Bouba, un jeune gestionnaire de borne fontaine dans le quartier de Lafiabougou-Bougoudani. A Bamako, très tôt le matin, il est déjà très occupé.
Un passant non averti le prendrait vite pour un vendeur clandestin de carburants car il est entouré d’une centaine de bidons de 20 litres de couleur jaune ou verte. Erreur, Bouba vend de l’eau aux habitants du quartier et il n’a pas presque pas fermé l’oeil. « Les clients viennent déposer leurs bidons le soir et passent les prendre à l’aube et moi, je commence à travailler généralement à partir de minuit, parce que le robinet commence à couler au milieu de la nuit », explique-t-il. « Je peux remplir 200 à 300 bidons de 20 litres. Cela dépend du débit du robinet. Et depuis deux semaines, la demande est de plus en plus forte, à cause de la canicule alors que le débit est souvent lent », précise Bouba. A Bamako, la corvée d’eau est permanente surtout en période de canicule.
Ainsi, tôt le matin, les rares bornes fontaines de la capitale sont prises d’assaut. « Je fais au minium six tours par jour avec un bidon de 20 litres sur la tête. Le calvaire, c’est quand nous devons faire la lessive car presque tous les puits du quartier sont déjà à sec », indique Afoussatou, une aide-ménagère dont les employeurs n’ont pas de robinet à domicile. Mais, même le fait d’avoir un robinet à la maison ne met pas à l’abri du calvaire. « Généralement, le robinet est coupé ici de 6h du matin jusqu’à la nuit », confesse avec Lalla Aïcha Doyon, ménagère. Le déficit d’eau à Bamako a ainsi donné naissance à de nouvelles opportunités d’emploi : l’installation et gestion de bornes fontaines et location de pousse-pousse pour le transports et la vente d’eau.
Sidy, un jeune Songhaï explique qu’il loue un pousse-pousse entre 750 et 1.000 F CFA par jour, achète le bidon d’eau 50 à 55 F CFA et le revend entre 75 et 100 F CFA en fonction de la distance. « C’est ma principale occupation. Cela me permet de faire beaucoup d’économies et d’envoyer de l’argent à mes parents ».
Quant aux propriétaires de fontaines, ils reconnaissent que, » c’ est une bonne affaire, surtout en saison sèche ». Sans dévoiler ses recettes, Awa Kouyaté Traoré avoue que la borne fontaine qu’elle exploite depuis une dizaine d’années est sa principale source de revenus. « Les bénéfices m’ont permis d’investir dans le transport (taxis) et le commerce de pagnes », précise-t-elle. La vente d’eau aux bornes fontaines a de beaux jours devant elle à Bamako où « la population ne cesse d’augmenter alors qu’il n’ y avait pas d’investissements conséquents dans le secteur de l’eau potable.
Les installations sont vétustes, inadaptées et surtout insuffisants pour satisfaire les nouveaux besoins », explique un cadre de la Société malienne de gestion de l’eau potable (SOMAGEP). Pour faire face à cette situation, des projets ambitieux sont à l’étude comme l’adduction d’eau potable de Kabala, dans la banlieue de Bamako, pour lequel le gouvernement malien a réussi à mobiliser 172 milliards de F CFA, soit 95,8 % des financements attendus. « Ce projet permettra de réaliser une station de production de 144.000 M3 d’eau potable par jour avec 96.000 branchements sociaux et 1.200 bornes fontaines publiques.
Ainsi, plus de 1,2 million de personnes auront bientôt accès à l’eau potable », assure le ministre de l’Energie et de l’Eau, Frankaly Kéita. Mais, cette production ne résorbera pas totalement le déficit actuel estimé à150.000 m3 par jour par les services techniques de la SOMAGEP. D’où la nécessite de trouver des fonds complémentaires pour la 2e phase des travaux, en vue de doubler la capacité de la future station et atteindre une production cumulée de 288.000 m3 par jour à l’horizon 2020.
Cella pourrait résorber le déficit de production, assurent des experts. Rien n’est moins sûr car l’accroissement démographique de Bamako est impressionnant. En 2012, la ville comptait environ 2. 458.695 habitants contre près de 100.000 à l’indépendance, en 1960, selon les démographes. Entre 1998 et 2009, la population a été multipliée par près de 1,8, soit un taux annuel d’accroissement moyen de 4,8 %. Bamako n’est donc pas prête à boire à sa soif de si tôt, selon des experts.
Source: L’Informateur