La tête en plein air, les lèvres toute sèche, portant juste un teeshirt au-dessus duquel un gilet vert, les sourcils poussiéreux, Khalifa Touré est conducteur de mototaxi depuis près de quatre mois au compte d’une compagnie basée à Bozola, dans le district de Bamako. Ce jeune diplômé de l’université des Sciences juridiques et politiques, Faculté de droit public, de Bamako peut parcourir plus d’une centaine de kilomètres par jour.
De la fatigue au niveau de la poitrine
Résidant à Kalaban-Coro, au sud-est de la capitale malienne, ce conducteur se réjouit de ce travail : « Je parviens à subvenir à mes propres besoins ainsi qu’à ceux de ma famille grâce à ce travail ». Sa protection personnelle n’est point un souci. « L’essentiel est d’avoir un travail et de l’argent pour faire face à mes dépenses », nous a-t-il confié.
Pourtant, Khalifa Touré n’est pas le seul à travailler dans ces conditions. Malick Djigué exerce également ce métier, à peine deux mois, à son propre compte. Ce recalé du baccalauréat, résidant à Kabala, informe qu’il transporte aussi des clients, en plus de la ville de Bamako, jusqu’au poste de Zantiguila — sur la route de Ségou. Dans une chemise des manches longues, il conduit souvent des clients jusqu’à Bancoumana — un village situé sur la route de Kangaba, à plus d’une quarantaine de kilomètres de la capitale malienne. « Je peux parcourir plus de cent kilomètres par jour. Je transporte des clients partout où c’est possible », a-t-il laissé entendre.
Si certains exercent cette activité comme solution au chômage, d’autres la pratiquent dans l’espoir de multiplier leurs ressources.
Des revenus variables
Si certains exercent cette activité comme solution au chômage, d’autres la pratiquent dans l’espoir de multiplier leurs ressources. C’est le cas d’Ousmane Fodé, qui exerce ce métier de conducteur, il y a juste deux mois. Cet agent de sécurité, dans une société de gardiennage depuis plusieurs années, se retrouve conducteur de moto-taxi. Car son salaire de gardien ne parvenait plus à couvrir les charges de sa famille. « Depuis que j’ai commencé ce travail, même si je sens une énorme fatigue au niveau de la poitrine pendant la nuit, je ne vis plus dans la situation de précarité d’avant », s’est-il réjoui malgré les conséquences sanitaires.
Tous ces dangers, tous ces kilomètres, sont parcourus chaque jour pour une somme variant entre 15 000 et 20 000 FCFA. « Après la recette et le prix d’essence, je peux me retrouver avec plus ou moins 15 000 », nous communique Khalifa Touré. M. Djigué qui travaille à compte personnel se retrouve, quant à lui, avec plus de 20 000 FCFA.
C’est pourquoi des conducteurs travaillant pour des sociétés se voient souvent dans l’obligation de prolonger leur durée de travail. « Certains travaillent même la nuit », a-t-on appris au cours d’une conversation entre des conducteurs auprès de la grande mosquée de Bamako, face à l’Assemblée nationale du Mali.
Certes, « il n’y a pas de sot métier », mais les conditions dans lesquelles ce métier de conducteur est exercé au Mali mettent la vie de ces jeunes en danger.
Des conséquences sanitaires
« il n’y a pas de sot métier », a-t-on coutume d’enseigner dans nos sociétés. Cependant, les conditions dans lesquelles ce métier de conducteur est exercé au Mali mettent la vie de ces jeunes en danger. Le métier de conducteur de moto-taxis, bien qu’ayant permis à plusieurs jeunes chômeurs d’avoir du travail au Mali, comporte d’énormes conséquences sanitaires.
Selon Dr Abdoulaye Guindo, l’accumulation des fatigues physiques et intellectuelles ne peut avoir d’autres conséquences, le plus souvent, que des accidents de la circulation. D’après lui, le non-port du casque peut également être une source d’insécurité pour ces conducteurs. « Il est également conseillé d’enlever le casque, qui est aussi un fardeau pour la tête, après une certaine durée », a-t-il expliqué.
Cette non-protection des conducteurs de moto-taxi peut occasionner également des maladies — notamment le traumatisme crânien, le Rhumatisme, la pneumopathie fonctionnelle et des traumatismes oculaires — selon les explications de Amédou Mallé, infirmier d’État à Bamako. « Certes, nous sommes pour la circulation des moto-taxis, mais nous invitons ces conducteurs à plus de protection et de vigilance », conclut Dr Guindo.
Bakary Fomba