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81 Peulhs du Cercle de Koro réfugiés à Dialakorobougou : Le calvaire d’un déplacement sur fond de chasse à l’Homme

Pour pouvoir fuir les exactions qu’ils subissent, des éleveurs peulhs du cercle de Koro ont été contraints de revendre une tête de chèvre à 1500 francs CFA et le bœuf à 5000 FCFA. En effet, laisser pour compte et face aux violences répétitives commises  à l’encontre des enfants, voire des bébés, des femmes et des  Hommes âgés de cette zone, ces individus au nombre de 81, terrorisés, chassés  non pas dans les buissons, mais dans leurs propres cases, ont été obligés de brader  leurs animaux domestiques pour se rendre ici au Sud. Actuellement, ces déplacés ont eu refuge dans le village de Dialakorobougou, une localité environnante de la ville de Bamako. Leurs villages sont en ruine en plus de la destruction des greniers. Où va ce pays ?

 Le conflit intercommunautaire à Koro a atteint son paroxysme.  Les premiers déplacés se sont déjà installés à Dialakorobougou depuis la semaine dernière. Une visite sur les lieux nous a permis de savoir les motivations réelles de leur déplacement et surtout leurs conditions d’installation et de vie de Déplacés à l’intérieur de son propre pays.

Ils sont pour l’instant au nombre 81 personne, originaire du Cercle de Koro, Région de Mopti, dans le Centre du pays, sur ledit site de cette localité proche de Bamako depuis le 2 mai dernier. 81 Déplacés, dont 38 enfants,  24 femmes et 19 hommes autochtones  des communes de Youdjou et de Kopropen. Ces personnes ont fui les attaques des groupes armés menés par des membres des communautés Dogons de leurs foyers d’origine.

Le site de Dialakorobougou

La localité  Dialakorobougou, située à près de 10 Kilomètres de la ville de Bamako, accueille les premiers déplacés du conflit intercommunautaire du Centre du Mali. Ces déplacés viennent de la Région de Mopti, plus précieusement du Cercle de Koro. Ils sont dans une maison inachevée, avec une bâche étalée au milieu de la cour. L’endroit  sert de lieu de réception des visiteurs. Ici les affres de traumatisme suite aux dernières violences sont lisibles sur les visages des déplacés. Même s’ils s’y remettent  petit à petit.

Les témoignages

Hama Barry est un jeune venu de Youdjou, il revient sur son calvaire: «Nous avons été attaqués par des donzo qui nous ont chassés de notre village, ont pillé et brûlé  nos maisons. Mon grand-père a été tué. Ils ont commencé par bruler les cases aux alentours du village. C’est pour cela que nous avons organisé notre voyage sur Bamako, nous avons fait de longs trajets à pied, avant d’avoir un véhicule ».

Assise sur une chaise avec un sceau d’oignons à éplucher, Malado Cissé se souvient lui de la catastrophe. «Les hommes de notre village se sont bien défendus, mais à la fin ils n’avaient plus de moyens ni d’armes, ils ont tué 3 personnes, 2 ont été blessées. C’est en ce moment que les dozos ont commencé à brûler nos villages, nos vivres et partir avec nos animaux. Même l’or de certaines femmes a été emporté… au moins 4 villages ont été incendiés par les dozos. Ils ont encerclé le village ; personne ne sortait et on n’avait plus droit à rien. C’est après quand ils sont repartis que certains de nos parents rescapés ont vendu leurs animaux, une chèvre a 1500 FCFA et un bœuf à 5000 FCFA. L’argent qu’on a eu après la vente des animaux a été injecté dans le financement de notre voyage, même en cours de route, comme on était à pied, ils nous suivaient», narre-t-elle. Puis elle supplie les  autorités compétentes du pays le désarmement des dozos pour sécuriser les populations. Car, selon notre interlocutrice, ce sont ces hommes en tenue de chasseurs qui sèment la terreur tout en tuant des civils innocents à longueur de journée.

La vieille Ina Cissé de Youdjou raconte que 3 personnes  de son village et leur Chef de village ont été tués. «Nos greniers, nos habits, tous les hommes même les petits enfants aux dos ont été ciblés… comme on n’avait plus rien dans notre village, nous avons organisé notre voyage sur Bamako avec l’aide de nos parents et des animaux que nous avons bradé, parce qu’une tête de chèvre a été revendue à 1500 FCFA et le bœuf à 5000 FCFA », renchérit- elle.

