Tandis que les combats continuent de faire rage en Ukraine, le propos pourrait paraître incongru dans une partie des capitales européennes, dont Kiev, qui ne veulent pas entendre parler d’un accord de paix avec la Russie : Emmanuel Macron devait profiter de son voyage à Rome, dimanche 23 et lundi 24 octobre, pour nourrir la perspective, qu’il sait encore lointaine, d’une négociation entre les deux pays ennemis, huit mois jour pour jour après le déclenchement de l’invasion russe.
Dès son arrivée dimanche après-midi, le chef de l’Etat est invité à ouvrir la conférence annuelle de la Communauté de Sant’Egidio, intitulée « Le cri de la paix ». Il devait enchaîner avec un dîner en compagnie d’intellectuels et de religieux offert par le fondateur de ce mouvement, Andrea Riccardi, soucieux de dialogue interreligieux et connu pour ses actions de médiation en Afrique, en Amérique latine et dans les Balkans. Andrea Riccardi a expliqué, dans un entretien accordé au Monde, vouloir, à l’occasion du rassemblement de Rome, « recréer et porter une culture de paix sur le devant de la scène internationale ». M. Macron s’entretiendra lundi matin avec le pape François, en particulier de l’Ukraine, moins d’un an après sa dernière visite au Vatican, en novembre 2021.
Dans son discours à Sant’Egidio, le chef de l’Etat devrait replacer le conflit entre l’Ukraine et la Russie dans le contexte international du moment, celui d’un monde de plus en plus fragmenté. « L’idée sera de prendre en compte et de regarder en face les différentes crises qui parcourent notre planète aujourd’hui, qu’elles soient climatiques, sur les inégalités ou encore sur la guerre que la Russie conduit en Ukraine, et de réfléchir aux différentes façons pour bâtir la paix », a déclaré l’Elysée en prélude à la visite.
La peur d’une nouvelle escalade sur la Crimée
Officiellement, il n’est pas question de lancer une quelconque médiation, même si M. Macron tente ces dernières semaines d’avancer cette perspective afin, le moment voulu, que la France et l’Europe soient à la table des discussions. A Prague, lors du sommet de lancement de la Communauté politique européenne, le 6 octobre, il s’était entretenu avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, le seul dirigeant à ce jour en position de pivot entre Moscou et Kiev, des objectifs et de la méthode à mettre en place en vue d’organiser d’éventuels pourparlers.
Pour le chef de l’Etat, ceux-ci ne pourront de toute façon pas avoir lieu avant que les Ukrainiens, en pleine contre-offensive dans le Donbass et dans la région de Kherson, ne le décident, quand ils estimeront avoir atteint leurs objectifs de guerre. Sans le dire ouvertement, Paris redoute cependant une tentative de reconquête de la Crimée par les armes, craignant qu’elle ne soit le prétexte à une nouvelle escalade de la part de la Russie. Ce point de vue tranche, sur le continent, avec les positions des plus fervents alliés de l’Ukraine, qui soutiennent ses efforts pour reprendre la totalité des territoires occupés, y compris la péninsule annexée unilatéralement par Moscou en 2014, et qui n’espèrent qu’une chose : que Vladimir Poutine soit jugé pour crimes de guerre ou crime d’agression.