Il ne serait nullement exagéré de dire que le Mali avance à reculons depuis 2013. Le nord s’est fortement embrasé, le centre est toujours entre les mains des jihadistes qui règnent en maîtres absolus, le sud est en proie à une crise socio-sécuritaire dont la famine, le chômage des jeunes et à l’insécurité résiduelle en sont les conséquences. C’est dans cette atmosphère délétère de ni-paix, ni-guerre, que le pays s’apprête à organiser dans trois mois l’élection présidentielle. Que peut-on retenir comme bilan de celui qui a été plébiscité en 2013 par le peuple malien, à savoir IBK ?
Jamais, auparavant, une élection n’a suscité autant de passions, de détermination et de mobilisation que celle de 2013. Les Maliens sont sortis massivement pour placer leur confiance en IBK afin de sortir le pays d’une crise multidimensionnelle profonde. Cet enchantement a vite cédé le pas à une déception jamais égalée. Pour cause, IBK, de son investiture jusqu’à nos jours, n’a véritablement pas apporté de solutions aux problèmes les plus cruciaux du pays. En moins de cinq ans, le pays a connu cinq Premiers ministres. Cette instabilité gouvernementale a été à la base de la mal gouvernance avec son corollaire de corruption, de népotisme et de clientélisme. Le bateau Mali a commencé à tanguer depuis le jour de la prestation de serment.
En effet, en plus de la grosse erreur dans la lecture des articles de la Constitution, décelée en son temps par d’éminents juristes, il a également qualifié de « grand républicain » l’ancien Président de la République, le Général Moussa Traoré. Après cette bourde, le premier lot de ses électeurs a été déçu à la publication de la liste du premier gouvernement en voyant des figures ayant été à la base de la descente dans un trou abyssal du Mali. Malgré les critiques, le Président IBK est resté droit dans ses bottes. Il va même enfoncer le clou en nommant à des postes de choix des membres de sa famille. Depuis ces nominations, le Mali a été mis en coupe réglé par un cercle restreint, celui des parents et affidés. Les scandales sont devenus quotidiens et le remaniement ministériel banal.
Le premier scandale de cette longue série a été l’achat de l’aéronef présidentiel et les équipements militaires dont le marché a été attribué à un conseiller spécial du président de la République, par ailleurs gérant de société. Des milliards sont sortis des caisses de l’Etat pour ne servir que des individus. Ces manquements à l’orthodoxie financière ont provoqué l’ire des bailleurs de fonds qui ont fini par geler leur aide financière au Mali. Pour se donner bonne conscience, le Président de la République a procédé à un léger remaniement en débarquant du gouvernement les personnalités impliquées dans cette rocambolesque affaire. Sans être sanctionnées, les personnes incriminées ont été mises à la touche pour être promues quelques mois plus tard. La boite de pandore étant ouverte, tous les cadres du cercle restreint du pouvoir s’y sont engouffrés. Ainsi commença la longue série de crises et de scandales, parmi lesquels on peut citer les scandales d’engrais frelatés et de tracteurs surfacturés ; s’y ajoutent ceux des logements sociaux. Quant aux crises, elles ont concerné tous les secteurs, à commencer par l’éducation : en plus des habituelles grèves des enseignants de tous les ordres d’enseignement, l’éducation a connu sous IBK l’une des pires formes et de durées exorbitantes de grève, à l’enseignement supérieur comme au secondaire.
Après ce secteur, la santé a été fortement touchée avec une grève de 38 jours sans assurer le moindre service minimum. Que dire de la justice qui a connu les mêmes soubresauts avec une grève illimitée jusqu’à satisfaction des revendications des magistrats ? Le sport en général et le football en particulier n’a pas été épargné, au point que le Mali avait été suspendu de toutes compétitions internationales par la FIFA. Quant à l’insécurité, que d’aucuns qualifient de résiduelle, elle s’est fortement accrue à partir de 2013 et concerne tout le pays. Malgré la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le nord reste instable. Le décompte macabre dû à l’insécurité continue. De l’investiture d’IBK à fin 2017, on dénombrait plus de 2100 morts. C’est dans ce chaos généralisé que le Président de la République compterait solliciter son peuple pour un second mandat à la tête du pays.
Est-ce pour rectifier ses maladroits tirs du premier quinquennat ou bien pour les délices du pouvoir ? En tous cas, ce serait un grand risque pour le peuple malien de renouveler le bail d’IBK.
Youssouf Sissok
Inf@sept