ans après sa signature, on est à plus de 3000 morts. Pire, quatre ans après la signature de cet accord, les régions de Mopti et Ségou sont en rouge. Aussi, c’est quand cet accord a été signé qu’on a donné plus de poids politiques, plus de pouvoirs administratifs aux séparatistes en mettant en place leurs fallacieuses autorités intérimaires alors que dans l’accord, on parle de période intérimaire. Ce qui prouve qu’il y a trop de faux, de mensonges et de non-dits dans cet accord. Et tous ceux qui crient haut et fort la mise en application intégrale de l’accord, la révision constitutionnelle sont des ennemis du Mali, vous pouvez le dire, haut et fort sans ambages, ils sont tous des ennemis du Mali. Soit ils sont manipulés, soit ils sont incompétents, soit ils sont inconscients, mais ce n’est pas sérieux.
Le Mali a été humilié hier, mercredi 17 juillet 2019, à Kidal. Des séparatistes se sont attaqués au drapeau national et aux autres symboles de la République du Mali. Tous les Maliens étaient choqués. Quel commentaire faites-vous de ce comportement des séparatistes ?
Ce qui s’est passé à Kidal est très grave. Il faudrait que l’État condamne sérieusement ce genre de banditisme. Ce qui est bizarre, ils font beaucoup de conneries de ce genre, mais l’Etat ne réagit pas. Pour preuve, quand ils ont fait leur règlementation de la ville de Kidal, l’État malien n’a pas réagi. Il a fallu que le Comité de suivi de l’accord (CSA) réagisse d’abord. Où est l’Etat malien ? Le gouvernement doit réagir, condamner, et ramener les gens à l’ordre, quelle qu’en soit la façon de le faire.
La communauté internationale est là, mais ce banditisme s’est passé au vu et au su de tout le monde. C’est l’occasion pour le CSA de dire : voilà ceux qui empêchent la mise en application de l’accord, voilà ceux qui veulent diviser le Mali. Face à leur silence, on doit se poser la question si la communauté internationale, le CSA, la France sont là pour aider le Mali ou pour le diviser.
Moi je ne suis pas étonné de ce comportement des séparatistes, ils ont senti que le peuple malien est en train d’aller vers un dialogue national inclusif. Donc puisque déjà, ils ont lancé le ton en disant que « l’accord ne soit mis en cause ni dans la forme ni dans le fond ». Il faut maintenant surenchérir, créer la pression au niveau de Kidal pour aller dans de mauvaises négociations, et au cours de cette négociation que l’accord ne soit pas touché dans le dialogue inclusif national. À chaque fois qu’on doit faire une étape importante dans la recherche de la solution durable pour le Mali, eux, ils profitent de l’occasion pour semer la zizanie. Ils ne veulent même pas que l’accord avance. Ce désordre les arrange mieux quand tout est calme, parce que c’est une bande de fainéants qui n’ont jamais travaillé à la sueur de leur front pour gagner un franc. Ils sont là à mettre la zizanie dans notre pays, et c’est à nous de mettre fin à tout cela. Ce qui s’est passé à Kidal est regrettable, mais dénote de l’incompétence, l’insouciance et l’irresponsabilité du gouvernement malien. Tous les responsables de cette manifestation sont ici à Bamako.
La CMA a démenti son implication à ce mouvement. Que dites-vous ?
Mais qui peut organiser ce genre de manifestation à Kidal si ce n’est la CMA ? Il n’y en a pas. Personne ne peut faire cette manifestation à Kidal à part la CMA. C’est faux et archi faux. C’est leur façon de faire, c’est leur malhonnêteté intellectuelle, c’est leur probité douteuse.
Interview réalisée par Boureima Guindo
Source : Le Pays