À Dialakorobougou, parmi les Réfugiés, il y a aussi une vieille dame de 70 ans, qui se torde de douleurs. Elle se plaint des secousses du voyage. Aussi, nous avons aperçu une jeune dame sous perfusion. Son enfant qu’elle allaite souffre lui aussi.

Selon Allaye Cissé : «le fils du Chef de village a été tué et son premier garçon a été blessé, les balles l’ont atteint au cou. Mon frère jumeau a été tué aussi. Un vieux de 70 ans morts aussi. Une fois qu’ils ont tué les trois personnes, on a fui et ils ont mis le feu au reste. Ils ont aussi volé notre bétail. On est parti dans le village de Coumbawouro. Le Chef de village et le Maire nous ont dit d’aller à Bamako». Ces témoignages ont été soutenus par Maïmouna Dicko. Selon elle, «les assaillants portaient les tenues traditionnelles des chasseurs dozos».

Par ailleurs, déplore Koumba Cissé de Youdjou : «Lorsque les chasseurs arrivent, ils tuent les animaux, ils tuent les hommes et les dépècent comme ils dépouillent les animaux sauvages».

Cependant, les peulhs déplacés du Cercle de Koro se  réjouissent d’avoir trouvé refuge dans un bâtiment inachevé dans la banlieue de Bamako. Fuyant les affrontements interethniques du Centre du Mali.

La réaction de la Communauté Peulh 

Tous les Peulhs du pays, précisément ceux  représentés dans l’Association Tabital Pulaaku, dénoncent des exactions dans le Centre du Mali. Selon les Responsables de Tabital Pulaaku, sur place, le nombre de victimes déplacées est bien plus important, surtout dans la Région de Mopti.

«Nous espérons que chacun mesure l’ampleur de la tragédie.  Dans l’urgence, il ne s’agit pas de combattre l’idéologie fondamentaliste islamiste armée. Il s’agit de s’interposer entre des civils et d’apporter du secours à des victimes de l’absence de l’État », déclare Boubacar Hamidou Bah. Il regrette le fait que les assaillants s’en prennent même aux animaux. Selon lui, les violences se multiplient depuis deux ans dans le centre du Mali entre Peulhs, traditionnellement éleveurs, et les ethnies bambara et dogon, pratiquant majoritairement l’Agriculture.  Selon lui, « l’ampleur actuelle n’est pas gratuite parce que ce ne sont plus les conflits intercommunautaires classiques, mais des  violences intercommunautaires, avec des civils comme cibles des dozos ».

C’est en ces termes que la Communauté peulh accuse régulièrement les autorités de tolérer, voire d’encourager, les exactions de groupes de chasseurs traditionnels à son encontre, au nom de la lutte contre les djihadistes. L’État malien dément catégoriquement cette thèse soutenue par les peulhs même s’il faut reconnaître que la situation a dégénéré depuis la fameuse déclaration du Premier Ministre   Soumeylou Boubèye Maïga de traquer les terroristes jusque dans leur derrière retranchement.   « C’est sûr que parmi les djihadistes, il y a des Peulhs, mais tous les Peulhs ne sont pas djihadistes et tous les chasseurs ne sont pas dogons», argue Sambourou Diallo de l’Association Tabital Pulaaku.

«Les actes de violences intercommunautaires ne sont pas rares dans cette Région ; notamment en cette période de l’année en raison des aléas climatiques qui rendent difficile l’accès à l’eau et aux pâturages. Ce qui est inhabituel, c’est l’ampleur de ces violences, le nombre de morts, de blessés et de gens qui ont fui », souligne la Croix-Rouge.

La solidarité se conjugue

Au moment de notre passage sur le lieu d’hébergement de  ces déplacés, ils étaient tous logés ensemble. Faut-il noter qu’une solidarité s’organise autour d’eux grâce à l’engagement des amis de la  Culture peulh, Tabital Pulaaku. S’y ajoutent les soutiens des  Directions de développement social de Bamako et Koulikoro. Ces structures apportent des vivres, des couvertures, des nattes. Une équipe médicale est sur place à travers le CSCOM de la Commune rurale de Dialakorobougou.

Oumar Diakité : LE COMBAT

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