« La guerre est entrée dans Paris, s’exclame Libération, sous la forme de treize corbillards traversant au pas le pont Alexandre-III. Hier matin, ils amènent aux Invalides les dépouilles mortelles des militaires français morts il y a une semaine au Mali, lors du double accident d’hélicoptères intervenu alors qu’ils participaient à des combats dans le cadre de l’opération Barkhane. Avec ce convoi funéraire, c’est l’engagement des armées françaises à des milliers de kilomètres qui devient soudain visible dans la capitale. »
« L’hommage du chef de l’État est celui de la nation, poursuit Le Figaro. Dans son discours, le président retrace les circonstances du drame, raconte la geste de ces militaires, « l’opacité » et le « silence » de la nuit rompu par les explosions des hélicoptères qui touchent le sol. Emmanuel Macron replace le « destin » de ces hommes « hors normes » dans le roman national et la lutte « de tout un pays » pour sa liberté et contre le terrorisme. « Vous étiez treize soldats, treize engagés volontaires, engagés pour une certaine idée de la France qui vaut d’être servie. Un engagement profond, modeste et discret, rendu public par le sacrifice. Volontaire, car chacun avait choisi seul le parcours, le chemin de l’honneur d’être un homme », souligne Emmanuel Macron. Il s’agit de faire d’eux des héros. »
« Accepter de payer peut-être un jour le prix du sang est un ingrédient essentiel de l’héroïsme que le président veut mettre en valeur. Est-ce le seul ?, s’interroge Sud-Ouest. Pour les militaires eux-mêmes, le don de soi pour la mission est vu avec stoïcisme comme le risque (ultime) du métier des armes. Et ils laissent le plus souvent aux autres le soin de mettre des épithètes sur le courage des soldats. En particulier quand un hommage aux Invalides doit servir, au-delà de l’expression naturelle de la solidarité des soldats avec leurs frères d’armes tombés au feu, à alimenter le récit national d’un peuple réuni autour de ses héros. »
Débat national ?
Alors recueillement de rigueur mais aussi réflexion sur la présence militaire française au Sahel.
C’est la double articulation proposée par Le Courrier Picard : « au-delà de ces hommes et des phrases du type « Ils sont morts pour nous tous », il reste nécessaire, affirme le journal, de s’interroger sur cet engagement. Pour en réexpliquer les raisons à ceux qui n’en voient pas l’intérêt. Et rappeler aux autres que ce conflit s’installe « dans le temps long » selon tous les analystes, avec son cortège de souffrances à venir. Emmanuel Macron dit d’ailleurs vouloir réexaminer la stratégie des forces anti-djihadistes françaises au Sahel. […] Agir en gendarme de l’Afrique de l’Ouest dans des pays souvent en pleine déliquescence politique, économique et sociale mérite un large débat national, estime encore Le Courrier Picard. Quitte à s’engager plus loin dans le désert, il convient de se doter d’une boussole et d’un cap, pour en sortir et éviter l’enlisement ou les sables mouvants… Se battre contre les jihadistes ne suffit déjà plus. Gagner, ce serait créer les conditions pour qu’ils ne prospèrent pas plus, puis reculent. Ce qui n’est plus le boulot des militaires ! Mais un choix politique expliqué, une volonté assumée et un engagement long et coûteux, au Sahel mais aussi en France ! »
Ces soldats maliens privés d’hommages…
Et puis on revient à Libération qui s’attarde sur ces morts au Sahel dont on ne parle pas…
« Depuis le déclenchement de la guerre dans le nord du pays, en 2012, rappelle le journal, des centaines de soldats maliens ont été tués dans des affrontements, des embuscades, des attentats à la voiture piégée, des explosions de mines, des assassinats ciblés. Aucune liste officielle n’a été rendue publique, leurs noms n’ont pas été gravés dans la pierre d’un mémorial. Des brèves dans les journaux et des communiqués du gouvernement annoncent presque chaque semaine de nouveaux bilans, invérifiables. Des nombres anonymes. »
L’envoyé spécial de Libération s’est rendu à Kati, à une quinzaine de km de Bamako : « aucune autre commune du Mali n’a payé un tribut si lourd à la guerre, relate-t-il. […] Depuis l’indépendance du pays, la vieille ville-garnison est le creuset de l’armée nationale : « Quand une attaque se produit, dans le nord ou dans le centre, toute la ville est inquiète, s’agite, demande des nouvelles. Il y a toujours un Katois parmi les victimes, raconte Mamoudou, 59 ans. Et malgré tout, en période de recrutement, les volontaires sont là par milliers, la route est coupée tellement il y a de monde dans la file ». »
L’Otan en plein doute existentiel
À la Une également, le 70e anniversaire de l’Otan… sur fond de crise et de divisions…
« Le sommet de l’Otan qui s’ouvre ce mardi près de Londres devait être un rendez-vous formel pour célébrer les 70 ans du traité de l’Atlantique Nord, signé à l’orée de la guerre froide afin d’assurer la sécurité du continent. L’anniversaire va se transformer en explication de texte, pointe Le Figaro. Après avoir proclamé la « mort cérébrale » de l’Alliance, Emmanuel Macron veut essayer de la réanimer. « Tous les membres de l’Otan ne regardent pas dans la même direction. Il est important d’avoir la même compréhension des menaces », plaide-t-on à l’Élysée. Outre les rudoiements possibles de Donald Trump, poursuit Le Figaro, les sujets de crispation se focalisent sur la Turquie : de l’offensive en Syrie contre les Kurdes à l’acquisition de missiles russes S-400, Ankara multiplie les provocations. Le président Erdogan a même bloqué un plan de défense pour la Pologne et les pays Baltes. Il s’en prend aussi directement à Macron, jugé en état de « mort cérébrale ». »
Commentaire du Figaro : « attention au poison de la désunion. Ukraine, Syrie, antiterrorisme, cyberdéfense… les enjeux collectifs ne manquent pas. En revanche, l’étalage de ses désaccords finirait par être fatal à l’Otan. Ce serait alors au tour de Vladimir Poutine de triompher sans combattre. »
En tout cas, si « l’Otan en prend pour son grade en ce moment, ce n’est pas nouveau, s’exclament Les Dernières Nouvelles d’Alsace : depuis la fin de la guerre froide, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord traverse une crise existentielle marquée par quelques récurrents épisodes dépressifs. Ses actions (comme l’intervention en Libye en 2011) et surtout ses renoncements (dont celui de 2014 en Crimée n’est pas le moindre) interrogent. Le parapluie de l’Alliance a des fuites. Il apparaît moins fiable, trop coûteux et inadapté aux nouveaux enjeux géopolitiques. »
Source : RFI