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À Bamako, nettoyer les écuries d’Augias du marché de Banankabougou

Aujourd’hui pour se déplacer dans le marché de Banankabougou, en commune VI du district de Bamako, il faut traverser une rivière d’eaux usées. Cette semaine, j’y ai fait un tour pour vous faire découvrir la face sombre de ce marché dont il est temps de nettoyer les écuries d’Augias. 

 

La rue pavée, principale route qui longe tout le marché, grouille d’aliments frais : tomates, oignions, salades, etc. La première impression qu’on a, c’est d’être dans une zone marécageuse. On voit une petite rivière nauséabonde, prenant sa source des cours d’eaux qui se trouvent de l’autre côté de la rue pavée pour ensuite traverser tout le marché dans sa largeur.

En passant, on a aussi l’impression que cela ne gêne personne, surtout pas les vendeuses. Mais au bout d’une brève conversation, on comprend tout de suite qu’elles n’ont juste pas d’alternative. Certaines préfèrent même en rire : « Bien évidemment, cela me gêne. Mais, que vous voulez qu’on fasse ? Les eaux usées qui se déversent directement ici, comme vous pouvez le voir, proviennent des cours voisines du marché, et ce sont les mêmes qui viennent faire leurs achats », confie A. Cissé, vendeuse de tomates et d’autres légumes. Et pendant que j’échangeais avec elle, un motocycliste de passage a foncé dans une flaque d’eau, arrosant d’un jet d’eaux usées tout une rangée de tomates et de choux étalés.

Paie-t-elle les taxes ? Et pourquoi ne pas changer de lieu de vente ? : « Ici, les agents de la mairie s’en foutent. Le plus important pour eux, ce sont les 100 francs CFA que nous payons chaque matin. D’ailleurs, c’est le seul endroit où nous sommes accessibles pour nos clients. Ici au moins, l’eau coule lentement », ajoute Mme Cissé.

Exaspération

Non loin de là, se trouve Moussa Bamba, un jeune boucher. Quand il m’a vu poser des questions, il s’est approché et a demandé : « Êtes-vous de la mairie ? » J’ai répondu par la négative. Mais il m’a confié quelque chose d’assez hallucinant : « Chaque matin, je paie 1500 francs CFA à la mairie pour pouvoir vendre à cette place.» Il était remonté : « Vous-même, regardez autour de vous, est-ce normal que depuis des années la mairie ne puisse pas avoir une solution à ces eaux ? Souvent, pour me remettre le ticket, l’agent me le jette parce que pour m’atteindre il faut sauter. Des fois, j’ai envie de leur dire que je ne vais rien payer. Mais vendre la viande, c’est la seule source de revenu que j’ai afin de pouvoir nourrir ma famille. Et si je venais à quitter cet endroit, je risque de perdre mes clients ».

Certains vendeurs ont préféré quitter le marché pour s’installer ailleurs. Coumbely, une vendeuse de friperies, en fait partie. « Avant, raconte-t-elle, je vendais dans le marché. Mais à cause des eaux sales, qui ne cessaient de couler devant mon magasin, j’ai quitté les lieux. Souvent, j’avais les habits qui tombaient dans cette eau et c’était difficile d’enlever les taches ».

« Nous sommes tous coupables »

Si beaucoup pointent un doigt accusateur à l’encontre de la mairie de la commune VI du district de Bamako, M. Fofana, un vieux dont le domicile avoisine le marché, accuse les habitants, vendeurs et autres habitués du marché. « Quand je vois les gens se plaindre, ça me révolte. Nous ne respectons pas notre propre hygiène, ce n’est pas à la mairie qu’il faut jeter la pierre. Si chacun jouait son rôle de citoyen, nous n’en serions pas là. »

Selon certaines indiscrétions, chaque année avant l’hivernage, les habitants du secteur cotisaient. Avec l’aide de M. Fomba, ancien maire de Banankabougou, ils curaient les caniveaux, y compris la canalisation principale du marché. Malheureusement, cette année, cela n’a pas été fait.

En outre, les canalisations d’eaux usées des familles débouchant sur la canalisation principale du marché ne sont plus drainées vers le grand collecteur du quartier. Et tout ceci devient encore plus compliqué lorsque les gens déversent les ordures ménagères dans les caniveaux de drainage.

Risques d’inondation       

Abdoul Karim Danioko, chef d’antenne du service assainissement du Centre d’état civil secondaire de Banankabougou, explique que la question de l’assainissement du marché est une affaire de la maire de la commune VI. Il précise que son service ne s’occupe que des aspects techniques. Il y a trois ans, un collectif du marché a sollicité leur aide tout en cotisant afin d’assainir le marché : « Nous les avons outillés avec des brouettes, pioches et pelles. Malheureusement, ils n’ont pas su faire le travail correctement.»

En ce qui concerne les eaux qui se déversent directement dans le marché, il affirme avoir été lui-même sur les lieux à plusieurs reprises pour une sensibilisation : « J’ai d’abord été là-bas pour la sensibilisation avant de passer par la phase des convocations des familles responsables afin qu’on en discute pour trouver une solution durable ». Avant de rappeler qu’un jour, alors qu’il sensibilisait les gens, un chef de famille lui a répondu : « Si nous ne déversons pas nos déchets et eaux usées dehors, devrions-nous les boires peut-être ? »

J’étais tellement choqué que j’ai compris qu’il serait très difficile de trouver une solution à cette situation. En attendant, nous sommes en période de saison des pluies. Avec des canalisations bouchées et l’incivisme caractérisé, des risques d’inondation sont à craindre.

Source : BENBERE

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